Cette initiative italienne de l’Église de Milan nous pousse à réfléchir. En ouvrant ses structures paroissiales à des enfants de tradition musulmane, la communauté ambrosienne affirme vouloir témoigner du Christ par l’accueil. Une démarche généreuse, sans doute, mais aussi délicate : l’hospitalité chrétienne peut-elle rester missionnaire sans perdre sa clarté évangélique ?Le diocèse de Milan a récemment publié un document intitulé « Foi et accueil : l’oratoire comme lieu de rencontre interreligieuse ». Ce texte, fruit d’une longue réflexion pastorale, aborde un phénomène de plus en plus répandu, la participation d’enfants et d’adolescents musulmans à la vie des activités paroissiales catholiques.
En Italie, les oratoires,ces centres paroissiaux, hérités de la pédagogie de saint Jean Bosco, offrent depuis des générations aux jeunes un cadre éducatif où la foi, le jeu et la fraternité se rejoignent. On y prie, on y apprend, on y vit ensemble. Chaque été, l’oratorio estivo ( oratoire d’été) accueille des centaines de milliers d’enfants pour des activités sportives, culturelles et spirituelles.Aujourd’hui, nombre de familles musulmanes y inscrivent leurs enfants, séduites par la qualité de l’encadrement et les valeurs morales transmises. Ce constat réjouit, mais interroge : comment accueillir des enfants d’autres religions sans effacer la spécificité chrétienne de ces lieux ?
Le diocèse milanais pose clairement le cadre : « L’accueil n’est pas de la bienfaisance, mais de l’évangélisation. » Cette phrase résume toute la philosophie du document : l’accueil n’est pas un renoncement, mais un acte missionnaire. Ouvrir les portes, c’est manifester la charité du Christ. Cependant, le texte insiste sur une juste mesure, il faut éviter deux dérives opposées, la fermeture craintive qui exclut, et l’ouverture naïve qui relativise.Pas question, par exemple, de transformer ces structures en lieux neutres, ni d’improviser des prières islamiques dans un cadre catholique. Mais pas question non plus de refuser qu’un jeune musulman devienne animateur, s’il partage l’esprit de service. Le document invite à un équilibre lucide, celui d’une Église consciente de sa mission et de ses frontières.
Ce texte milanais ne propose pas une dilution du christianisme, mais une autre manière de le vivre. L’évangélisation, ici, ne passe pas d’abord par le discours, mais par le témoignage silencieux de la charité. Accueillir, accompagner, écouter : autant de gestes qui rendent visible le Christ dans la simplicité du quotidien.Mais cette approche appelle aussi au discernement. Si l’on oublie que le but ultime de tout accueil est la rencontre avec le Christ, l’élan missionnaire se transforme en simple projet social. L’accueil cesse alors d’être évangélisation pour devenir humanisme. C’est là le risque que l’Église, en Italie comme ailleurs, ne peut ignorer.
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L’expérience milanaise ne peut être transposée sans prudence. En France, les patronages, aumôneries et maisons paroissiales remplissent une mission similaire, mais dans un contexte profondément différent, marqué par la laïcité, le recul de la pratique religieuse et une présence musulmane de plus en plus affirmée.Les écoles catholiques, elles aussi, accueillent depuis longtemps tous les enfants sans distinction de religion, d’origine ou de culture. Beaucoup de familles non chrétiennes y trouvent un cadre éducatif de qualité, où l’on enseigne le respect, la discipline et le goût de l’effort. Mais cette ouverture n’a de sens que si l’identité chrétienne y demeure clairement affirmée.
Une école, un patronage ou un centre paroissial qui ne témoignent plus du Christ cessent d’être vraiment catholiques.
Ouvrir largement ces espaces à des enfants d’autres religions pourrait, dans notre pays, être un pari risqué, surtout si l’identité chrétienne venait à se dissoudre derrière un discours d’accueil purement humanitaire. L’Église ne doit pas oublier que son rôle premier est de transmettre la foi, non de se fondre dans la neutralité culturelle. La charité chrétienne ne peut être séparée de la vérité qu’elle annonce.Accueillir, oui, mais au nom du Christ. Dialoguer, oui, mais sans renoncer à évangéliser. Car dans une France marquée à la fois par une sécularisation rapide et par la présence d’un islam de plus en plus conquérant, la tentation du silence sur la foi serait une erreur stratégique et religieuse.L’Église ne peut se contenter d’ouvrir ses portes, elle doit rappeler avec douceur mais fermeté le Nom de Jésus- Christ qui la fait vivre. Sans cela, l’accueil perd son âme, et la mission s’éteint.


