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Abus de Rupnik : le grand mea culpa des jésuites

le père Arturo Sosa ,Supérieur général de la Compagnie de Jésus - DR
le père Arturo Sosa ,Supérieur général de la Compagnie de Jésus - DR
Lors d’une conférence de presse à Rome, le père Arturo Sosa, supérieur général de la Compagnie de Jésus, a reconnu les fautes graves de son ordre dans la gestion des abus spirituels et sexuels commis par le père Marko Rupnik.

Près de deux ans après l’exclusion de Marko Rupnik de la Compagnie de Jésus, le supérieur général de l’ordre fondé par saint Ignace de Loyola a reconnu la gravité de l’affaire, qualifiant les fautes commises de « cécité » collective. « Ces abus ont eu lieu en raison de notre aveuglement, car il est vrai que nous ne les avons pas vus », a déclaré le père Arturo Sosa le 10 avril devant la presse internationale.

L’artiste slovène, célèbre pour ses mosaïques dans des sanctuaires majeurs comme Lourdes ou dans des lieux du Vatican, est accusé par plus de trente femmes majeures d’abus sexuels, psychologiques et spirituels sur une période de plusieurs décennies. Si le père Rupnik a été expulsé de la Compagnie en juin 2023, il demeure prêtre et conserve encore aujourd’hui le soutien de certains de ses collaborateurs.Le supérieur général des jésuites a reconnu que ces dérives n’avaient pas été perçues à temps : « Cette cécité vient du fait que nous n’avons pas su relier les différents signes. » Et d’ajouter avec gravité : « En tant que communauté, nous avons manqué de sensibilité pour percevoir ce qui se passait. »

Le scandale Rupnik, par son ampleur et le profil du prêtre en cause, a profondément secoué les jésuites. Le père Sosa admet désormais : « Grâce à cette douloureuse expérience, nous voyons aujourd’hui plus clairement, non seulement pour ce qui concerne le cas Rupnik, mais aussi d’autres cas dans la Compagnie et dans l’Église. » Il espère que l’ordre saura « disposer des outils pour y faire face efficacement », tout en reconnaissant qu’« il reste beaucoup à faire, notamment sur le chemin de la guérison. »

Alors qu’un procès canonique est en cours au Vatican, sous l’autorité du Dicastère pour la doctrine de la foi, le supérieur général a exprimé son attente d’un verdict : « Nous attendons, avec les victimes, la conclusion du jugement. J’espère qu’il sera résolu au plus vite, même si je comprends que le processus est complexe. »

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La Compagnie de Jésus a récemment adressé une lettre à une vingtaine de femmes victimes, regrettant que Rupnik ait refusé toute démarche de vérité et de réparation avant son expulsion. Le père Johan Versuchen, responsable jésuite basé à Rome, a précisé à l’agence Associated Press que l’ordre évaluait désormais les besoins de réparation « individuellement ».

Le père Sosa insiste sur la nécessité de prendre en compte le chemin propre à chaque victime : « Les blessures sont profondes, et les blessures se soignent de manière différente. Il n’y a pas une seule voie. »L’affaire Rupnik a aussi relancé au Vatican la réflexion sur la codification du crime d’« abus spirituel ». Une étude est actuellement menée par le Dicastère pour les textes législatifs afin de mieux définir ce type de dérive, qui exploite la foi ou la direction spirituelle à des fins de manipulation ou d’abus sexuels.

« Le domaine spirituel peut devenir un lieu d’abus très grave », a averti le père Sosa. Il a insisté sur la nécessité d’une formation des religieux pour maintenir des relations saines avec des « limites claires » : « Nous voulons garantir des espaces sûrs dans nos communautés et nos œuvres apostoliques, et mieux comprendre les causes de cette crise dans l’Église. »

Le supérieur jésuite a également salué la décision du diocèse de Lourdes d’avoir couvert les fresques de Rupnik après consultation avec les fidèles et les victimes. « Il n’y a pas de règle unique pour chaque situation », a-t-il estimé. « Cela dépend beaucoup de la souffrance que quelqu’un peut éprouver en voyant ces œuvres exposées. »

Enfin, le père Sosa a rappelé que cette crise exige un véritable changement de culture : « Nous comprenons cela comme un changement culturel, pas seulement un changement de règles. » Il a annoncé la réalisation d’un audit dans chacune des 74 provinces jésuites pour « rompre le silence », particulièrement dans les régions où la question des abus reste encore taboue.

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