À la suite du passage du typhon Kalmaegi, appelé localement « Tino », qui a frappé l’île de Cebu au début du mois de novembre et causé plus de 90 morts ainsi que le déplacement d’environ 400 000 personnes, l’archevêque de Cebu, Monseigneur Alberto S. Uy, a publié un message à la population. Il y a exprimé sa proximité avec les victimes et invité la communauté catholique à répondre avec solidarité et sens des responsabilités. « Ces désastres sont le reflet de ce que nous avons fait, ou n’avons pas réussi à faire, pour notre maison commune », a-t-il déclaré, en encourageant familles, institutions religieuses et paroisses à ouvrir leurs portes aux personnes déplacées.
Dans son message, le prélat a relié l’ampleur des dégâts à des causes humaines aggravantes, en particulier aux carences de gouvernance. « Lorsque les fonds publics sont volés ou utilisés à mauvais escient, non seulement on perd de l’argent, mais on porte également atteinte à la confiance des gens, à la sécurité des familles et à la dignité des pauvres », a-t-il affirmé. Il a ajouté que l’absence de mise en œuvre de certains « projets de contrôle des inondations » annoncés représente « une moquerie face aux cris des pauvres qui souffrent le plus lors des catastrophes ».L’archevêque a invité à une lecture spirituelle des événements, déclarant : « Dieu parle à travers le vent et les eaux. Il nous appelle à la repentance et au renouveau. » Il a encouragé les fidèles à « redécouvrir [leur] responsabilité d’administrateurs, et non d’exploitants », en promouvant l’honnêteté et la responsabilité dans la vie publique. Son propos a également porté sur une double conversion, écologique et morale, au service du bien commun : « Que ces inondations réveillent en nous une conversion écologique et morale plus profonde. Qu’elles nous rappellent que prendre soin de l’environnement et promouvoir l’intégrité dans la gouvernance sont deux actes de foi, de justice et d’amour. »
Dans le même temps, le 4 novembre 2025, la Conférence des évêques catholiques des Philippines (CBCP) a diffusé une circulaire de Monseigneur Jose Rojas, président de la Commission épiscopale pour la doctrine de la foi, sur les dons entachés de corruption. Le document rappelle la ligne de conduite à tenir pour préserver l’intégrité morale de l’Église. « L’Église doit refuser de tels dons, à moins et jusqu’à ce que la justice ait été recherchée par des moyens appropriés et transparents », indique le document. Selon Monseigneur Rojas, « l’Église doit se tenir à l’écart de ce désordre si elle veut conserver l’ascendant moral pour se joindre, voire conduire, les appels à la responsabilité et à la transparence parmi les personnes mises en cause ». Il précise encore : « Pour maintenir l’intégrité de son témoignage, surtout à la lumière de l’option préférentielle de l’Évangile pour les pauvres et de l’appel à la justice, l’Église doit répondre d’une manière à la fois véridique et pastoralement prudente. ».
Lire aussi
La circulaire traite aussi des cas où des dons auraient déjà été reçus : « L’Église a l’obligation morale de prendre les mesures correctrices appropriées, y compris de retourner promptement le don aux propriétaires légitimes ou aux victimes, s’ils sont identifiables », affirme Mgr Rojas. Lorsque les propriétaires ou victimes ne peuvent plus être identifiés, « réorienter les fonds vers des causes de justice ou de charité est l’option adéquate ». « Une autre option consiste pour l’Église à soutenir des efforts de restitution ou de réparation », ajoute-t-il. Pour les biens immobiliers éventuellement acquis grâce à des dons d’origine douteuse, l’usage « devrait être orienté vers l’intérêt public ou d’autres finalités réparatrices ou restauratives, comme des programmes d’utilité publique, l’éducation, la santé et d’autres services ».
Rappelons que l’Église catholique aux Philippines occupe une place centrale dans la vie spirituelle, sociale et culturelle du pays. Introduit en 1521 par les missionnaires espagnols, le catholicisme s’est profondément enraciné au fil des siècles, façonnant l’identité nationale. Aujourd’hui, près de 80 % de la population se réclame de la foi catholique, ce qui fait des Philippines le pays le plus catholique d’Asie. L’Église y joue un rôle majeur, non seulement religieux mais aussi éducatif et social, à travers un vaste réseau d’écoles, d’universités, d’hôpitaux et d’œuvres caritatives. Structurée en 16 provinces ecclésiastiques comprenant 72 diocèses, 7 vicariats apostoliques et un ordinariat militaire, elle témoigne d’une présence hiérarchique solide et d’une vitalité pastorale soutenue. Malgré les défis contemporains l’Église demeure une force morale et une référence spirituelle pour des millions de Philippins, attachés à leur foi et à leurs traditions chrétiennes. Ainsi, dans un pays où la foi catholique reste au cœur de la vie publique, les appels conjugués de Monseigneur Uy et de la CBCP traduisent la volonté de défendre l’honnêteté et la transparence conformément aux valeurs chrétiennes.


