Un an après la chute du régime de Bachar al-Assad, les chrétiens de Syrie ont célébré Noël entre moments de joie retrouvée et inquiétude persistante. Des messes ont été célébrées, des sapins illuminés et des chants entonnés dans plusieurs villes du pays, mais derrière ces images d’apparente normalité demeure une réalité marquée par l’insécurité, la mémoire encore vive des attentats et l’incertitude sur l’avenir des minorités religieuses.Au cours des derniers jours, de nombreuses églises syriennes ont accueilli des offices et des célébrations de Noël. Dans certaines villes, des places publiques ont été décorées, des arbres de Noël illuminés et des fanfares de scouts ont accompagné les festivités, parfois en présence de Syriens de différentes confessions. Ces scènes, observées notamment à Damas, Saydnaya et dans certaines localités de la campagne de Damas, ont ravivé chez beaucoup le souvenir d’un temps où les fêtes chrétiennes pouvaient être célébrées plus librement.
À Saydnaya, ville à forte tradition chrétienne, plusieurs habitants ont témoigné d’un climat relativement serein durant les fêtes. Des initiatives locales, portées par des centres éducatifs chrétiens, ont permis d’organiser des animations de rue et des visites aux enfants. La sécurité y a été assurée en grande partie par les habitants eux-mêmes, mobilisés pour protéger les églises et les quartiers, ce qui a contribué à instaurer un sentiment de confiance et de solidarité communautaire.Cette relative tranquillité contraste cependant avec la situation vécue dans d’autres zones du pays. À Doueilaa, dans la banlieue de Damas, Noël s’est déroulé sous le poids du souvenir de l’attentat qui a frappé l’église Saint-Élie six mois plus tôt, faisant près de trente morts parmi les fidèles. Les responsables paroissiaux ont choisi de commémorer les victimes en décorant un arbre de Noël de leurs photographies, transformant le symbole festif en mémorial. Pour de nombreux fidèles, la célébration a été marquée par une tension palpable, entre fidélité à la foi et crainte persistante.
Cette peur s’est manifestée de manière brutale lors de l’illumination du sapin près de l’église, lorsqu’une fausse alerte à l’attentat a provoqué un mouvement de panique parmi la foule. Plusieurs personnes ont été blessées et des enfants séparés de leurs familles, rappelant à quel point le traumatisme demeure profondément ancré, y compris chez ceux qui souhaitent continuer à célébrer publiquement leur foi.
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Les autorités ont affirmé avoir renforcé les dispositifs de sécurité autour des lieux de culte chrétiens, avec le déploiement de forces de sécurité intérieure et la participation de comités locaux. Des prêtres reconnaissent que les messes et célébrations ont pu se tenir globalement comme les années précédentes, mais toujours avec prudence, dans un climat d’inquiétude latent. Cette protection apparaît toutefois inégale selon les régions et insuffisante à dissiper la peur.
Dans plusieurs zones du pays, des actes de vandalisme visant des symboles chrétiens ont été signalés, notamment des arbres de Noël incendiés ou détruits. Ces incidents s’inscrivent dans un contexte plus large de violences et de pressions exercées contre différentes minorités religieuses. Les alaouites, en particulier, ont été la cible d’assassinats, d’enlèvements et de menaces, y compris pendant la période des fêtes, conduisant leurs responsables religieux à appeler publiquement à la cessation immédiate des violences contre les civils.La situation sécuritaire générale reste d’autant plus préoccupante que des enquêtes récentes ont mis en lumière la poursuite de pratiques répressives dans les anciennes prisons du régime, désormais utilisées par les nouvelles autorités. Ces révélations alimentent les doutes sur la capacité réelle de l’État à garantir la protection des civils et le respect des libertés fondamentales.
Si Noël 2025 en Syrie n’a pas été marqué par des violences massives lors des célébrations chrétiennes, il n’en demeure pas moins un Noël vécu sous surveillance, sous tension et souvent dans la retenue. La foi a permis à beaucoup de persévérer et de célébrer malgré tout, mais l’attentat survenu peu après contre une mosquée alaouite à Homs est venu rappeler que l’insécurité demeure une réalité quotidienne, touchant l’ensemble de la société syrienne.Dans une Syrie encore profondément fracturée, Noël apparaît ainsi à la fois comme un signe de résistance spirituelle et comme un révélateur des fragilités persistantes du pays. Un an après la chute du régime Assad, l’espérance existe, mais elle reste étroitement liée à une exigence essentielle : celle d’une sécurité réelle et durable pour tous les citoyens, quelles que soient leur foi ou leur appartenance.


