Depuis la disparition de son enfant, la mère d’Émile traverse une période d’angoisse indescriptible. Les jours s’écoulent sans la moindre nouvelle, laissant place à un sentiment d’impuissance grandissant. Dans un geste de foi elle décide de s’en remettre à Benoîte Rencurel.
Qui était Benoite Rencurel ?
Benoîte Rencurel, née le 16 septembre 1647 à Saint-Étienne d’Avançon et décédée le 28 décembre 1718 dans le même village, fut une humble bergère à qui la Vierge Marie serait apparue en 1664. Les apparitions de Notre-Dame du Laus dans le diocèse de Gap se sont étendues sur une période exceptionnelle de 54 ans, constituant ainsi un record dans l’histoire des apparitions mariales. Ces apparitions ont été officiellement reconnues par l’Église catholique le 4 mai 2008, et Benoîte Rencurel, dont le processus de béatification est en cours, a été honorée du titre de « vénérable » par le pape Benoît XVI le 3 avril 2009.
Son enfance
Benoîte Rencurel est née dans un hameau des Alpes où seulement quelques familles vivaient au XVIIe siècle. Le 29 septembre 1647, elle voit le jour et est baptisée le lendemain dans l’église paroissiale. La famille Rencurel, confrontée à la pauvreté, sombre dans une profonde misère à la mort du père. À l’âge de sept ans, Benoîte et sa famille sont chassées de leur domicile, où elle avait passé ses premières années. Elle se voit contrainte de gagner sa vie en tant que bergère. À partir de l’âge de 12 ans, elle travaille successivement pour deux maîtres, Jean Roland, un cultivateur brutal qu’elle convertit par sa douceur, et Louis Astier, un homme de bien. À 17 ans, elle demeure encore analphabète.
Les apparitions
Benoîte exerce sa mission d’accueil, de prière et de pénitence au Laus, mettant en œuvre son charisme de connaissance des cœurs. De nombreuses guérisons physiques se produisent au Laus, notamment grâce à l’application de l’huile de la lampe du sanctuaire, administrée avec foi selon les conseils de la Vierge Marie.
À l’automne 1666, Benoîte rejoint le Tiers-Ordre dominicain, probablement le jour de la pose de la première pierre de la nouvelle église qui sera plus tard élevée au rang de basilique. Elle adopte alors une tenue rappelant celle d’une religieuse de l’époque, avec une coiffe spéciale. Elle est appelée « sœur Benoîte » selon les usages de l’époque, mais continue à mener sa vie de bergère et de laïque dans son village.
Les témoignages
Les autorités ecclésiastiques ont hésité quant à l’attitude à adopter face aux phénomènes qui se produisaient au Laus. En septembre 1665, le vicaire général d’Embrun, Antoine Lambert, accompagné du père jésuite Gérard et du chanoine Bounnafous, se rendent au Laus pour mener une enquête. Ils interrogent à plusieurs reprises la voyante et, bien que dans un premier temps très sceptiques, leur enquête et surtout la guérison jugée miraculeuse d’une femme de vingt-deux ans, Catherine Vial, survenue alors qu’ils étaient encore sur place, les convainquent pleinement. Dans la nuit du 18 au 19 avril 1665, après une neuvaine de prière pour la malade, celle-ci parvient soudainement à déplier ses jambes qui étaient rétractées depuis six ans. Le matin suivant, elle se précipite à la messe célébrée par Antoine Lambert, qui s’exclame : « Le doigt de Dieu est là ! Le doigt de Dieu est là ! ».
Le vicaire Lambert interroge la miraculée, sa mère et d’autres témoins. Pour les membres de la commission ecclésiastique, il ne fait plus aucun doute que le Laus est le théâtre d’événements surnaturels, des apparitions et des miracles. Le vicaire de l’évêque nomme alors le père Pierre Gaillard comme directeur de la chapelle, afin d’aider le curé de Saint-Étienne-d’Avançon. La construction d’une nouvelle église est prévue et se déroulera de 1666 à 1669. À partir de cette date, des miracles sont signalés après l’application de l’huile de la lampe de la chapelle, conformément aux indications données par la voyante, selon lesquelles la Vierge Marie elle-même aurait déclaré que l’application de l’huile, combinée à son intercession et à la foi du malade, apporterait la guérison, car « Dieu a donné ce lieu pour la conversion des pécheurs ».
Les autres années,
À l’automne 1666, Benoîte rejoint le Tiers-Ordre dominicain, probablement le jour de la pose de la première pierre de la nouvelle église. À partir de 1669, le père Peytieu, chapelain du Laus, rapporte de fréquentes apparitions lorsque Benoîte est en extase, généralement après avoir communié ou s’être confessée. Il note que de nombreux pèlerins ont pu assister à ses extases.
En 1670, Jean Javelly, le nouveau vicaire du diocèse, convoque Benoîte à Embrun pour l’interroger. Elle séjourne à l’évêché du 28 mai au 8 juin 1670 et est interrogée tous les après-midis par le vicaire, des jésuites et d’autres clercs. Les enquêteurs constatent que la jeune fille répond avec franchise et simplicité à leurs nombreuses questions. Lors de la messe de la Fête-Dieu, célébrée par le vicaire de l’évêque, celui-ci observe une extase de la voyante.
À la demande du prélat, Benoîte décrit sa vision, décrivant la Vierge Marie comme étant « habillée en reine, une couronne sur la tête, toute éclatante de lumière ».
À ces éléments s’ajoutent les rapports des personnes chargées de surveiller en continu la jeune voyante, attestant que durant les douze jours de son séjour, Benoîte n’a ni mangé ni bu, sans que cela ne semble affecter sa santé. Le vicaire conclut favorablement sur la voyante et les prétendues apparitions. Le nouvel archevêque, Mgr de Genlis, se rend ensuite au Laus pour rencontrer personnellement la voyante et l’interroger. Le 4 décembre 1671, lors d’un interrogatoire de trois heures et demie, il prend lui-même des notes sur les réponses de Benoîte, qu’il conserve dans ses archives. À la fin de l’interrogatoire, il autorise la construction d’une église agrandie. Bien que l’archevêque n’ait pas publié de document officiel reconnaissant les apparitions, celles-ci sont désormais considérées comme définitivement authentifiées, et Benoîte poursuit sa mission d’accueil et de conseil spirituel auprès des pèlerins.
La vie de Benoîte Rencurel est marquée par des événements exceptionnels. En juillet 1673, elle aurait eu des visions de Jésus-Christ crucifié et aurait ressenti une immersion dans son sang. Chaque semaine, elle se retrouvait immobilisée dans une position de crucifiée, restant ainsi du jeudi au samedi sans pouvoir bouger. Cette « crucifixion mystique » a perduré de 1673 à 1684. Dans son humilité, elle était troublée par l’attention portée à ce prodige et demandait que d’autres souffrances, moins visibles, lui soient accordées. À partir de 1689, elle aurait été confrontée à des tourments nocturnes et aurait combattu spirituellement les démons chaque nuit jusqu’à sa mort.
L’invasion savoyarde en août 1692 contraint Benoîte à quitter le Laus. Elle se réfugie à Marseille pendant deux mois avant de retourner dans son village.
Les dernières années de sa vie se déroulent dans la tranquillité après que l’évêque a confié le sanctuaire aux Pères de Sainte-Garde en 1712. Le pèlerinage connaît un renouveau avec leur arrivée, et Benoîte peut vivre ses dernières années dans la paix. Elle décède le 28 décembre 1718, jour de la fête des saints Innocents, et est inhumée dans la chapelle de Bonne-Rencontre. Initialement enterrée dans le cimetière du Laus, situé à proximité de l’église, son corps est ensuite déposé dans le caveau actuel, au cœur de la basilique.
Sa Béatification et sa canonisation
Les premières démarches en vue de l’ouverture de sa cause de béatification sont entreprises par Mgr Bernadou, alors évêque de Gap, futur cardinal-archevêque de Sens. Le procès s’ouvre le 11 septembre 1864. Benoîte Rencurel est la première voyante d’apparition mariale à voir sa cause de béatification introduite à Rome. Le 7 septembre 1871, le pape Pie IX la déclare « Vénérable servante de Dieu ». Le décret sur ses écrits est promulgué le 7 juillet 1896. Après une interruption en 1913, la cause est reprise en 1981. En 1996, une nouvelle demande de béatification est présentée à Rome. Le 3 avril 2009, le pape Benoît XVI reconnaît l’héroïcité de ses vertus et la déclare « vénérable ».
La béatification de Benoîte Rencurel nécessite désormais la reconnaissance d’un miracle qui lui soit attribué. Une commission médicale composée de cinq médecins se réunit tous les deux mois au Laus pour étudier les témoignages de grâces, qui se comptent par dizaines chaque mois. Les responsables du dossier indiquent qu’à ce jour, ils sont encore en train d’étudier un cas qu’ils pourraient présenter à Rome.