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Au Mexique, l’Église demeure la seule voix d’un peuple pris en otage par la violence

Monseigneur José de Jesús González, évêque de Chilpancingo-Chilapa
Monseigneur José de Jesús González, évêque de Chilpancingo-Chilapa
L’Église se dresse comme « la seule voix capable de parler pour le peuple »

Dans l’État du Guerrero, l’un des plus durement frappés par la criminalité organisée, la foi est devenue le dernier refuge d’un peuple oppressé par la loi des cartels. Aide à l’Église en Détresse (ACS) rappelle la mission courageuse de Monseigneur José de Jesús González, évêque de Chilpancingo-Chilapa, qui poursuit son ministère malgré les menaces constantes, souvent « sur la ligne de feu ».Dès son premier ministère épiscopal dans la prélature de Nayar, Monseigneur González a été confronté à la violence.

Onze mois seulement après son ordination, sa camionnette fut criblée de balles. « Ils ont tiré à la tête, pas aux pneus. Mais quand ils ont vu que nous étions prêtres, ils se sont excusés et ont proposé de payer les vitres brisées », se souvient-il. Ce paradoxe, mélange de brutalité et de respect instinctif pour l’autorité spirituelle, illustre la complexité d’un pays où l’Église est à la fois redoutée et sollicitée.

Lorsque les assaillants découvrirent qu’ils avaient affaire à un évêque, ils lui demandèrent une bénédiction. Cet épisode a marqué profondément Mgr González : sa mission ne consiste pas seulement à protéger les fidèles, mais aussi à tendre la main à ceux qui se sont égarés dans la violence.

« Eux aussi sont mes enfants », affirme-t-il avec compassion.Aujourd’hui, l’évêque décrit le Guerrero comme un « État pris en otage » : routes contrôlées, extorsions, enlèvements, assassinats. Dans ce contexte, l’Église se dresse comme « la seule voix capable de parler pour le peuple ». Mais ce rôle prophétique est payé au prix fort : prêtres et leaders communautaires sont régulièrement pris pour cibles, parfois jusqu’au martyre, pour avoir défendu la dignité humaine.Malgré tout, Mgr González demeure aux côtés de son peuple. Il continue de célébrer, de visiter les familles et d’encourager des initiatives comme les centres d’écoute pour les mères cherchant leurs enfants disparus. « Nous ne pouvons pas les laisser seules au milieu des loups qui dévorent », dit-il. Son mot d’ordre reste clair : « La prière nous rend courageux pour entrer dans la mêlée. »

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Ces témoignages s’inscrivent dans une réalité plus large. Avec près de 98 millions de catholiques, soit 77,7 % de la population, le Mexique reste, après le Brésil, le deuxième pays le plus catholique d’Amérique latine. Pourtant, entre 2010 et 2020, le nombre de fidèles a diminué de cinq points, et la tendance se poursuit. De plus en plus de Mexicains rejoignent des communautés néo-pentecôtistes ou se déclarent sans religion (8,1 %).Le catholicisme demeure très enraciné dans les classes populaires, marquées par une grande piété, alors que les élites sociales en conservent souvent les rites comme des événements liés au statut social.

Cette diversité reflète un catholicisme multiple : d’un côté, un courant conservateur représenté par le cardinal Juan Sandoval, intransigeant sur les questions de morale et de société ; au centre, un secteur modéré mené par l’archevêque de Guadalajara, Francisco Robles Ortega, qui insiste sur la défense des droits humains ; et enfin, un courant plus libéral, incarné par l’archevêque primat Carlos Aguiar Retes, promoteur d’une Église ouverte et attentive aux périphéries.

Les relations entre l’Église et l’État mexicain traversent elles aussi des turbulences. Sous la présidence d’Andrés Manuel López Obrador, l’Église a été critiquée comme force conservatrice et a vu son influence diminuer. La Conférence épiscopale a toutefois maintenu une voix prophétique en dénonçant la violence, les extorsions et la tragédie des disparus. Aujourd’hui, le gouvernement de la présidente Claudia Sheinbaum cherche à renouer le dialogue avec les évêques.

Face aux violences du Guerrero comme face aux défis sociétaux et spirituels, l’Église du Mexique apparaît fragilisée, mais toujours debout. Dans les périphéries urbaines comme dans les villages dévastés par les cartels, les prêtres continuent de porter l’espérance et de défendre la dignité des plus vulnérables.L’appel de Mgr González résume cette mission : « Dieu ne nous abandonne pas, mais nous avons besoin de sentir que vous êtes proches pour avancer. » Cet appel vaut pour tout chrétien : ne pas oublier nos frères du Mexique, qui témoignent au prix fort de la foi dans le Christ.

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