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[ Chute du régime iranien ] « Si un jour il y a une réforme de l’islam, je pense qu’elle peut venir de ce pays » : vers une amélioration de la situation des chrétiens en Iran ?

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Alors que Donald Trump évoque une possible fin du régime des mollahs, les chrétiens d’Iran, souvent invisibles et persécutés, pourraient entrevoir une nouvelle espérance

Les frappes entre Israël et l’Iran, la convocation d’ambassadeurs européens à Téhéran, les évacuations de diplomates américains : depuis le 18 juin 2025, la tension est à son comble entre Israël, l’Iran et les États-Unis. Dans ce climat d’affrontement, l’ancien président américain Donald Trump a affirmé : « Je le ferai peut-être. Je ne le ferai peut-être pas », à propos d’une action militaire contre l’Iran, ajoutant : « La chute du régime actuel pourrait arriver. » Cette hypothèse suscite un regain d’attention sur la situation des minorités, notamment chrétiennes.

Présents dans la région depuis les premiers siècles, les chrétiens d’Iran sont aujourd’hui peu visibles, parfois marginalisés, souvent discrets. Monseigneur Pascal Gollnisch, ancien directeur de l’Œuvre d’Orient, déclarait en 2019* : « Les chrétiens d’Iran pourraient disparaître, comme ceux d’Irak et de Syrie. » . Il précisait que la liberté de culte était à peine tolérée tant qu’elle restait confinée dans les murs des églises : « Il ne s’agit absolument pas de liberté religieuse au sens où on l’entend. Il est très difficile pour un jeune Iranien de devenir chrétien : il risque des sanctions lourdes jusqu’à la prison. Se convertir est un délit. »

Rappelons que l’Iran reconnaît officiellement trois religions minoritaires : christianisme, judaïsme, zoroastrisme. Mais cette reconnaissance n’empêche ni les arrestations de convertis protestants, ni les restrictions sévères contre les communautés catholiques. L’Église chaldéenne dispose de deux évêques dans le pays, l’un à Téhéran, l’autre à Ourmia. La communauté arménienne catholique est présente, de même qu’un petit vicariat latin à Téhéran. Au total, la population chrétienne est estimée à moins de 0,2 % des Iraniens. Officiellement, ils seraient environ 117 700 selon le recensement de 2016, mais d’autres estimations évoquent jusqu’à 500 000 chrétiens, dont une majorité de convertis vivant dans la clandestinité.

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L’éparchie chaldéenne de Téhéran, qui avait un temps été vacante suite au départ de Mgr Ramzi Garmou en 2018, est désormais confiée, depuis novembre 2023, à Monseigneur Imad Khoshaba Gargees. Cette juridiction regroupe les fidèles catholiques de rite oriental,majoritairement d’origine irakienne, et reste l’un des rares canaux institutionnels visibles de l’Église d’Iran, malgré les fortes restrictions imposées par le régime sur toute activité pastorale ou éducative .

« Il existe une distance culturelle entre le texte arabe du Coran et la culture persane », soulignait encore Monseigneur Gollnisch.« Si un jour il y a une réforme de l’islam, je pense qu’elle peut venir de ce pays. » Mais pour l’instant, il est difficile d’imaginer un renouveau religieux dans une République islamique verrouillée par le pouvoir du Guide suprême.

Dans les rares églises encore ouvertes, comme à Téhéran ou Ispahan, la messe se célèbre souvent en langue liturgique (syriaque, arménien), et les fidèles prient dans la crainte. Aucun prosélytisme n’est autorisé, les bibles sont strictement contrôlées, et la surveillance est permanente. Les ONG de défense des droits chrétiens, comme Open Doors ou Article 18, dénoncent chaque année des dizaines d’arrestations de chrétiens, parfois condamnés à plusieurs années de prison.

Une part importante des chrétiens originaires d’Iran vit aujourd’hui à l’étranger. Ce phénomène s’est amplifié à la suite de la révolution islamique de 1979, mais il s’inscrit dans une dynamique bien plus ancienne : dès le début du XIXᵉ siècle, des Arméniens d’Iran migraient déjà vers la Russie. De nos jours, la diaspora chrétienne iranienne s’oriente massivement vers l’Occident, notamment l’Europe, les États-Unis et le Canada. L’émigration offre à ces familles la possibilité de faire reconnaître leurs diplômes, d’accéder à des postes de responsabilité et de bénéficier de meilleures conditions de vie. On estime que la seule Californie abrite environ 50 000 Arméniens issus de l’Iran. Cette diaspora s’est illustrée par ses réussites, aussi bien dans les affaires que dans le domaine artistique. Ces réussites, loin d’être anecdotiques, renforcent encore le désir de départ chez les coreligionnaires restés au pays.

Si l’on peut espérer qu’un changement de régime ouvrirait un espace de liberté religieuse, rien n’est garanti. L’histoire récente des pays arabes a montré que la chute d’un dictateur ne signifie pas forcément la sécurité pour les chrétiens. Le martyre silencieux des disciples du Christ en Iran se poursuit. Et même si « l’Iran est un grand et beau pays, avec une civilisation prestigieuse », comme le rappelait Mgr Gollnisch, la persécution, elle, ne faiblit pas.

( Source : propos de Mgr Gollnish,interview Aleteia février 2019 )

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