La petite commune de Zehnacker, située à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Strasbourg, traverse une véritable crise liée à son église emblématique. Depuis 1852, un mur sépare l’édifice en deux, une partie dédiée aux catholiques, l’autre aux protestants. Ce mur, témoin d’une coexistence unique dans la région, a fait l’objet de tensions récentes concernant sa préservation ou sa démolition. Les autorités religieuses, après un changement de direction, ont décidé de maintenir ce symbole de séparation, provoquant l’indignation du maire et de nombreux habitants.
Comme le précise France 3 Régions Est, les travaux de rénovation de l’église, initialement prévus pour enlever ce mur, ont été stoppés en raison d’une nouvelle directive des représentants religieux locaux. Ce changement de cap fait suite à l’arrivée d’un nouvel archevêque, Monseigneur Pascal Delannoy, et d’une nouvelle présidente de l’Union des Églises Protestantes d’Alsace et de Lorraine, Isabelle Gerber, qui ont tous deux exprimé leur volonté de maintenir cette séparation.
Leur argument repose sur la spécificité historique de cet ensemble patrimonial unique, où deux confessions cohabitent sous un même toit, mais sans partager les mêmes espaces.
Rappelons que l’église de Zehnacker a une histoire complexe et un rôle particulier en Alsace. Construite initialement au XIIe siècle, elle devient un lieu de culte simultané au XVIIe siècle, permettant aux catholiques et aux protestants de partager le même édifice. Cependant, cette pratique de simultaneum prend fin en 1852, lorsque la reconstruction de l’église commence et que les deux communautés sont séparées physiquement par un mur qui traverse toute la nef. Cette séparation physique a mis fin à un arrangement qui avait duré plus de deux siècles. Les travaux de reconstruction ont été précédés de nombreuses controverses sur le financement et les modalités de partage de l’église.
Au début du XIXe siècle, des pétitions ont été lancées pour améliorer les conditions de l’église, jugée insalubre et trop petite. En 1849, un compromis a été trouvé pour construire une église à deux nefs, mais sans effacer le mur de séparation qui perdure jusqu’à aujourd’hui.
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Le maire de Zehnacker, Patrick Bastian, s’est rapidement opposé à cette décision, qualifiant le retournement de situation de « scandale. » « Je trouve que c’est une excuse bidon. Les nouveaux représentants remettent en cause ce qu’ont dit leurs prédécesseurs. Moi, quand je deviens maire, j’assume ce qui s’est passé auparavant », déclare-t-il, visiblement agacé par le manque de concertation. Le maire estime que l’édifice, trop petit pour les événements communaux importants, nécessite l’abolition du mur afin de permettre une utilisation plus fonctionnelle de l’espace.
Pourtant, du côté des responsables religieux, une autre perspective se dessine. Gérard Janus, pasteur et inspecteur ecclésiastique, rappelle que les deux communautés n’ont pas défini clairement un projet de fonctionnement pour le partage de ce lieu. Il soulève des questions pratiques sur la gestion des horaires, des frais et des responsabilités de chaque communauté, soulignant que ces aspects sont restés sans réponse écrite. Pour lui, l’absence de projet formel indique que des divergences subsistent.
Cependant, au-delà des querelles administratives et des préoccupations logistiques, c’est le patrimoine religieux de Zehnacker qui semble être au cœur de cette polémique. « Le vrai problème, c’est comment conserver le patrimoine dont nous avons hérité sans le dénaturer », explique le pasteur, soulignant la nécessité de respecter l’histoire tout en répondant aux besoins actuels des communautés.
L’avenir de ce mur, à la fois symbole de l’histoire locale et source de division, demeure suspendu à de futures négociations, mais ce qui est certain, c’est qu’il continue de marquer la séparation, non seulement entre les deux confessions, mais aussi entre les aspirations des habitants et celles des autorités religieuses.