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ANNEE 2025 : une année de persécutions supplémentaires pour les chrétiens au Pakistan

Meurtres ciblés, accusations de blasphème conduisant à la prison à vie ou à la peine de mort, violences collectives et fragilité persistante de l’État de droit

L’année 2025 a apporté de nouvelles confirmations du climat de persécution auquel reste confrontée la minorité chrétienne au Pakistan. Représentant officiellement environ 1,9 pour cent de la population, les chrétiens continuent de vivre dans une situation de grande vulnérabilité, marquée par l’insécurité, l’arbitraire judiciaire et la pression de groupes radicalisés, souvent sous couvert de religion.Parmi les événements les plus graves de l’année figure l’assassinat du pasteur Kamran Salamat, abattu le 8 décembre 2025 à Gujranwala, dans la province du Pendjab. Selon les informations recueillies par des organisations chrétiennes locales, il s’agissait d’une attaque ciblée, survenue alors que le pasteur rentrait chez lui. Sa mort a provoqué une vive émotion au sein de la communauté chrétienne pakistanaise, déjà éprouvée par une série de menaces et d’agressions contre des responsables religieux au cours des derniers mois.

Quelques semaines plus tôt, en octobre 2025, un autre cas avait attiré l’attention des observateurs internationaux. Un homme chrétien aveugle, résident du Pendjab, a été inculpé pour blasphème à la suite d’une accusation jugée infondée par sa famille et par son avocat. Malgré l’absence d’éléments matériels probants, il encourt la peine de mort, illustrant une fois encore la facilité avec laquelle la législation pakistanaise sur le blasphème peut être utilisée contre les membres des minorités religieuses, sans garanties effectives de protection judiciaire.

Dans le même temps, l’année 2025 a été marquée par un acquittement rare mais révélateur des dysfonctionnements du système. En juin, la Cour suprême du Pakistan a prononcé l’acquittement définitif d’un chrétien âgé, détenu depuis vingt-trois ans dans le couloir de la mort après une condamnation pour blasphème.

Si cette décision a été saluée comme un soulagement pour sa famille et pour les défenseurs des droits humains, elle a également mis en lumière la durée extrême des procédures, les conditions de détention éprouvantes et l’insécurité persistante des personnes libérées, souvent contraintes de vivre cachées après leur acquittement.Ces cas individuels s’inscrivent dans un contexte plus large de violences collectives. En août 2025, plusieurs quartiers chrétiens de la province du Pendjab ont été attaqués à la suite de rumeurs de blasphème visant un habitant. Des maisons ont été incendiées, des églises vandalisées et des dizaines de familles contraintes de fuir temporairement leur domicile. Comme dans de nombreux épisodes similaires des années précédentes, les forces de l’ordre sont intervenues tardivement, alimentant le sentiment d’abandon ressenti par les communautés locales.

Au cœur de ces dérives demeure la loi sur le blasphème, régulièrement dénoncée pour son caractère vague et facilement instrumentalisable. Si elle concerne juridiquement toutes les confessions, son application affecte de manière disproportionnée les chrétiens.

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Les accusations, souvent motivées par des conflits personnels ou économiques, débouchent non seulement sur des poursuites judiciaires, mais aussi sur des représailles collectives, une spécificité largement documentée par les organisations de défense des droits humains.

Sur le plan politique, l’année 2025 a également été marquée par un durcissement du cadre institutionnel. Le renforcement du pouvoir de l’armée et le recours à une rhétorique identitaire fondée sur la religion ont contribué à marginaliser davantage les questions liées à la liberté religieuse. Les tensions régionales avec l’Inde, ravivées autour du Cachemire, ainsi que l’instabilité persistante à la frontière avec l’Afghanistan, ont renforcé un climat sécuritaire dans lequel les droits des minorités apparaissent comme une préoccupation secondaire.Dans ce contexte, une mission d’évaluation de l’Union européenne s’est rendue au Pakistan à la fin du mois de novembre 2025 afin d’examiner le respect des droits humains et de la liberté religieuse. Si cette initiative a été accueillie avec prudence par les autorités pakistanaises, elle témoigne d’une inquiétude croissante de la communauté internationale face à la situation des minorités religieuses, et en particulier des chrétiens.

Au-delà des violences les plus visibles, la persécution se manifeste aussi par des formes plus silencieuses mais durables. Discrimination à l’embauche, accès limité à l’éducation, pressions sociales et conversions forcées, notamment de jeunes filles chrétiennes, continuent d’être signalées tout au long de l’année 2025. Ces réalités contribuent à maintenir une grande partie de la communauté chrétienne dans une marginalité économique et sociale structurelle.Dans un pays de plus de 250 millions d’habitants, puissance nucléaire et acteur clé d’une région instable, la situation des chrétiens apparaît ainsi comme un révélateur des tensions profondes qui traversent la société pakistanaise. L’année 2025 n’a pas marqué d’amélioration notable, mais a confirmé une tendance lourde, faite de violences récurrentes, d’insécurité juridique et d’un sentiment croissant de précarité pour une minorité dont la voix peine encore à être pleinement entendue.

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