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Deux dates capitales : 13 avril 1986 et 26 mars 2000, quand Jean-Paul II demanda pardon aux juifs

Jean Paul II au mur des Lamentations le 26 mars 2000 ( à gauche), et lors de sa visite de la synagogue de Rome le 13 avril 1986  - DR
Jean Paul II au mur des Lamentations le 26 mars 2000 ( à gauche), et lors de sa visite de la synagogue de Rome le 13 avril 1986 - DR
" La religion juive ne nous est pas extrinsèque mais, d'une certaine manière, elle est intrinsèque à notre religion."

ll y a 25 ans, le 26 mars 2000, Jean-Paul II priait à Jérusalem devant le Mur des Lamentations et demandait pardon à Dieu pour toutes les violences et les crimes commis par des catholiques contre les juifs. Ce geste, empreint d’humilité et de repentir, marquait un tournant historique dans les relations entre l’Église catholique et le peuple juif. Mais cette démarche de réconciliation trouve ses racines dans un autre événement marquant : le discours prononcé par Jean-Paul II le 13 avril 1986 dans la synagogue de Rome.

C’était la première fois qu’un pape franchissait le seuil d’un lieu de culte juif depuis l’aube du christianisme. Jean-Paul II, dans un élan de fraternité sincère, rappelait que la religion juive est intrinsèque à la foi chrétienne, et non une réalité extérieure ou étrangère. Ce discours ouvrait une nouvelle voie de dialogue entre les deux religions, soulignant l’importance de l’héritage commun tiré de la Loi et des prophètes.

À travers ce discours, le pape polonais, héritier d’un siècle de divisions et de conflits, manifestait sa volonté de construire des ponts entre les communautés. En reconnaissant les erreurs du passé et en invitant à la collaboration pour la paix et la justice, il incitait les fidèles à dépasser les préjugés et les malentendus.

Discours de Saint Jean-Paul II à la synagogue de Rome (13 avril 1986)

Discours dans la synagogue de Rome 13/04/1986 (trad. DC n° 1917, p. 437)

« Ma visite [à cette synagogue] aujourd’hui veut être une contribution décisive à la consolidation des bons rapports entre nos deux communautés… Parmi les multiples richesses de la déclaration du concile Vatican II « Nostra aetate » (…), le premier est que l’Église du Christ découvre son lien avec le judaïsme « en scrutant son propre mystère ». La religion juive ne nous est pas extrinsèque mais, d’une certaine manière, elle est intrinsèque à notre religion. Nous avons donc envers elle des rapports que nous n’avons avec aucune autre religion. Vous êtes nos frères préférés et, d’une certaine manière, on pourrait dire nos frères aînés. (…)

La route que nous avons commencée n’est encore qu’à ses débuts : il faudra encore pas mal de temps (…) pour supprimer toute forme, même inconsciente, de préjugé (…) et pour présenter (…) le vrai visage des juifs et du judaïsme, comme aussi des chrétiens et du christianisme. (…) Il n’échappe à personne que la divergence fondamentale depuis les origines est notre adhésion, à nous chrétiens, à la personne et à l’enseignement de Jésus de Nazareth, fils de votre peuple, dont sont issus aussi la Vierge Marie, les apôtres, « fondements et colonnes de l’Église » (cf. Ga 2,9), et la majorité des membres de la première communauté chrétienne. (…)

Il faut dire ensuite que les voies ouvertes à notre collaboration, à la lumière de l’héritage commun tiré de la Loi et des prophètes sont diverses et importantes (…) : avant tout une collaboration en faveur de l’homme (…), de sa dignité, de sa liberté, de ses droits, dans une société (…) où règne la justice et où (…) ce soit la paix qui règne, ce shalom souhaité par les législateurs, par les prophètes et par les sages d’Israël. (…)

De ma visite, et de la concorde et de la sérénité auxquelles nous sommes arrivés, que naisse, comme le fleuve qu’Ézéchiel a vu sortir de la porte orientale du Temple de Jérusalem (Ez 47,1s), une source fraîche et bienfaisante qui aide à guérir les plaies dont souffre notre ville de Rome. En faisant cela, nous serons fidèles à nos engagements respectifs les plus sacrés mais aussi à ce qui nous unit et nous rassemble le plus profondément : la foi en un seul Dieu qui « aime l’étranger » et « rend justice à l’orphelin et à la veuve », nous efforçant de les aimer et de les secourir (Dt 10,18; Lv 19,18.34). Les chrétiens ont appris cette volonté du Seigneur de la Torah, que vous vénérez ici, et de Jésus qui a porté jusqu’à ses extrêmes conséquences l’amour demandé par la Torah. »

Le discours de Jean-Paul II à la synagogue de Rome est sans doute l’un des plus marquants de son pontificat, non seulement par son contenu mais par le symbole qu’il représente. En affirmant que la foi juive est « intrinsèque » au christianisme, le pape bousculait les consciences et invitait les chrétiens à repenser leur relation avec leurs « frères aînés » dans la foi.

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Ce choix de mots, inspiré par l’esprit du concile Vatican II et sa déclaration Nostra Aetate, marque un tournant historique dans les rapports entre catholiques et juifs. Pour la première fois, un pape exprimait publiquement une reconnaissance profonde de l’héritage commun, sans pour autant occulter les différences doctrinales. C’est dans cette honnêteté spirituelle et cette humilité que réside la force du message de Jean-Paul II.Son appel à surmonter les préjugés, même inconscients, demeure un défi toujours actuel. La réconciliation entre chrétiens et juifs ne saurait se limiter à des gestes symboliques, aussi forts soient-ils. Elle doit s’incarner dans une redécouverte sincère et respectueuse des racines hébraïques de la foi chrétienne.

Enfin, la conclusion de ce discours, inspirée de la vision d’Ézéchiel, ouvre une perspective pleine d’espérance. Cette image d’un fleuve qui jaillit du Temple pour guérir les blessures n’est-elle pas le reflet d’un christianisme qui doit porter la paix et la réconciliation là où l’histoire a laissé des cicatrices ?

En 2000, devant le Mur des Lamentations, Jean-Paul II a prolongé ce geste de réconciliation par une prière assumant la part de responsabilité de l’Église dans les tragédies passées. À l’aube du troisième millénaire, il offrait ainsi un témoignage prophétique de paix et d’unité, invitant les chrétiens à se tourner vers leurs racines avec gratitude et lucidité.L’héritage de ce discours et de cette prière dépasse le simple cadre historique pour rejoindre le cœur même de l’Évangile : aimer son prochain comme soi-même, en reconnaissant humblement les erreurs du passé. Jean-Paul II, par son courage et sa vision, a jeté les bases d’un dialogue fondé non sur l’oubli, mais sur la vérité et la fraternité.

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