C’est la fête de la sainteté ordinaire, de ceux qui ont vécu l’Évangile avec humilité, fidélité et amour. Comme l’a si justement rappelé le pape Benoît XVI dans son homélie de 2006, « Les saints ne constituent pas une caste restreinte d’élus, mais une foule innombrable, vers laquelle la liturgie nous invite aujourd’hui à élever le regard. »
L’origine de la Toussaint remonte aux premiers siècles de l’Église. Dès le IVe siècle, les chrétiens d’Orient, notamment en Syrie, avaient consacré un jour à tous les martyrs, tant leur nombre croissant rendait impossible une commémoration individuelle. Trois siècles plus tard, le pape Boniface IV transforma le Panthéon de Rome, temple dédié à tous les dieux, en église consacrée à la Vierge Marie et à tous les martyrs, signifiant ainsi la victoire du Christ sur les idoles et l’universalité du salut. La fête s’étendit peu à peu à toute la chrétienté, et le pape Grégoire IV la fixa au 1er novembre en 835. Dans l’Église d’Orient, la fête demeure célébrée le dimanche après la Pentecôte, en signe du lien profond entre la sainteté et l’action de l’Esprit Saint.
À la suite du Concile Vatican II, Benoît XVI rappela avec clarté que la sainteté n’est pas réservée à quelques-uns : « Être saint signifie : vivre dans la proximité de Dieu, vivre dans sa famille. Et telle est notre vocation à tous. » La sainteté n’est pas un privilège, mais un appel universel. Elle n’exige pas des œuvres extraordinaires, mais la fidélité au Christ dans le quotidien. Comme le disait saint Bernard, cité par Benoît XVI, « Nos saints n’ont pas besoin de nos honneurs, mais lorsque je pense à eux, je sens brûler en moi de grands désirs. » C’est là le cœur de la Toussaint, en contemplant ceux qui ont vécu l’amour du Christ, nous sommes appelés à désirer la même intimité divine, à goûter la joie des enfants de Dieu.
Dans son homélie de 2006, le pape Benoît XVI a commenté l’Évangile de ce jour, celui des Béatitudes, comme la charte de la sainteté : « Le bienheureux par excellence est uniquement Lui, Jésus. Les Béatitudes nous montrent la physionomie spirituelle de Jésus et expriment son mystère, le mystère de la Mort et de la Résurrection. » Ainsi, suivre les Béatitudes, c’est suivre le Christ dans son abaissement et sa gloire, c’est accepter la pauvreté, la douceur, la miséricorde, la pureté du cœur, la persécution même, comme autant de chemins vers la vraie joie, celle de vivre en communion avec Dieu.
En célébrant la Toussaint, l’Église « manifeste sa beauté d’épouse immaculée du Christ » disait Benoît XVI. Sur la terre, elle reste pèlerine, parfois blessée par les péchés de ses fils, mais dans le Ciel elle resplendit déjà dans la gloire des saints. Cette communion des saints, que nous proclamons dans le Credo, unit l’Église d’en haut et celle d’en bas dans une même adoration. En eux, l’Église se reconnaît et trouve sa joie : « C’est dans les saints qu’elle goûte sa joie la plus profonde », soulignait encore le Saint-Père.La sainteté, rappelle Benoît XVI, n’est pas d’abord le fruit d’un effort humain mais le don de Dieu : « La sainteté exige un effort constant, mais elle est à la portée de tous, car plus que l’œuvre de l’homme, elle est avant tout un don de Dieu, trois fois Saint. » Elle est la réponse reconnaissante de l’homme à l’amour du Père : « Voyez quelle manifestation d’amour le Père nous a donnée pour que nous soyons appelés enfants de Dieu. Et nous le sommes ! » (1 Jn 3,1). L’unique vraie tristesse, affirmait le pape, est de vivre loin de Dieu. À l’inverse, celui qui s’abandonne à Lui découvre la joie profonde de se savoir aimé et sauvé.
En cette fête de Tous les Saints, chaque chrétien est invité à redécouvrir son baptême, à renouveler son désir de sainteté et à se laisser transformer par la grâce. La sainteté n’est pas un luxe spirituel, elle est la vocation de tout homme, le destin promis à tout enfant de Dieu. « Avec Lui, l’impossible devient possible, et même un chameau peut passer par le trou d’une aiguille », disait Benoît XVI, rappelant que rien n’est trop grand pour celui qui aime le Christ.La Toussaint est la fête de l’espérance chrétienne, la fête de la victoire de la grâce sur le péché, du Ciel sur la terre. Elle proclame que l’amour de Dieu est plus fort que la mort, et que notre destinée ultime est la sainteté. « Saints et saintes de Dieu, vitraux de la lumière divine, parlez-nous de Lui. Vous qui n’avez pas trouvé de date dans nos calendriers, mais qui avez reçu de Dieu une place éternelle, priez pour nous. »
Nous vous proposons, pour nourrir votre prière et votre méditation, l’homélie complète du pape Benoît XVI pour la solennité de Tous les Saints, prononcée en 2006 à la Basilique Saint-Pierre.
« CHAPELLE PAPALE POUR LA SOLENNITÉ DE TOUS LES SAINTS
HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI
Basilique Vaticane
Mercredi 1er novembre 2006
Chers frères et soeurs,
Notre célébration eucharistique s’est ouverte par l’exhortation « Réjouissons-nous tous dans le Seigneur ». La liturgie nous invite à partager l’exultation céleste des saints, à en goûter la joie. Les saints ne constituent pas une caste restreinte d’élus, mais une foule innombrable, vers laquelle la liturgie nous invite aujourd’hui à élever le regard. Dans cette multitude, il n’y a pas seulement les saints officiellement reconnus, mais les baptisés de chaque époque et nation, qui se sont efforcés d’accomplir avec amour et fidélité la volonté divine. Nous ne connaissons pas le visage ni même le nom de la plupart d’entre eux, mais avec les yeux de la foi, nous les voyons resplendir, tels des astres emplis de gloire, dans le firmament de Dieu.
Aujourd’hui, l’Eglise fête sa dignité de « mère des saints, image de la cité céleste » (A. Manzoni), et manifeste sa beauté d’épouse immaculée du Christ, source et modèle de toute sainteté. Elle ne manque certes pas de fils contestataires et rebelles, mais c’est dans les saints qu’elle reconnaît ses traits caractéristiques, et c’est précisément en eux qu’elle goûte sa joie la plus profonde. Dans la première Lecture, l’auteur du Livre de l’Apocalypse les décrit comme « une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, de toute nation, race, peuple et langue » (Ap 7, 9). Ce peuple comprend les saints de l’Ancien Testament, à partir d’Abel le juste et du fidèle Patriarche Abraham, ceux du Nouveau Testament, les nombreux martyrs du début du christianisme, les bienheureux et saints des siècles successifs, jusqu’aux témoins du Christ de notre époque. Il sont tous unis par la volonté d’incarner l’Evangile dans leur existence, sous l’impulsion de l’éternel animateur du Peuple de Dieu qu’est l’Esprit Saint.
Mais « à quoi sert notre louange aux saints, à quoi sert notre tribut de gloire, à quoi sert cette solennité elle-même? ». C’est par cette question que commence une célèbre homélie de saint Bernard pour le jour de la Toussaint. C’est une question que nous pourrions nous poser également aujourd’hui. Et la réponse que le saint nous donne est tout aussi actuelle: « Nos saints – dit-il – n’ont pas besoin de nos honneurs et et ils ne reçoivent rien de notre culte. Pour ma part, je dois confesser que, lorsque je pense aux saints, je sens brûler en moi de grands désirs » (Disc. 2; Opera Omnia Cisterc. 5, 364sqq). Telle est donc la signification de la solennité d’aujourd’hui: en regardant l’exemple lumineux des saints, réveiller en nous le grand désir d’être comme les saints: heureux de vivre proches de Dieu, dans sa lumière, dans la grande famille des amis de Dieu. Etre saint signifie: vivre dans la proximité de Dieu, vivre dans sa famille. Et telle est notre vocation à tous, répétée avec vigueur par le Concile Vatican II, et reproposée aujourd’hui de façon solennelle à notre attention.
Mais comment pouvons-nous devenir saints, amis de Dieu? On peut répondre à cette interrogation tout d’abord par une négation: pour être saint, il n’est pas nécessaire d’accomplir des actions et des oeuvres extraordinaires, ni de posséder des charismes exceptionnels. On peut ensuite répondre par une affirmation: il est nécessaire avant tout d’écouter Jésus, et de le suivre sans se décourager face aux difficultés. « Si quelqu’un me sert – nous avertit-Il – qu’il me suive, et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera » (Jn 12, 26). Celui qui a confiance en Lui et l’aime d’un amour sincère, comme le grain de blé tombé en terre, accepte de mourir à lui-même. En effet, il sait que celui qui veut garder sa vie pour lui-même la perd, et que celui qui se donne, se perd, et trouve précisément ainsi la vie. (cf. Jn 12, 24-25). L’expérience de l’Eglise démontre que toute forme de sainteté, tout en suivant des parcours différents, passe toujours par le chemin de la croix, le chemin du renoncement à soi-même. Les biographies des saints décrivent des hommes et des femmes qui, dociles aux desseins divins, ont parfois affronté des épreuves et des souffrances indescriptibles, des persécutions et le martyre. Ils ont persévéré dans leur engagement, « ce sont ceux qui viennent de la grande épreuve – lit-on dans l’Apocalypse – ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau » (v. 14). Leurs noms sont inscrits dans le livre de la vie (cf. Ap 20, 12); leur demeure éternelle est le Paradis. L’exemple des saints est pour nous un encouragement à suivre les mêmes pas, à ressentir la joie de celui qui a confiance en Dieu, car l’unique cause véritable de tristesse et de malheur pour l’être humain est de vivre loin de Lui.
La sainteté exige un effort constant, mais elle est à la portée de tous car, plus que l’oeuvre de l’homme, elle est avant tout un don de Dieu, trois fois Saint (cf. Is 6, 3). Dans la seconde Lecture, l’Apôtre Jean observe: « Voyez quelle manifestation d’amour le Père nous a donnée pour que nous soyons appelés enfants de Dieu. Et nous le sommes! » (1 Jn 3, 1). C’est donc Dieu qui nous a aimés en premier et qui, en Jésus, a fait de nous ses fils adoptifs. Dans notre vie, tout est don de son amour: comment demeurer indifférents face à un si grand mystère? Comment ne pas répondre à l’amour du Père céleste par une vie de fils reconnaissants? Dans le Christ, il nous a fait don de tout son être, et nous appelle à une relation personnelle et profonde avec Lui. C’est pourquoi, plus nous imitons Jésus et demeurons unis à Lui, plus nous entrons dans le mystère de la sainteté divine. Nous découvrons qu’Il nous aime de façon infinie, et cela nous pousse à notre tour à aimer nos frères. Aimer implique toujours un acte de renoncement à soi-même, de « se perdre soi-même » et, précisément ainsi, cela nous rend heureux.
Ainsi, nous sommes arrivés à l’Evangile de cette fête, à l’annonce des Béatitudes que nous venons d’entendre retentir dans cette Basilique. Jésus dit: Heureux ceux qui ont une âme de pauvre, heureux les doux, heureux les affligés, heureux les affamés et les assoiffés de justice, les miséricordieux, heureux les coeurs purs, les artisans de paix, les persécutés pour la justice (cf. Mt 5, 3-10). En vérité, le bienheureux par excellence est uniquement Lui, Jésus. En effet, c’est Lui qui a véritablement une âme de pauvre, l’affligé, le doux, l’affamé et assoiffé de la justice, le miséricordieux, le coeur pur, l’artisan de paix; c’est Lui le persécuté pour la justice. Les Béatitudes nous montrent la physionomie spirituelle de Jésus, et expriment ainsi son mystère, le mystère de Mort et de Résurrection, de Passion, et de joie de la Résurrection. Ce mystère, qui est le mystère de la véritable Béatitude, nous invite à suivre Jésus et, ainsi, à nous acheminer vers elle. Dans la mesure où nous accueillons sa proposition et nous nous plaçons à sa suite – chacun selon ses conditions -, nous aussi, nous pouvons participer à sa béatitude. Avec Lui, l’impossible devient possible et même un chameau peut passer par le trou d’une aiguille (cf. Mc 10, 25); avec son aide, et uniquement avec son aide, il est possible de devenir parfaits comme le Père céleste est parfait (cf. Mt 5, 48).
Chers frères et soeurs, entrons à présent dans le coeur de la Célébration eucharistique, encouragement et aliment de sainteté. Dans quelques instants deviendra présent de la façon la plus élevée le Christ, véritable Vigne, à laquelle, en tant que sarments, sont unis les fidèles qui sont sur terre et les saints du ciel. Ainsi se renforcera la communion de l’Eglise en pèlerinage dans le monde avec l’Eglise triomphante dans la gloire. Dans la Préface, nous proclamerons que les saints sont pour nous des amis et des modèles de vie. Invoquons-les afin qu’ils nous aident à les imiter et engageons-nous à répondre avec générosité, comme ils l’ont fait, à l’appel divin. Invoquons en particulier Marie, Mère du Seigneur et miroir de toute sainteté. Qu’Elle, la Toute Sainte, fasse de nous de fidèles disciples de son fils Jésus Christ! Amen. »
Source Vatican


