Depuis 2000 ans

Comment comprendre la socio-théologie du Pape François ..?

DR
DR
Il ne faut plus faire une « théologie de bureau » car « les bons théologiens, comme les bons pasteurs, sentent le peuple et la rue ».

Le motu proprio par lequel François réforme les statuts de l’Académie Pontificale de Théologie : la théologie « sortante » ne partira plus de la dogmatique, mais de l’anthropologie ou des sciences sociales. Elle n’admettra plus un primat de la raison mais se fera aussi avec les émotions et les sentiments.

Aussi nos confrères de la Nuova Bussola nous propose cette réflexion suite à la Lettre Apostolique « Ad theologiam promovenda » ( renouvellement des statuts de l’Académie Pontificale de Théologie) émise par le Pape Francois le 1 novembre dernier :

La brève Lettre sous forme de motu proprio redéfinit le sens de la théologie catholique, affirmant qu’il est nécessaire qu’il y ait un « tournant », un « changement de paradigme », une « courageuse révolution culturelle », une « réflexion épistémologique et méthodologique ».

Le texte va donc bien au-delà du but de dicter les critères pour le renouvellement des statuts de l’Académie et entend présenter la nouvelle théologie, celle du tournant….Laquelle – s’il s’agit du tournant ou de la révolution – qui ne devra plus rien avoir à voir avec la théologie précédente. Ce qui a été établi dans Veritatis gaudium (2018), est maintenant réaffirmé avec une particulière « solennité particulière. »

Sur ce sujet crucial, la question principale consiste à croire ou non que la foi catholique a des prétentions épistémiques essentielles vis-à-vis de la raison théologique, qui par définition est un « penser la foi dans la foi ». Or, sur ce point fondamental, il y a longtemps que dans l’Église il existe deux approches incompatibles entre elles que nous pouvons qualifier de « métaphysique » l’une et « herméneutique » l’autre.

Les deux théologies en question ne peuvent coexister car leur « commencement » est opposé, et cette division théorique est à l’origine de nombreuses autres divisions, désormais clairement déchirantes, au sein de l’Église d’aujourd’hui.

Il s’agit en effet de penser la foi de deux manières différentes.

Avec la Lettre apostolique « Ad theologiam promovenda », François choisit maintenant l’une de ces approches théologiques et, en qualifiant ce choix de « révolution », ce qui sous entend que l’autre doit être abandonnée. Comme on le voit, ce motu proprio est court mais pèse lourd….

Selon François, la théologie, comme l’Église, doit être « en sortie ».

En disant cela, il n’exprime pas seulement une exigence pastorale générique. La théologie est déjà pastorale en elle-même, et l’était aussi celle que l’on dit maintenant devoir être abandonnée, car elle permet de penser la foi de manière correcte, dont dépend la vie de l’Église et de chaque croyant individuel. Dans la Lettre apostolique, l’expression « en sortie » a une signification épistémique*, c’est-à-dire relative à la discipline scientifique qu’elle est.

« En sortie » signifie que la théologie ne peut plus commencer par la foi dans la révélation, par le dépôt reçu dans la tradition, ce qui, selon François, est « abstrait, idéologique et autoréférentiel », mais doit partir de l’« ouverture au monde, à l’homme dans la concrétude de sa situation existentielle, avec ses problèmes, ses blessures, ses défis, ses potentiels »,

il ne faut plus faire une « théologie de bureau » car « les bons théologiens, comme les bons pasteurs, sentent le peuple et la rue ».

La théologie « en sortie » ne partira plus de la dogmatique, mais de l’anthropologie ou des sciences sociales. Elle n’admettra plus un primat de la raison mais se fera aussi avec les émotions et les sentiments.

La nouvelle théologie doit être « fondamentalement contextuelle, capable de lire et interpréter l’Évangile dans les conditions où les hommes et les femmes vivent quotidiennement, dans les différents environnements géographiques, sociaux et culturels ».

Il ne s’agit plus de lire et interpréter les conditions de vie des hommes et des femmes à la lumière de l’Évangile, mais le contraire.

La théologie part donc de l’expérience, doit adopter une « méthode inductive, qui part des différents contextes et des situations concrètes dans lesquelles les peuples sont insérés, se laissant sérieusement interpeller par la réalité, pour devenir discernement des signes des temps ». Mais comme l’expérience est aussi le fruit d’un discernement, la théologie serait discernement d’un discernement.

Or, cette approche de la théologie catholique est précisément celle qui, de manière imprécise mais pas incorrecte, est définie comme « progressiste » ou « moderniste », celle qui est certainement incompatible avec Fides et ratio, en ce qui concerne les rapports entre foi et raison, et avec Veritatis splendor, pour la théologie morale : tout est à la fois objectif et subjectif, tout est soumis au temps comme le sont justement les « situations » à partir desquelles on veut partir, tout est interprétation.

Le dogme ou les normes morales sont des sédimentations d’interprétations survenues dans l’histoire, le discernement n’est pas seulement applicatif, mais constitutif du dépôt de la foi et de la morale. La Lettre de François cite Saint Thomas, mais le premier article de la première question de la Summa ( somme théologique de Saint Thomas d’Aquin) , traite précisément du thème de la science théologique et fait partie des positions précédant le « tournant » et à abandonner…

Si la science théologique ne procède plus des principes de la foi, comme le voulait saint Thomas, assumés comme vrais à l’égal de ce qui se passe dans les autres sciences (bien qu’avec quelques différences), mais naît du contexte historique considéré comme lieu théologique, la théologie doit être dialogique, comme le dit précisément François.

Mais là encore, attention….

Il ne s’agit pas de dire que le théologien doit se mesurer aux autres savoirs, en assumant comme point de vue la théologie catholique entendue comme le « penser la foi dans la foi », mais doit dialoguer pour constituer la science théologique, le dialogue appartient au processus constitutif, au même titre que la révélation ou même avec un rôle primaire et antérieur, étant donné que la révélation serait elle-même le fruit historique d’une interprétation (il n’y avait pas d’enregistreur au temps de Jésus).

C’est pourquoi le Pape François dit qu’elle doit adopter

« une culture du dialogue et de la rencontre entre différentes traditions et différents savoirs, entre différentes confessions chrétiennes et différentes religions, en se confrontant ouvertement avec tous, croyants et non croyants ».

Cela serait bien si le théologien catholique savait « d’abord » qui il est, cela ne va plus bien s’il acquiert conscience de ce qu’il est à partir de ce dialogue…

*Relatif à l’ensemble des connaissances propres à un groupe social, à une époque.

Source nuova bussola.

Recevez chaque jour notre newsletter !