En juin 2023, la Conférence des évêques de France (CEF) publiait un ouvrage intitulé « Déconstruire l’antijudaïsme chrétien » aux éditions du Cerf. Ce manuel, élaboré par le Service national des relations avec les juifs (SNRJ), s’attaquait aux préjugés et aux mythes qui ont nourri pendant des siècles l’antijudaïsme au sein de l’Église. Aujourd’hui, presque deux ans après sa parution, alors que les tensions interreligieuses persistent en France et dans le monde, ce livre résonne comme un appel pressant à renouveler le dialogue et à bâtir une fraternité solide.
Presque deux ans après sa publication, « Déconstruire l’antijudaïsme chrétien » reste un ouvrage de référence pour approfondir le dialogue judéo-chrétien. Son objectif est clair : faire la distinction entre l’antisémitisme et l’antijudaïsme en abordant les préjugés spécifiques qui ont marqué l’histoire chrétienne, notamment les accusations de « peuple déicide » et la « notion de substitution ».
« C’est un outil pour déconstruire les clichés et les préjugés ayant nourri l’antijudaïsme chrétien », expliquait à l’époque le Père Christophe Le Sourt, directeur du SNRJ, lors du lancement de l’ouvrage au Fonds social juif unifié (FSJU).Le livre repose sur un travail approfondi de réconciliation et de pédagogie, en s’appuyant sur plus de soixante ans d’enseignement catholique, depuis la déclaration Nostra Aetate en 1965 jusqu’à la visite historique du Pape Jean-Paul II à la synagogue de Rome en 1986.
Bien que l’ouvrage ait reçu un accueil positif dans de nombreux milieux religieux et académiques, certaines voix s’élèvent toujours pour critiquer cette démarche, estimant que la mise en lumière des fautes passées de l’Église pourrait affaiblir son autorité morale. D’autres, en revanche, considèrent que l’autocritique est indispensable pour bâtir une fraternité véritable entre juifs et chrétiens.Le rabbin Moche Lewin, vice-président de la Conférence des rabbins européens, avait souligné l’importance de cet effort de vérité :« Nous avons la chance de pouvoir construire un lien différent que nos ancêtres n’ont pas pu bâtir. Il n’est pas question de faire abstraction de l’histoire, mais de bâtir un monde de fraternité. »
Pour le Père Le Sourt, ce combat contre les préjugés ne se limite pas à la France, mais doit se déployer à l’échelle mondiale :« L’antisémitisme a été un terreau pendant des siècles. C’est un virus mutant. On voit bien qu’il faut qu’on rejoigne un maximum de personnes pour nous entraîner dans cette lutte. »
Le manuel a été particulièrement recommandé pour les écoles et les communautés chrétiennes souhaitant approfondir la compréhension des racines historiques de l’antijudaïsme. De nombreux éducateurs, notamment dans les quartiers populaires, l’utilisent pour sensibiliser les jeunes aux enjeux du dialogue interreligieux et pour contrer les discours antisémites.
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Le Grand rabbin de France, Haïm Korsia, avait salué cette initiative dès sa parution en 2023 :
« Ce livre est, à mes yeux, un témoignage d’espoir, de confiance en l’intelligence humaine. Car c’est bien une démarche de foi et de singulière espérance, que de souhaiter faire bouger des lignes que vingt siècles n’ont pas su modifier. »
De son coté Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, avait également souligné la nécessité d’un travail méthodique pour sortir de siècles de mépris :
« On ne se détache pas de siècles de mépris et d’incompréhensions en quelques décennies. C’est un travail de clarté, à mener tous ensemble, et chacun pour soi, avec méthode. »
Aujourd’hui, en mars 2025, le constat est amer : juifs et chrétiens partagent un même sentiment de rejet, alimenté par une radicalité qui vise aussi bien la foi chrétienne que l’identité juive. En France, l’antisémitisme pur et dur côtoie une christianophobie grandissante, souvent portée par une même partie de la population qui affiche une hostilité ouverte aux héritages religieux et aux symboles de la foi de la religion biblique.
Les deux communautés, pourtant historiquement différentes, se retrouvent unies par une expérience commune de la persécution. Synagogues et églises sont régulièrement profanées, des actes de haine sont perpétrés contre les fidèles, et l’expression religieuse est de plus en plus mise à mal dans l’espace public.
Cette convergence des violences rappelle combien le destin de ces deux religions est lié non seulement par leur héritage spirituel commun, mais aussi par la nécessité de défendre ensemble la liberté religieuse et le respect des convictions.
Si le livre a ouvert la voie à une réflexion nouvelle, il reste encore beaucoup à faire pour apaiser les esprits et consolider les liens entre juifs et chrétiens. L’ouvrage « Déconstruire l’antijudaïsme chrétien » est donc bien plus qu’un manuel d’étude historique. Il est un appel à renouveler l’engagement fraternel et à œuvrer pour une réconciliation véritable, dans un contexte où juifs et chrétiens subissent une persécution commune et doivent se soutenir face aux attaques dirigées contre leur foi et leur identité.