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D’une liturgie millénaire à une liturgie idéologique ? l’écologisme entre dans la messe

Peinture illustrant la prière de saint François d’Assise pour la création - DR
Peinture illustrant la prière de saint François d’Assise pour la création - DR
Alors que l’Église dispose d’un trésor liturgique séculaire pour exprimer le lien entre l’homme et la création, un nouveau formulaire centré sur l’« écologie intégrale » vient d’être promulgué

Un nouveau formulaire liturgique a été présenté à Rome le 3 juillet, la Missa pro custodia creationis, approuvée par le pape Léon XIV en la solennité de la Pentecôte. Ce texte, destiné aux jours libres du temps ordinaire, s’ajoute aux messes « pour diverses nécessités » du Missel romain. Il comprend oraisons, antiennes et lectures centrées sur la « sauvegarde de la création ». Une initiative qui se veut facultative, mais dont les implications interrogent.

On peut se demander si ce nouveau formulaire ne deviendra pas rapidement l’un des plus utilisés, non pas pour des raisons pastorales, mais idéologiques.

Et tandis que certains signes laissent entrevoir un possible assouplissement du Motu proprio Traditionis custodes, comme la dérogation récemment accordée au Texas, on peut également se demander si le pape Léon XIV, réputé attaché à la beauté des célébrations, résistera à ce tourbillon idéologique qui réduit la liturgie à une rencontre de l’homme avec lui-même, plutôt qu’un dialogue sacré avec Dieu et ses anges.Le cardinal Michael Czerny a présenté ce nouveau formulaire comme une réponse aux appels exprimés dans l’encyclique Laudato si’. Mais dès sa publication en 2015, ce texte du pape François avait été critiqué pour ses nombreuses prises de position discutables sur des sujets scientifiques ou politiques, réchauffement climatique, émissions de CO₂, migrations et écologie. Des thèmes controversés, éloignés du cœur de la Révélation, qui n’ont pas leur place au centre de la liturgie.

C’est ici qu’apparaît la confusion croissante entre l’écologie et l’écologisme. Là où l’écologie est une science qui étudie les interactions entre les êtres vivants et leur environnement, l’écologisme, lui, devient une idéologie militante qui fait de la nature une valeur suprême, parfois au détriment de l’homme et de Dieu. Cette idéologie, souvent teintée de spiritualité diffuse, tend à imposer ses codes jusque dans les sphères religieuses. Elle prétend offrir une morale globale fondée sur la sauvegarde de la planète, mais risque d’éclipser la finalité propre de la liturgie, rendre gloire à Dieu.

On évoque souvent saint François d’Assise comme figure emblématique d’un christianisme sensible à la nature. Mais lorsqu’il écrivait, « Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures, spécialement messire frère Soleil », ce n’était pas pour appeler à une mobilisation planétaire, mais pour rendre grâce à Dieu à travers la beauté de sa création. Pour lui, la nature n’était jamais un absolu, mais un miroir du Créateur. Là où l’écologisme moderne milite pour la nature, François priait avec la nature pour louer Dieu.De son coté Monseigneur Vittorio Francesco Viola, secrétaire du Dicastère pour le Culte divin, a justifié cette initiative par un lien ancien entre liturgie et création, évoquant notamment les Rogations et les Quatre-Temps.

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Pourtant, ces traditions liturgiques, profondément enracinées dans le calendrier ecclésial et l’expérience chrétienne, ont été mises de côté. Pourquoi ne pas les restaurer, plutôt que d’inventer un formulaire nouveau, sans lien avec le cycle des saisons ni avec la pénitence, pourtant essentielle dans notre rapport à la création ?

Les Quatre-Temps, en appelant au jeûne, à l’abstinence et à l’offrande des prémices, rappelaient que toute vie dépend de Dieu. Loin d’une écologie idéologique, ils proposaient une spiritualité de la sobriété, une vision chrétienne de la maîtrise de soi et du respect de l’ordre voulu par Dieu. Supprimés en pratique, ces rites ont été remplacés par des expressions liturgiques nouvelles, parfois dictées par les tendances culturelles du moment.Le Dicastère présidé par le cardinal Roche a choisi de créer de toutes pièces une messe sans lien direct avec la tradition liturgique multiséculaire. Ce choix semble marquer un refus d’assumer l’héritage du rite romain préconciliaire, au profit d’une approche nouvelle, horizontale et anthropocentrée. L’homme devient le point focal, la création son prétexte, et Dieu un horizon lointain.

La liturgie catholique n’est pas un vecteur d’adhésion à une cause, fût-elle environnementale. Elle est d’abord louange, offrande, participation au mystère divin. L’Église possède déjà, dans son patrimoine liturgique, de quoi exprimer avec justesse le lien entre la foi et la création. Encore faut-il avoir la volonté de le retrouver.À vouloir convertir la liturgie à l’écologie intégrale, on risque d’oublier qu’elle est d’abord un hommage au Créateur.

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