Non pas rivale du Rédempteur, mais mère associée à sa mission, par grâce et dans une dépendance totale du Fils, tel est le cadre dans lequel le père Serafino Lanzetta, prêtre et professeur de théologie dogmatique à Lugano, situe l’intelligence du rôle de Marie. C’est à partir de cette conviction qu’il intervient dans le débat ouvert par la Note Mater Populi Fidelis du Dicastère pour la Doctrine de la Foi et par les interventions de Son Excellence Mgr Antonio Staglianò. Dans le média italien La Bussola, il observe qu’un phénomène significatif est en cours. Des thèmes longtemps réservés à la recherche spécialisée, la corédemption et la médiation mariales, éveillent désormais l’intérêt du peuple de Dieu. Selon lui, un débat nouveau se lève, qui ne doit pas être interrompu mais accompagné et approfondi.
Pour le père Lanzetta, il importe désormais de clarifier ce qui se trouve en jeu dans l’intelligence du rôle de Marie et de comprendre pourquoi une approche trop réduite risquerait de méconnaître la vérité dogmatique gardée par l’Église depuis les origines.Il analyse la réflexion de Monseigneur Staglianò, dont il souligne l’accent davantage anthropologique. Celui-ci présente Marie avant tout comme celle qui reçoit l’amour du Christ, s’y laisse transformer et le transmet aux croyants. Elle apparaît ainsi comme la première des rachetés, modèle de rédemption, mais sans rôle propre dans l’œuvre salvifique. Or, explique le père Lanzetta, cette insistance exclusive sur la seule réception comporte un risque précis. Elle tend à réduire Marie au seul titre de Christotokos, mère du Christ selon la chair, et à oublier le dogme proclamé à Éphèse en 431, celui de la Maternité divine.
Marie est Mère de Dieu, non simplement mère de Jésus homme, car la maternité porte sur la personne du Fils et non sur la nature. Le Christ ne comporte pas deux personnes, l’une divine et l’autre humaine, mais une seule personne, divine, assumant la nature humaine. Marie est donc véritablement Mère de la Personne du Fils. Elle est Mère de Dieu et non seulement mère du Christ.
Pour le père Lanzetta, ce titre, plus exigeant, protège la vérité dogmatique. Il rappelle que saint Cyrille d’Alexandrie le défendit avec vigueur et que le Concile l’accueillit.Defendre la Maternité divine, poursuit-il, consistait à rejeter un minimalisme théologique séduisant par sa rationalité mais contraire à la vérité. Le problème n’était pas d’abord mariologique, il était christologique. Affirmer Marie Mère de Dieu permet de maintenir simultanément l’unité de la Personne du Verbe et la réalité de la nature humaine reçue de la Vierge. Refuser cela conduirait à l’interprétation erronée des deux Fils. Le père Lanzetta établit alors un parallèle significatif avec la corédemption.
Marie, dit-il, permet de tenir ensemble la vérité divine de la rédemption et la contribution humaine nécessaire. La contribution première est celle de la nature humaine de Jésus, ensuite celle de Marie. Elle ne se limite pas à recevoir le salut, elle coopère, en Jésus et pour Jésus, en vertu de son lien maternel avec Lui. En sauvegardant la réalité de la chair dans la rédemption, elle anticipe de manière unique la participation des autres hommes à l’œuvre du Christ par le mérite.
Nier la dimension active de la co-rédemption revient, selon lui, à rejeter la doctrine du mérite, c’est à dire la véritable association de l’homme au Christ dans l’œuvre de son salut, association rendue possible par la grâce
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Pour le père Lanzetta, le débat est fondamentalement ontologique. Il concerne la participation à l’œuvre du salut. Participer signifie être collaborateur du Christ dans l’accomplissement subjectif de la finalité salvifique. Appelé par la grâce, transformé par l’amour du Fils, l’homme devient capable de coopérer à son salut et à celui des autres. La grâce de Celui qui invite constitue la réalité participative. Le participant, pour sa part, s’unit à cette œuvre et y apporte ce qui lui est propre, sa liberté et son mérite. Il existe une hiérarchie de participation entre les créatures selon le mérite et la dignité, mais il n’est pas nécessaire de minimiser la dissimilitude. La participation n’est pas une quantité mesurable. Elle n’est pas graduée. Il serait absurde de réduire la métaphysique à une théorie de la quantité pour déterminer la participation la plus faible possible de Marie afin de ne pas troubler l’unique primauté du Christ.
Participer signifie dépendre de Celui qui donne participation. C’est exactement, souligne-t-il, ce que manifeste Marie. En tant que créature, elle participe à l’être et dépend du Créateur. En tant que Mère de Dieu et Corédemptrice, elle participe à l’œuvre du salut avec toute la capacité de Mère et de nouvelle Ève. Cette participation est unique, singulière, sans équivalent, parce qu’elle repose sur deux caractères sotériologiques essentiels, Mère de Dieu et compagne du nouvel Adam. Cette dignité singulière ne diminue en rien la primauté du Fils, elle la manifeste.
Marie n’est pas une « menace » pour le Christ, elle est la Mère qui le glorifie. Dire Corédemptrice signifie donc reconnaître la coopération singulière de Marie à l’œuvre de la rédemption, coopération active, enracinée métaphysiquement dans une participation réelle rendue possible par une grâce unique.
Il n’est pas nécessaire d’établir une participation minimale pour la rendre acceptable. La distinction de Marie se trouve dans son être, dans la grâce reçue, non dans la quantité de son action.
Le père Lanzetta répond ensuite à une objection fréquente. Marie ne pourrait être Corédemptrice puisqu’elle a elle-même besoin de la rédemption. Comment serait-il possible d’être à la fois rachetée et Corédemptrice. Selon lui, la difficulté n’est qu’apparente. La rédemption de Marie relève d’un plan antérieur et plus parfait, en termes de participation, à son rôle de Corédemptrice. Le dogme de l’Immaculée Conception enseigne que Marie est rachetée d’une manière singulière. Elle est préservée du péché originel par un privilège unique de la grâce du Christ. Ce privilège lui donne une capacité propre d’écraser avec le Christ la tête du serpent infernal et de participer à la rédemption de l’humanité. Si Marie participe réellement à la grâce et au salut par son être de Mère Immaculée, elle est nécessairement médiatrice de grâce et de salut. Tel est précisément le sens théologique du terme Corédemptrice.
Le père Serafino Lanzetta conclut que le débat ne doit pas être clos mais poursuivi. Réduire Marie, c’est méconnaître le Christ. Comprendre la Mère de Dieu permet de comprendre l’œuvre du Fils.


