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[ EDITORIAL ] L’Assemblée votera-t-elle la loi du sacrifice des plus faibles ?

L’Assemblée nationale tient aujourd’hui entre ses mains l’honneur de la République et la vie de milliers de personnes vulnérables

Par Philippe Marie

Ce mardi 27 mai 2025, un cap décisif pourrait être franchi. L’Assemblée nationale s’apprête à voter sur la légalisation de « l’aide à mourir ». Derrière cette expression douce, presque rassurante, se cache un changement de fond : autoriser légalement qu’un soignant puisse provoquer délibérément la mort d’un patient. Ce n’est plus la médecine, mais le geste final. Ce n’est plus un soin, mais un abandon.Aujourd’hui, les parlementaires ne votent pas une loi de plus. Ils scellent l’orientation morale d’un pays. Si le texte est adopté, il poursuivra son chemin au Sénat dans le cadre de la navette parlementaire. Rien ne serait encore définitif, mais l’engrenage serait enclenché, et il deviendrait de plus en plus difficile de remonter le cours d’une telle décision.

Ce que beaucoup appellent un « droit nouveau » repose en réalité sur une inversion tragique des valeurs. Loin de renforcer notre humanité, cette loi briserait l’interdit millénaire de tuer, fondement du pacte social et de toute civilisation. Le commandement biblique est clair : tu ne tueras pas. Il n’est pas un simple précepte religieux, mais l’un des piliers de toute société digne de ce nom.

Dans une déclaration commune les représentants des cultes catholique, protestant, orthodoxe, juif, musulman et bouddhiste ont exprimé leur « opposition à toute légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté ». De leur coté les évêques d’Île-de-France alertent les consciences. Ils écrivent : « Nous ne nous résoudrons jamais à penser que notre société puisse calmer son inquiétude au prix d’une rupture qui créerait les conditions d’un crime contre la dignité, d’un crime contre la fraternité, d’un crime contre la vie. » Et ils dénoncent la manipulation du langage qui consiste à « appeler aide fraternelle le geste qui tue, ou envisager d’appeler mort naturelle celle qui résultera du geste volontaire qui l’aura provoquée ».

À cette mobilisation spirituelle s’ajoute celle du monde médical. Des milliers de soignants, de médecins, d’infirmiers et de pharmaciens ont alerté sur les conséquences irréversibles de ce projet de loi. Ils y affirment avec clarté : « Donner la mort ne fait pas partie du soin. L’intentionnalité létale ne pourra jamais être une réponse médicale. » Leur appel rappelle que la relation de soin repose sur la confiance, et non sur la possibilité qu’un jour, un médecin devienne l’agent de la mort.

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Il ne s’agit pas non plus d’un clivage politique entre conservateurs et progressistes. Ce débat touche à ce que nous avons de plus essentiel : notre conception de l’homme, de la solidarité et de la limite morale. C’est pourquoi, au-delà des appartenances partisanes, des voix s’élèvent pour refuser ce projet. Parmi elles, celle du député socialiste Dominique Potier, qui déclare dans La Croix ( 26 mai 2025) : « La République, dans ce qu’elle a de plus grand, l’a fait sienne à travers l’abolition de la peine de mort. Elle est cette promesse, renouvelée de génération en génération, dans les premiers et les derniers moments de l’existence : ta vie vaut plus que tout l’or du monde. »

À ces voix s’est ajoutée celle de l’ensemble des responsables religieux en France. Dans une déclaration commune les représentants des cultes catholique, protestant, orthodoxe, juif, musulman et bouddhiste ont exprimé leur « opposition à toute légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté »

Alors pourquoi ce glissement ? Pourquoi cette facilité à présenter la mort comme un soin ? Pourquoi offrir une injection plutôt qu’une main ? Pourquoi investir dans la légalisation d’un geste létal, quand tant de malades n’ont pas accès aux soins palliatifs ? C’est là l’ultime paradoxe de cette loi : elle prétend offrir un choix, mais elle ne garantit même pas la seule alternative humaine à la souffrance, celle des soins palliatifs. La loi Claeys-Leonetti a renforcé le droit d’accès aux soins palliatifs depuis plus de 20 ans et ce dispositif respecte la vie !

Là où l’on pourrait vivre jusqu’au bout dans la paix, on préférera désormais proposer de mourir plus vite.

Les ravages sont déjà visibles dans les pays qui ont légalisé le suicide assisté. Au Canada, aux Pays-Bas, en Belgique, la logique d’exception a glissé vers une banalisation. On euthanasie désormais des personnes seules, pauvres, atteintes de troubles psychiques, voire simplement « fatiguées de vivre ». C’est une société de l’abandon qui se construit, une culture du déchet humain, qui renie le don inestimable de la vie.

Mesdames, Messieurs les députés, vous portez aujourd’hui une responsabilité que l’histoire retiendra. À vous de dire si la République doit devenir une société du tri, où les plus fragiles seront invités à se retirer. À vous de décider si la fraternité consiste à accompagner… ou à précipiter la fin.Et si, au terme de ce jour, la loi du sacrifice des plus faibles devait malgré tout être votée, alors il ne nous restera qu’à prier. Prier pour les malades. Pour les soignants. Pour les législateurs. Et redire, avec Celui qui a souffert l’injustice jusqu’au bout : « Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Luc 23:34)

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