Dans un quartier de Bagdad réputé pour les pèlerinages chiites, se dresse une petite église catholique blanchie à la chaux, témoignage silencieux d’un passé presque oublié. Cette église, ressuscitée de la décrépitude par un chrétien irakien déterminé, est aujourd’hui un lieu de recueillement pour les habitants du quartier.Illuminée par des guirlandes lumineuses le long de ses murs, l’église accueille souvent des visiteurs le soir.
Un jour, deux jeunes femmes musulmanes sunnites sont arrivées. L’une d’elles s’est exclamée : « J’aime la Vierge Marie, et j’aime cet endroit. ».D’autres parentes les ont rejoint, formant un groupe de cinq femmes. Tony Hana, le gardien de l’église âgé de 33 ans, leur a apporté des bougies pour les allumer devant la statue de la Vierge Marie dans la cour, elles se sont alors recueillies en silence entre la statue et l’intérieur de l’église.
« C’est pour cela que j’aime garder l’église ouverte, parce que les gens veulent venir, » confie Hana au Catholic Herald, depuis l’annexe où il vit. « L’une de ces jeunes femmes est divorcée et très bouleversée parce que le divorce est un désastre ici. Sa sœur, qui vit à proximité, lui a suggéré de venir prier devant la Vierge Marie. Elles croient en elle, et cette jeune femme se sent proche de Marie parce qu’elle a eu un enfant seule, et maintenant elle aussi est seule avec un bébé. »
L’église de l’église Saint-Éphrem, construite en 1920, est un vestige du passage britannique en Irak après la chute de l’Empire ottoman lors de la Première Guerre mondiale. Elle fut édifiée par des soldats britanniques et indiens, aux côtés de cheminots, en face d’un atelier ferroviaire toujours en activité aujourd’hui. Les poutres métalliques visibles au-dessus de l’autel, estampillées « Frodingham Iron & Steel Co. England », témoignent de ses origines britanniques.
Après l’intervention américaine de 2003 et les violences sectaires qui ont suivi, l’église est tombée en ruine. Abandonnée par une communauté chrétienne en déclin, elle est devenue un lieu mal famé. En 2016, alors que des promoteurs convoitaient le terrain, un prêtre local a demandé à Tony Hana de devenir le gardien de l’église.
« C’était dans un état épouvantable, avec des objets détruits, de la saleté partout et même pas de croix. Cela ne ressemblait plus du tout à une église, » se souvient Hana. « J’ai rêvé de la ramener à la vie et, avec tant d’églises fermées à Bagdad après 2003, je me suis dit que ce serait une petite victoire pour le christianisme. Alors, j’ai commencé les rénovations. »
Sans soutien financier de la paroisse ni de sa famille, Tony Hana orphelin dès son plus jeune âge, a consacré son temps et sa passion à déblayer les débris, faire des réparations et économiser pour repeindre et redécorer l’église. Au fil des travaux, il a recueilli les récits des habitants pour préserver la mémoire de ce lieu, dont l’histoire était en grande partie méconnue.
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À l’origine dédiée à Saint-Georges, l’église a été cédée au diocèse catholique chaldéen de Bagdad dans les années 1940, qui l’a adaptée au culte oriental et rebaptisée Saint-Éphrem, en hommage à ce saint syriaque du IVe siècle, célèbre pour ses hymnes et reconnu comme Docteur de l’Église.
Malgré sa renaissance, l’église Saint-Éphrem reste la dernière église en activité du quartier, mais sa survie est menacée par l’expansion immobilière. Seul chrétien à vivre encore dans la zone, Tony Hana doit lutter pour maintenir la messe annuelle du 18 juin, alors que la population chrétienne d’Irak a drastiquement diminué, passant de 1,4 million à environ 200 000 en deux décennies.
Pour lui, la fermeture de cette église serait une perte tragique. « Cela me rend triste de voir l’histoire se perdre jour après jour, avec tant de nouvelles constructions, » dit-il. « Les Britanniques et les Irakiens ont partagé tant de choses, et cette église est une partie importante de cette histoire commune. Construite avant même la naissance de l’État irakien, elle doit être préservée pour le culte et pour les générations futures. »
L’église Saint-Éphrem est devenue un refuge de paix et de dialogue, fréquentée principalement par des voisins musulmans, qui tiennent à ce que la croix reste illuminée. « Chaque jour, quelqu’un vient ici — surtout des musulmans — et ils me demandent tous de laisser l’église ouverte, » explique Hana. « Ce sont mes voisins musulmans qui m’ont suggéré de mettre un panneau pour expliquer l’histoire de l’église. »
Dans un contexte de violence et de désespoir, Tony Hana continue de porter cette petite flamme de foi et de paix. « Je crois que Dieu sera avec moi, » conclut-il avec douceur.
Avec Catholic Herald