De notre correspondante à Rome
Dans le cadre du conclave, nous avons souhaité connaître le sentiment de la société civile italienne et de la classe politique sur le pontificat actuel. L’interview de Lavinia Mennuni nous offre un éclairage précieux sur cette question.
Lavinia Mennuni, sénatrice de la République italienne ,est une figure politique influente du parti Fratelli d’Italia, représentant la circonscription du Lazio. Avocate de formation, elle a exercé ses fonctions dans diverses commissions parlementaires, notamment la commission des finances et celle de l’enfance et de l’adolescence. Engagée sur des questions de tradition chrétienne, elle est reconnue pour son opposition à l’avortement et à la théorie du genre, et pour sa défense des valeurs familiales.
Depuis le Sénat italien, la sénatrice italienne partage son point de vue sur le pontificat du pape François, soulignant à la fois ses réussites et ses défis. Elle évoque la dynamique entre tradition et modernité, l’influence du pape sur la société italienne et l’Église universelle, ainsi que les défis de l’Église face à une crise des vocations et à des églises vides.
Sur un plan personnel, Lavinia Mennuni explique comment sa foi chrétienne guide son engagement politique et ses actions quotidiennes, notamment dans sa défense de la vie et sa critique du système économique actuel.
Comment jugez-vous le pontificat du pape François, à la lumière de son influence sur la société italienne et sur l’Église universelle ?
Il a incontestablement adopté des positions importantes, notamment sur la régulation du capitalisme. Il a été un pontife qui a su construire des ponts avec des régions du monde très éloignées. Il y a toutefois eu une véritable dialectique entre les traditionalistes et ceux que l’on pourrait qualifier d’innovateurs. Disons que ceux qui attendaient des révolutions coperniciennes ont sans doute été déçus.
Le pape François s’est probablement heurté à ce qui fait aussi la force de l’Église : son immuabilité. Je me souviens également de certaines prises de position que l’on croyait novatrices, mais qui ne l’ont pas été du tout, notamment sur des sujets tels que l’avortement ou encore l’homosexualité, avec des déclarations très dures et très directes.
Quels sont, selon vous, les plus grands défis et les fragilités majeures de l’Église pendant le pontificat de François ?
L’Église sous François s’est sans aucun doute ouverte à la modernité. Mais la vraie question, c’est de savoir si le monde d’aujourd’hui s’est, lui, ouvert à l’Église.
Nous avons connu, c’est indéniable, une crise des vocations. Nous avons aussi été confrontés à un problème d’églises souvent vides — un constat préoccupant. Ce défi devra être relevé, avec l’aide de l’Esprit Saint, par le nouveau pontife, pour raviver la foi chez le plus grand nombre.
Sur un plan personnel, que représente la foi chrétienne pour vous dans votre engagement politique et dans votre vie quotidienne ?
Pour moi, la foi a toujours été un repère fondamental. Depuis mon plus jeune âge, elle éclaire mes actions, notamment pour la défense de la vie dès la conception. C’est dans cet esprit que nous avons voulu organiser à Rome une Marche pour la Vie. Rome, qui est aussi la capitale de la chrétienté.
Aujourd’hui encore, en tant que membre de la Commission du budget, et donc engagée sur les questions économiques, je ne peux ignorer la mondialisation actuelle, qui a échoué. Et cette prise de conscience nous oblige à réfléchir aux causes de cet échec, en lien avec un autre thème essentiel : la différence entre le libre-échange et le commerce équitable.
Le libre-échange a-t-il échoué ?
Oui, parce qu’il est clair que là où il existe une racine chrétienne solide – cette racine de la civilisation occidentale qui place la personne humaine au centre – on observe un respect de la dignité humaine. C’est une vision qui traverse parfois l’Atlantique, comme c’est le cas aux États-Unis.
Mais dans d’autres régions du monde, le travail est souvent exploité, sous-payé, ce qui rend toute idée de concurrence équitable illusoire. D’où la nécessité urgente de passer au commerce équitable : un changement fondamental.
Le pape François lui-même disait – et je le cite – : « Nous ne vivons pas une époque de changements, mais un changement d’époque. »
Eh bien, le nouveau pontife devra lui aussi en prendre pleinement conscience.
Vidéo de l’ interview original en italien