Ce matin, à 10h00, la place Saint-Pierre a accueilli une nouvelle Audience jubilaire au cours de laquelle le pape Léon XIV a poursuivi sa série de catéchèses dédiées à l’espérance. Il a invité les fidèles à se souvenir du premier mouvement intérieur qui les a conduits à Rome : « Un désir et puis une décision. Sans cela, vous ne seriez pas ici. Il est important de le rappeler. » Pour le Saint-Père, cette dynamique intérieure s’inscrit dans la logique évangélique que résument les paroles du Christ : « À qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage encore. »
Le pape a ensuite averti contre une fausse conception de la paix, comprise comme une tranquillité qui évite l’effort et la rencontre. « Parfois nous voudrions être “laissés en paix”. (…) Ce n’est pas la paix de Dieu. » Au contraire, Jésus apporte « le feu », un feu qui dérange et réveille. De là surgit l’affirmation centrale de la catéchèse : « Espérer, c’est prendre position. ».
Pour Léon XIV, l’espérance chrétienne se manifeste lorsqu’un homme ou une femme comprend « dans le cœur et montre par les actes que les choses ne doivent pas continuer comme avant ».
Afin d’illustrer cette conviction, le pape a longuement évoqué la figure de Dorothy Day, « une petite grande femme américaine » qui « avait le feu en elle » et qui a su unir « l’esprit, le cœur et les mains ». Comme journaliste, elle « pensait et faisait penser ». Comme servante des pauvres, elle « s’habillait et mangeait comme ceux qu’elle servait ». En elle, espérance et engagement ne faisaient qu’un : prendre position signifiait transformer l’indignation en service, en proximité concrète, en communautés vivantes. Cette capacité à assumer les conséquences de ses choix fait, pour le pape, des artisans de paix de véritables témoins de l’Évangile : « Ils prennent position et en assument les conséquences, mais ils avancent. » Et il conclut : « Son feu est notre feu. Que le Jubilé le ravive en nous et dans toute l’Église ! »

Dorothy Day (1897-1980) est une journaliste américaine devenue l’une des grandes figures du catholicisme social du XXe siècle. D’abord proche des milieux anarchistes et de l’ultra-gauche, elle vit une jeunesse bohème marquée par l’engagement pacifiste, le journalisme radical et un avortement qu’elle regrettera profondément. La naissance de sa fille Tamar en 1926 ouvre chez elle une conversion spirituelle qui la conduit au catholicisme. Avec Peter Maurin, elle fonde en 1933 le Catholic Worker Movement, alliant défense des pauvres, non-violence évangélique et « maisons de l’hospitalité ». Militante infatigable, elle combat la guerre, la misère et les injustices tout en défendant la morale chrétienne.
Admirée par une partie des catholiques des années 1960, elle reste une voix indépendante, solidaire des exclus et critique envers le pouvoir. Morte en 1980, elle est aujourd’hui reconnue « servante de Dieu » et sa cause de béatification est en cours.
Au terme de l’audience, Léon XIV a adressé ses salutations aux pèlerins anglophones, germanophones, hispanophones, lusophones et polonais, reprenant avec chacun un appel particulier à l’espérance active. Aux fidèles italiens, notamment aux nombreux chœurs présents pour le Jubilé des chorales, il a rappelé que le chant liturgique demeure une forme de prière qui « élève vers Dieu et unit les cœurs dans la louange », sous le patronage de sainte Cécile dont c’était la fête.Cette audience de novembre 2025 confirme l’orientation forte donnée par Léon XIV au Jubilé : un chemin spirituel qui ne se contente pas d’actes symboliques, mais qui appelle une conversion concrète, visible et courageuse. Par la formule : « Espérer, c’est prendre position », le pape invite toute l’Église à faire de l’espérance un moteur d’action et de transformation, fidèle au feu du Christ qui n’éteint jamais les cœurs ouverts à sa parole.
#Iubilaeum2025 – Audience jubilaire, 22.11.2025
Catéchèse. 9. Espérer, c’est prendre position. Dorothy Day
Traduction tribune chrétienne
« Chers frères et sœurs, bonjour et bienvenue !
Pour beaucoup d’entre vous, être aujourd’hui à Rome est la réalisation d’un grand désir. Pour celui qui vit un pèlerinage et arrive au but, il est important de se souvenir du moment de la décision. Quelque chose, au début, s’est mis en mouvement en vous, peut-être grâce à la parole ou à l’invitation de quelqu’un d’autre. Ainsi, le Seigneur lui-même vous a pris par la main : un désir, puis une décision. Sans cela, vous ne seriez pas ici. Il est important de s’en souvenir.
Et il est aussi important de rappeler ce que nous venons d’entendre dans l’Évangile : « À qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage encore ». Jésus le dit aux disciples les plus proches, à ceux qui étaient le plus avec Lui. Et nous aussi, nous avons beaucoup reçu du chemin parcouru jusqu’ici, nous avons été avec Jésus et avec l’Église et, même si l’Église est une communauté avec des limites humaines, nous avons beaucoup reçu. Alors, Jésus attend beaucoup de nous. C’est un signe de confiance, d’amitié. Il attend beaucoup parce qu’il nous connaît et sait que nous le pouvons !
Jésus est venu apporter le feu, le feu de l’amour de Dieu sur la terre et le feu du désir dans nos cœurs. D’une certaine manière, Jésus nous enlève la paix, si nous pensons la paix comme un calme inerte. Ce n’est pas la vraie paix. Parfois nous voudrions être « laissés en paix », que personne ne nous dérange, que les autres n’existent plus. Ce n’est pas la paix de Dieu. La paix que Jésus apporte est comme un feu et elle nous demande beaucoup. Elle nous demande surtout de prendre position. Face aux injustices, aux inégalités, là où la dignité humaine est piétinée, où l’on enlève la parole aux fragiles : prendre position. Espérer, c’est prendre position. Espérer, c’est comprendre dans le cœur et montrer par les actes que les choses ne doivent pas continuer comme avant. Cela aussi est le bon feu de l’Évangile.
Je voudrais rappeler une petite grande femme américaine, Dorothy Day, qui a vécu au siècle dernier. Elle avait le feu en elle. Dorothy Day a pris position. Elle a vu que le modèle de développement de son pays ne créait pas les mêmes opportunités pour tous, elle a compris que le rêve était pour beaucoup un cauchemar, et que, comme chrétienne, elle devait s’impliquer avec les travailleurs, avec les migrants, avec les laissés-pour-compte d’une économie qui tue. Elle écrivait et servait : il est important d’unir l’esprit, le cœur et les mains. C’est cela, prendre position. Elle écrivait comme journaliste, c’est-à-dire qu’elle pensait et faisait penser. Écrire est important, et lire aussi, aujourd’hui plus que jamais. Et puis Dorothy servait les repas, donnait des vêtements, s’habillait et mangeait comme ceux qu’elle servait : elle unissait l’esprit, le cœur et les mains. De cette manière, espérer, c’est prendre position.
Dorothy Day a mobilisé des milliers de personnes. Elles ont ouvert des maisons dans de nombreuses villes, dans de nombreux quartiers : non pas de grands centres de services, mais des lieux de charité et de justice où l’on s’appelle par son nom, où l’on se connaît un à un, et où l’on transforme l’indignation en communion et en action. Voilà comment sont les artisans de paix : ils prennent position et en assument les conséquences, mais ils avancent. Espérer, c’est prendre position, comme Jésus, avec Jésus. Son feu est notre feu. Que le Jubilé le ravive en nous et dans toute l’Église ! »
Source Vatican


