À peine un mois après l’élection du pape Léon XIV, deux signaux concrets laissent entrevoir un possible changement de cap dans la manière dont le Saint-Siège aborde les affaires les plus sensibles en matière d’abus. Les dossiers de Marko Rupnik et de Gustavo Zanchetta, deux figures au cœur de polémiques majeures sous le pontificat précédent, connaissent des développements notables, on a l’impression d’assister à la fin des » copinages »…
Vatican News retire les œuvres de Rupnik
Ces derniers jours, Vatican News a discrètement retiré de ses pages les images des mosaïques de Marko Rupnik, prêtre-artiste slovène accusé d’abus sexuels avec « un degré de crédibilité très élevé » selon les conclusions de la Compagnie de Jésus, qui l’a exclu de ses rangs en 2023.Ce retrait fait suite à une demande formulée il y a un an par le cardinal Seán O’Malley, président de la Commission pontificale pour la protection des mineurs. Dans une lettre adressée aux responsables des dicastères, le cardinal appelait à cesser l’exposition des œuvres de Rupnik dans les médias officiels afin de « ne pas transmettre le message que la Sainte-Siège est insensible à la souffrance psychologique que beaucoup endurent ». La lettre, publiée sur le site tutelaminorum.org, avait à l’époque été ignorée par la Salle de presse du Saint-Siège et par Vatican News, pourtant directement concernée.
Ce silence avait été d’autant plus remarqué que le préfet du Dicastère pour la communication, Paolo Ruffini, avait affirmé publiquement que retirer les œuvres de Rupnik ne signifiait pas nécessairement une meilleure proximité avec les victimes, précisant même : « Nous ne parlons pas ici d’abus sur mineurs. »Un an plus tard, quelques heures après une audience accordée par le pape Léon XIV à la Commission pour la protection des mineurs, les images ont été supprimées. Ce revirement est perçu comme un premier signal de la nouvelle orientation imprimée par le nouveau pontificat. La persévérance du cardinal O’Malley, qui n’avait pas hésité à interpeller publiquement le pape François par le passé, semble avoir enfin trouvé un écho favorable.
Le média italien La Bussola Quotidiana indique que cette décision de retrait, longtemps différée, intervient dans un climat nouveau, où la communication vaticane semble davantage alignée avec les attentes de transparence exprimées par les victimes et les responsables de la Commission pontificale.
Lire aussi
Fin du séjour romain de Monseigneur Zanchetta
Un autre dossier sensible évolue lui aussi : celui de Mgr Gustavo Oscar Zanchetta. Nommé évêque d’Orán par le pape François en 2013, ce proche du pontife avait été condamné en Argentine à quatre ans et six mois de prison pour abus sexuels répétés sur deux séminaristes, avec circonstances aggravantes du fait de sa qualité de ministre du culte.Initialement incarcéré, Mgr Zanchetta avait rapidement obtenu l’autorisation de purger sa peine dans un monastère. En novembre 2024, il avait même obtenu des juges argentins l’autorisation de se rendre à Rome pour raisons de santé. Son séjour, qui devait être temporaire, a duré six mois et s’est déroulé dans une relative opacité : ni son hébergement ni ses déplacements au Vatican n’ont été rendus publics.
Il y a quelques semaines, soit un peu plus d’un mois après le décès du pape François, Mgr Zanchetta est retourné en Argentine. Selon des sources locales, il se trouverait actuellement à Salta, bien que sa cellule dans le monastère Notre-Dame de la Vallée soit en travaux. Il aurait demandé la suspension conditionnelle de sa peine.
La fin de sa présence prolongée à Rome, coïncidant avec les premières semaines du nouveau pontificat, est remarquée. Même s’il s’agit peut-être d’une simple coïncidence, certains observateurs y voient le signe d’un changement d’approche dans la gestion des cas problématiques. Mgr Alberto Germán Bochatey, évêque auxiliaire de La Plata et proche du pape Léon XIV, avait d’ailleurs signé en 2022 une déclaration de la conférence épiscopale argentine dénonçant « le comportement abusif » de Zanchetta et exprimant « une forte et sincère demande de pardon de la part de toute l’Église » envers les victimes.