Le message du Pape Léon XIV s’ouvre par un rappel du « pèlerinage de confiance sur la terre » initié par Frère Roger il y a près d’un demi-siècle. Cette référence situe clairement la rencontre de Paris dans une continuité spirituelle assumée. Il ne s’agit pas pour le pape de proposer une relecture ou une redéfinition de l’intuition fondatrice de Taizé, mais d’en rappeler la fécondité, à condition qu’elle demeure enracinée dans la prière et ouverte aux réalités du temps présent. En évoquant Paris comme une ville symbole d’un riche patrimoine religieux et par le témoignage de figures de sainteté, le message inscrit la démarche des jeunes dans une histoire longue et puissante , où la foi s’est transmise par des choix concrets et souvent exigeants.
Le cœur du texte se concentre ensuite sur le thème proposé cette année par le prieur de Taizé, Frère Matthew,« Que cherches-tu ? ». Léon XIV reprend cette question comme une interrogation fondamentale qui traverse toute existence humaine. Il invite les jeunes à ne pas la fuir, mais à la porter « dans la prière et le silence », convaincus que « le Christ marche à vos côtés et se laisse trouver par celles et ceux qui le cherchent avec un cœur sincère ».
Le pape évoque le silence et l’intériorité non pas comme une méthode exclusive ni un idéal abstrait, mais un cadre dans lequel le discernement personnel peut s’approfondir, loin de l’agitation et des réponses immédiates perçues dans l’émotion. Le message élargit ensuite la perspective en évoquant « tant d’épreuves pour notre famille humaine ». Dans ce contexte, l’hospitalité offerte aux jeunes à Paris est qualifiée de « message fort adressé au monde ». La formule reste volontairement sobre. Elle souligne que, face aux conflits et aux divisions, des gestes simples, accueil, prière partagée, écoute, peuvent constituer un témoignage crédible. Le pape n’idéalise pas cette hospitalité et ne la présente pas comme une solution en soi, mais comme un signe, capable d’ouvrir des chemins de fraternité s’il est vécu avec cohérence.
La référence au contexte ecclésial, marqué par la clôture d’une année jubilaire et par les commémorations du 1700ᵉ anniversaire du Concile de Nicée, situe enfin la rencontre dans une perspective plus large. En rappelant ses paroles prononcées lors de la rencontre œcuménique de prière à Iznik, Léon XIV affirme que « la réconciliation est aujourd’hui un appel qui vient de toute l’humanité affligée par les conflits et les violences », et que le désir d’une pleine communion entre les croyants en Jésus-Christ s’accompagne toujours de la recherche de la fraternité entre tous les êtres humains.
Cette articulation montre que l’œcuménisme n’est pas conçu comme une fin en soi, mais comme un service rendu à un monde blessé, où l’unité des chrétiens est appelée à avoir une portée visible et concrète.
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Dans son ensemble, le message s’inscrit dans un registre pastoral classique, rappelant l’essentiel :la prière, le discernement, l’hospitalité et la réconciliation. L’encouragement final à devenir des « pèlerins de confiance », des « artisans de paix et de réconciliation », porteurs d’une « espérance humble et joyeuse », résume cette orientation. Une espérance qui ne se veut ni naïve ni triomphante, mais enracinée dans une foi vécue au quotidien, attentive aux blessures du monde et soucieuse de cohérence entre parole spirituelle et engagement concret.
Cette insistance du Saint Père sur la confiance, le silence et l’intériorité s’inscrit cependant dans une histoire plus complexe que le seul registre spirituel ne suffit plus à contenir. La Communauté de Taizé demeure durablement marquée par la révélation, à partir de 2019, de faits d’agressions sexuelles commis sur des mineurs et de jeunes adultes par plusieurs frères dans les décennies 1950 à 1970, faits anciens mais officiellement signalés à la justice par la communauté elle-même. Ces signalements, suivis de nouveaux témoignages et du dépôt de plaintes ces dernières années, ont mis en lumière les fragilités d’un modèle où la primauté accordée à la confiance n’a pas toujours été accompagnée d’une parole institutionnelle suffisamment explicite ni de dispositifs de protection clairement identifiés.
Sans établir de lien mécanique entre cette spiritualité et les dérives passées, ces révélations ont néanmoins interrogé une culture communautaire dans laquelle l’harmonie recherchée et la lenteur du discernement ont pu retarder la reconnaissance de situations graves et la prise en charge des victimes. Dans ce contexte, l’appel du pape à la prière et au discernement spirituel prend une résonance particulière : il peut être entendu comme une invitation à dépasser une intériorité autosuffisante pour articuler plus étroitement confiance et vérité, chemin spirituel et responsabilité, afin que la recherche de réconciliation ne s’exerce jamais au prix du silence imposé à ceux qui ont souffert.
Notons que parmi les critiques formulées sur les rencontres de Taizé, revient l’idée qu’en privilégiant une spiritualité fortement marquée par l’émotion, le ressenti et l’apaisement intérieur, Taizé expose au risque d’une expérience religieuse centrée sur le bien-être spirituel plus que sur une véritable recherche de Dieu, lorsque le silence et l’intériorité ne sont pas explicitement ordonnés à la vérité, à la conversion et à l’exigence évangélique. Dans cette perspective, ce qui est parfois dénoncé comme du « conservatisme » apparaît moins comme un repli idéologique que comme une fidélité à la doctrine chrétienne et à ses exigences, que ce courant spirituel peine parfois à assumer pleinement.
« Chers jeunes,
à l’occasion de la Rencontre européenne organisée par la Communauté de Taizé, Sa Sainteté le Pape Léon XIV m’a chargé de vous adresser ses cordiales salutations et l’assurance de sa proximité spirituelle. Votre rassemblement constitue une nouvelle étape du « Pèlerinage de confiance sur la terre » qu’initia Frère Roger il y a bientôt un demi-siècle, dans cette même ville de Paris. Le Saint-Père se réjouit de vous savoir réunis dans une ville marquée par un riche patrimoine religieux, façonné au fil des siècles par le témoignage lumineux de tant de figures de sainteté qui ont su, chacune à sa manière, répondre avec audace à l’appel du Christ.
Le thème de la Lettre écrite cette année par le Frère Matthew, Prieur de Taizé, « Que cherches-tu ? », rejoint une question essentielle qui habite le cœur de tout être humain. Le Saint-Père vous invite à ne pas craindre cette interrogation, mais à la porter dans la prière et le silence, convaincus que le Christ marche à vos côtés et se laisse trouver par celles et ceux qui le cherchent avec un cœur sincère.
En cette fin d’année marquée par tant d’épreuves pour notre famille humaine, l’hospitalité généreuse que vous recevez à Paris de la part de croyants de tous horizons et de personnes de bonne volonté, est un message fort adressé au monde. Que les moments de prière et de partage que vous vivrez ces jours vous aident à approfondir votre foi, en discernant toujours davantage comment vivre l’Évangile dans les réalités concrètes de votre vie.
Cette rencontre s’inscrit également dans un moment ecclésial particulier, marqué par la clôture d’une année jubilaire et par les commémorations du 1700ᵉ anniversaire du Concile de Nicée. Comme l’a récemment rappelé le Pape Léon XIV lors de la rencontre œcuménique de prière à Iznik, « la réconciliation est aujourd’hui un appel qui vient de toute l’humanité affligée par les conflits et les violences. Le désir d’une pleine communion entre tous les croyants en Jésus-Christ s’accompagne toujours de la recherche de la fraternité entre tous les êtres humains ». Le Saint-Père vous encourage à devenir des pèlerins de confiance, artisans de paix et de réconciliation, capables de porter autour de vous une espérance humble et joyeuse. En vous confiant, ainsi que la Communauté de Taizé et sa mission œcuménique, à l’intercession de la Vierge Marie, il vous accorde de grand cœur la Bénédiction apostolique.
Cardinal Pietro Parolin
Secrétaire d’État«
Source Vatican


