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Paris, la fusion annoncée des séminaires des Carmes et de Saint Sulpice

Séminaire Saint Sulpice à Issy les Moulineaux - DR
Séminaire Saint Sulpice à Issy les Moulineaux - DR
La décision est symboliquement forte. Rue d’Assas, en plein cœur du sixième arrondissement, les Carmes portaient une mémoire spirituelle et académique importante

La décision n’est pas encore officiellement signée, mais elle est désormais actée dans les esprits. Après plus d’un siècle d’existence, le Séminaire des Carmes, adossé à l’Institut catholique de Paris, devrait fusionner avec le Séminaire Saint Sulpice d’Issy les Moulineaux. À Lourdes, lors de l’Assemblée plénière de novembre, les évêques concernés ont donné leur accord de principe, et les séminaristes ont été prévenus à l’automne de leur probable installation à Issy en 2026.Depuis une dizaine d’années, l’idée circulait déjà. Deux maisons de formation sacerdotale aux racines sulpiciennes, dans le même bassin géographique, recrutant dans les mêmes diocèses et accueillant des effectifs modestes. À l’heure actuelle, une trentaine de séminaristes rue d’Assas, une vingtaine à Issy les Moulineaux. La logique interne, comme l’exigence de qualité, plaident pour un rapprochement, la dispersion devenant difficilement soutenable dans le contexte actuel.

Pour les responsables du dossier, l’enjeu n’est pas d’abord arithmétique, mais qualitatif. Il s’agit de proposer un modèle enthousiasmant, à la fois exigeant pour la vie communautaire et solide intellectuellement.

Concrètement, la vie fraternelle et la formation spirituelle se concentreraient désormais à Issy les Moulineaux, dans des locaux adaptés à une communauté stable, tandis que la formation universitaire resterait confiée à l’Institut catholique de Paris.Le modèle se veut hybride. Il entend concilier deux réalités qui, depuis le concile de Trente, structurent la formation des futurs prêtres, l’étude rigoureuse et l’apprentissage d’une vie commune marquée par la prière, l’unité, la sobriété et la discipline intérieure. Pour de nombreux observateurs, cette synthèse est plus adéquate que la dispersion. La majorité des futurs prêtres ont aujourd’hui un parcours universitaire. Le lien avec l’Institut catholique et avec le monde étudiant apparaît donc essentiel pour ne pas former des clercs coupés de la société contemporaine.

Il n’en reste pas moins que la décision est symboliquement forte. Rue d’Assas, en plein cœur du sixième arrondissement, les Carmes portaient une mémoire spirituelle et académique importante. Leur fermeture physique suscite une émotion légitime. Mais dans le projet présenté, rien ne se dissout. La responsabilité universitaire demeure. Les prêtres en formation ne quitteront pas l’Institut catholique. La gouvernance académique reste inchangée. Ce qui se redéploie, c’est l’espace de la vie quotidienne, c’est l’expérience communautaire.Le rapprochement ne dit pas que l’Église se désengage de la formation des prêtres, il indique au contraire que l’Église veut continuer à former, mais en s’ajustant à un contexte nouveau. La rareté des vocations n’est pas un secret. Elle exige discernement, concentration des moyens, souci de qualité. L’objectif affiché est clair, plutôt que deux petites maisons fragiles, une seule communauté, forte, structurée, enracinée, animée par une tradition solide.

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Cette décision est-elle une bonne décision ?

Oui, parce qu’elle garantit la qualité, une maison plus nombreuse, mieux structurée, permet une vraie vie communautaire, essentielle pour la formation sacerdotale. La solitude et l’isolement sont toujours un risque. Oui, parce qu’elle maintient l’exigence intellectuelle, les séminaristes resteront inscrits à l’Institut catholique, le lien avec le monde universitaire est préservé. Oui, parce qu’elle manifeste une responsabilité ecclésiale, les évêques anticipent au lieu de subir. Oui enfin, parce qu’elle s’enracine dans la tradition sulpicienne où la vie commune, la prière régulière et la direction spirituelle sont des piliers éprouvés.

Non toutefois, parce que la symbolique de la fermeture est douloureuse. Rue d’Assas est un lieu chargé d’histoire. La vie des Carmes, leur bibliothèque et leur mémoire ne seront plus incarnées dans un lieu propre. Non aussi, parce qu’un risque d’uniformisation existe. Toute fusion porte en elle une perte possible de nuances, de styles, d’approches pédagogiques. Non encore, parce que les vocations ne naissent pas par l’ingénierie administrative. Une seule maison forte ne remplace pas la mission paroissiale, l’évangélisation, la vie spirituelle dans les familles. Non enfin, parce que le discernement personnel peut parfois s’y trouver plus difficile, dans une structure plus large, au détriment d’un accompagnement individualisé.

Le réalisme commande d’accepter que l’Église forme aujourd’hui moins de prêtres qu’il y a cinquante ans. Le courage pastoral consiste à éviter l’obstination ou la nostalgie, et à préserver l’essentiel, une formation solide, un cadre stable, une vie fraternelle réelle, une pensée théologique digne de la mission sacerdotale.Dans cette perspective, la fusion annoncée apparaît comme un acte de prudence et de responsabilité. La question n’est pas de savoir si l’on ferme quelque chose, mais si l’on préserve ce qui doit demeurer vivant.

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