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Chagall et La Crucifixion blanche : L’espérance au cœur des ténèbres

Exposée exceptionnellement à Rome pour le Jubilé 2025, La Crucifixion blanche de Marc Chagall transcende les époques et les croyances.

Rome, accueille jusqu’au 27 janvier 2025 une œuvre magistrale de Marc Chagall : La Crucifixion blanche. Cette huile sur toile de 1938, habituellement conservée à l’Art Institute de Chicago, s’inscrit dans le cadre du festival « Le Jubilé est culture », une initiative du Dicastère pour l’Évangélisation. Le pape François, fervent admirateur du tableau, s’est recueilli devant lui le 8 décembre dernier, en la fête de l’Immaculée Conception, au Palazzo Cipolla.

Créée à la veille de la Seconde Guerre mondiale, La Crucifixion blanche est un cri de douleur face aux persécutions subies par le peuple juif, mais aussi un pont entre les traditions juive et chrétienne. Chagall, profondément attaché à ses racines juives hassidiques, choisit le Christ crucifié comme symbole universel de la souffrance humaine. Dans cette œuvre, il ne s’agit pas du Christ rédempteur des chrétiens, mais d’un Juif parmi les Juifs, partageant leur martyre.


La Crucifixion blanche regorge de détails poignants qui en font une œuvre profondément symbolique. Le Christ, vêtu d’un talith (châle de prière juif), se distingue par son turban et son absence de couronne d’épines, soulignant son identité juive. Au pied de la croix, une Menorah (chandelier à sept branches) symbolise la lumière divine et l’espoir d’une présence spirituelle continue. L’inscription latine habituelle « INRI » est remplacée par une version hébraïque : « Jésus de Nazareth, roi des Juifs. »

Chagall mêle à cette représentation des scènes contemporaines de persécution : des synagogues incendiées, des villages en flammes, des familles en fuite. L’artiste peint un tableau où la souffrance humaine atteint une dimension universelle, transcendée par une lumière blanche éclatante, écho de la « lumière primordiale » de la tradition hassidique.

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Peint en 1938, La Crucifixion blanche réagit à la montée des persécutions antisémites en Europe, marquée par des événements tels que la Nuit de Cristal. Le tableau reflète les atrocités commises contre les Juifs : pogroms, exode et profanation des lieux saints. Chagall, exilé aux États-Unis, exprime son impuissance face à ces tragédies en identifiant sa propre souffrance à celle du Christ : « Avec le Christ, je suis crucifié sur le chevalet », confiait-il à sa femme Bella.

L’artiste a également apporté des modifications à l’œuvre au fil du temps, effaçant certains éléments comme une croix gammée sur le brassard d’un soldat, pour universaliser davantage son message.

Le pape François a exprimé une affection particulière pour cette œuvre, qu’il considère comme une représentation saisissante de la souffrance des persécutés. Pour lui, La Crucifixion blanche illustre la figure du Christ se faisant pauvre et humble, partageant les douleurs des plus faibles. « Dieu s’est identifié aux persécutés, il a pris leur place pour transformer leur souffrance en espérance », a-t-il rappelé dans une méditation.

Malgré la noirceur qui traverse son tableau, Chagall ne s’arrête pas à la souffrance. La lumière blanche qui traverse la toile est un rappel de l’espérance qui s’élève au-delà des ténèbres. Chagall, fidèle à ses racines, mêle sa triple identité de Juif, de Russe et de moderne pour transmettre un message universel : même dans les heures les plus sombres de l’Histoire, l’humanité peut trouver la lumièr

Pour les visiteurs du Jubilé 2025, cette œuvre est une invitation à contempler la croix comme signe de réconciliation et de paix, un message intemporel qui résonne avec force dans notre monde troublé.

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