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AFRIQUE : pourquoi la tradition tribale menace l’unité de l’Église ?

Cardinal Fridolin Ambongo Besungu - DR
Cardinal Fridolin Ambongo Besungu - DR
"Chaque fois que la culture est traitée comme un absolu, et que l’appartenance qui prévaut n’est plus celle qui découle du baptême, mais celle de la tribu ou du clan, alors la vie de l’Église se trouve menacée dans ses fondements"

Le tribalisme demeure l’un des défis les plus profonds du continent africain. Loin de se limiter à la sphère politique ou sociale, il atteint aussi la vie de l’Église, fragilisant son témoignage d’universalité et sa mission évangélisatrice.Dès son apparition en Afrique, le christianisme a proclamé une vérité radicalement nouvelle : chaque être humain, enfant bien-aimé de Dieu, possède une dignité égale et inaliénable. Pourtant, ce message a toujours rencontré de fortes résistances. Dans de nombreuses sociétés africaines, l’identité personnelle et collective se construit avant tout sur l’appartenance tribale, vécue comme un lien de sang indissoluble, et par conséquent exclusive vis-à-vis des autres. Depuis des siècles, des lignages et des clans se sont affrontés pour le contrôle des ressources et des territoires, et aujourd’hui encore la vie politique reste largement marquée par ces logiques.

Cette tentation n’épargne pas l’Église. « Quand l’identité culturelle, ethnique ou de caste est placée au-dessus de la nouvelle naissance du baptême, c’est la foi et l’unité du peuple de Dieu qui sont en danger », avertit Mgr Fortunatus Nwachukwu, archevêque nigérian, aujourd’hui au Dicastère pour l’évangélisation. Lui-même issu du peuple Igbo, marqué par la tragédie du Biafra à la fin des années 1960, il décrit ce fléau comme une véritable « syndrome du fils de la terre ». Selon lui, le tribalisme représente « une menace théologique qui mine le pouvoir réconciliant de la Croix et l’unité de l’Esprit, en opposition avec toute l’histoire du salut ».

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Les exemples récents sont parlants. En Sierra Leone, en 2011, le diocèse de Makeni a rejeté son nouvel évêque parce qu’il n’était pas issu de l’ethnie majoritaire locale. Au Nigeria, Mgr Peter Ebere Opkaleke, aujourd’hui cardinal, a dû démissionner de son diocèse d’Ahiara, faute d’être accepté par le clergé et les fidèles. Au Soudan du Sud, Mgr Christian Carlassare a même été victime d’une attaque armée en 2021, parce qu’il n’appartenait pas au groupe dominant.Le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa, dénonce lui aussi avec force cette dérive. Il a rappelé que le peuple de Dieu est souvent prisonnier de « tombeaux de haine, de jalousie, de mensonge, de violences, de divisions, d’injures gratuites et de tribalisme », autant de réalités contraires à l’Évangile. Dans une autre intervention, il a rangé le tribalisme parmi les « antivaleurs » au même titre que la corruption et le mensonge, invitant les catholiques à y renoncer fermement. Pour lui, dépasser cette logique est une urgence spirituelle.

Ces épisodes douloureux montrent combien le tribalisme demeure enraciné dans certaines mentalités, même au sein du peuple de Dieu. Pour Monseigneur Nwachukwu comme pour le cardinal Ambongo, il s’agit d’un défi spirituel et pastoral majeur :

« Chaque fois que la culture est traitée comme un absolu, et que l’appartenance qui prévaut n’est plus celle qui découle du baptême, mais celle de la tribu ou du clan, alors la vie de l’Église se trouve menacée dans ses fondements« .

Face à cette dérive, la mission de l’Église en Afrique reste exigeante. Elle doit valoriser les richesses culturelles des peuples tout en rappelant sans relâche que, dans le Christ, toutes les différences trouvent leur unité. La Croix seule peut briser les murs de la division et ouvrir à une fraternité véritable, appelée à dépasser toute appartenance de sang pour se fonder sur la grâce.

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