L’audition tenue au Capitole a révélé une fracture profonde entre ceux qui, à Washington, minimisent encore la gravité de la persécution des chrétiens au Nigeria, et ceux qui, comme l’évêque Monseigneur Wilfred Anagbe, en mesurent chaque jour les conséquences humaines. Depuis son diocèse de Makurdi, l’un des plus touchés par les attaques de groupes armés, le prélat a lancé un appel direct aux États-Unis, estimant que seule une action concrète de la première puissance mondiale pourrait empêcher l’effondrement du christianisme dans certaines régions du pays. Ce plaidoyer rejoint les mises en garde du président Donald Trump, qui avait décidé de placer le Nigeria sur la liste américaine des pays particulièrement préoccupants en matière de liberté religieuse, choix que certains parlementaires continuaient pourtant de critiquer ou de relativiser.

La séance du sous-comité des Affaires étrangères de la Chambre des représentants s’est déroulée dans un contexte particulièrement tendu. Quelques jours auparavant, un internat catholique avait été attaqué dans l’ouest du Nigeria et plusieurs enfants avaient été enlevés. Le climat de peur persiste dans de nombreuses communautés chrétiennes, régulièrement visées par des groupes armés, qu’il s’agisse de factions extrémistes fulani ou de cellules affiliées à Boko Haram.
Le président du sous-comité, Chris Smith, a rappelé que la violence religieuse ne peut plus être relativisée ni présentée comme un simple conflit local, affirmant que la motivation religieuse est un élément constant des attaques.
Intervenant par visioconférence, Monseigneur Anagbe a déclaré que l’inscription du Nigeria sur la liste américaine des pays de spécial préoccupation avait apporté un réel soulagement moral aux communautés chrétiennes sous pression. Il a toutefois souligné que cette reconnaissance symbolique est insuffisante face à la gravité de la crise.
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Il a décrit des villages incendiés, des familles décimées et des milliers de déplacés entassés dans des camps où les ressources manquent. Selon lui, l’inaction internationale ne fait qu’encourager les groupes violents, qui profitent de l’absence d’intervention pour étendre leur influence et multiplier les attaques. Le prélat a insisté sur la nécessité d’un engagement coordonné, incluant des mesures politiques, militaires et humanitaires, encourageant les États-Unis à recourir aux outils prévus par la loi Magnitsky afin de sanctionner les responsables de violations graves des droits humains.
L’évêque a rappelé que ses propres proches avaient été tués au cours d’une attaque fulani, illustrant la proximité tragique des violences. Les chiffres cités par plusieurs membres du Congrès ont renforcé son constat. Selon les données d’Open Doors, le Nigeria compte plus de chrétiens assassinés pour leur foi que tout autre pays au monde, et les violences ont également fait des dizaines de milliers de victimes musulmanes modérées depuis 2009. Les parlementaires républicains ont soutenu l’idée de renforcer les mesures coercitives, évoquant le gel des avoirs de responsables impliqués et la nécessité de désarmer les milices.Cependant, la position n’a pas été unanime. Certains élus démocrates américains ont affirmé que la crise ne touchait pas uniquement les chrétiens et se sont opposés à l’idée d’un soutien militaire américain, jugeant qu’une telle approche risquerait d’aggraver les tensions régionales. La représentante Sara Jacobs a insisté pour que la diplomatie soit privilégiée avant toute mesure de force, estimant que qualifier le conflit de « strictement religieux » serait réducteur.
Les responsables américains du Département d’État ont néanmoins reconnu l’échec du gouvernement nigérian à protéger ses citoyens et ont évoqué l’élaboration d’un plan destiné à inciter Abuja à agir. Pour l’évêque Monseigneur Anagbe, cette lenteur est inquiétante.
Il a déclaré que la patience des communautés chrétiennes était épuisée et que la situation ne permettait plus d’attendre. Selon lui, chaque jour de retard apporte son lot de victimes supplémentaires.
Le témoignage de Monseigneur Anagbe met en lumière l’impasse dans laquelle se trouvent les chrétiens du Nigeria. Dans un pays où l’État peine à répondre à la violence et où la population vit dans la peur permanente, son appel constitue un cri d’alarme adressé à une Amérique divisée entre prudence diplomatique et volonté d’agir. L’évêque affirme pourtant que la question est simple. Si rien n’est fait, le christianisme pourrait bientôt disparaître de régions entières du nord et du centre du Nigeria. Pour lui, le moment est venu de dépasser les hésitations. Il demande aux États-Unis de joindre l’action à la parole, convaincu que seule une intervention déterminée pourra freiner l’avancée de ceux qui veulent faire disparaître les chrétiens de cette partie du monde.


