Ce mardi 27 mai 2025, l’Assemblée nationale a franchi un cap redouté depuis longtemps par de nombreux catholiques et défenseurs de la vie : elle a adopté en première lecture la proposition de loi légalisant l’« aide à mourir ». Derrière cette formule feutrée, c’est bien l’autorisation de donner la mort qui entre dans le droit français. Une rupture anthropologique, éthique et spirituelle que la Conférence des évêques de France (CEF) n’a pu laisser passer sous silence.Dans un communiqué publié quelques heures après le vote, la CEF dit saluer les avancées en matière de soins palliatifs. Mais cette reconnaissance prudente ne saurait masquer la gravité du moment. L’Église en France exprime sa « vive inquiétude » face à un basculement vers une culture de l’élimination, où la mort provoquée devient une option encadrée par la loi.
On sent dans ce texte une volonté de rester dans le registre de l’appel au discernement. Mais ce discernement, précisément, est aujourd’hui menacé par un langage politique qui tente de rendre acceptable l’inacceptable. La CEF rappelle que ce débat, entamé depuis septembre 2022, nécessite d’être poursuivi avec sérieux. Elle compte poursuivre ses interventions auprès des sénateurs, espérant encore infléchir le cours d’un processus qui semble pourtant déjà bien engagé.L’Église catholique, forte de son expérience de terrain, rappelle l’engagement quotidien de ses milliers d’aumôniers, de visiteurs et de bénévoles auprès des malades, des personnes âgées et des mourants. C’est à partir de cette présence fidèle que l’Église peut affirmer : il existe une autre voie. Une voie qui accompagne sans abandonner, qui soigne sans provoquer la mort, qui respecte sans céder à l’illusion d’une autonomie sans limite.
Les évêques alertent aussi sur l’hypocrisie d’un système qui prétend étendre les libertés tout en laissant un cinquième des départements français sans unités de soins palliatifs. Le droit à mourir progresse alors que le droit à être soulagé dans la dignité, lui, reste partiellement théorique.La CEF lance un appel à ceux qui, dans le silence des hôpitaux, dans les familles éprouvées, dans les consciences encore éclairées, refusent de voir la société institutionnaliser la mise à mort. Car derrière les grands mots d’égalité, de compassion ou de liberté, c’est bien une société du tri et du renoncement qui se profile.
Texte intégral du communiqué de la Conférence des évêques de France (27 mai 2025)
« La Conférence des évêques de France (CEF) salue le vote de la proposition de loi sur « l’accompagnement et les soins palliatifs » ; elle en suivra avec attention la mise en application. Elle redit sa vive inquiétude concernant le vote de la loi sur le « droit à l’aide à mourir ».
La CEF continuera de contribuer à ce débat de société majeur tout au long du processus législatif qui va se poursuivre.
Dans la poursuite du travail qu’elle a initié dès septembre 2022, la CEF entend en particulier apporter aux sénateurs, puis en seconde lecture à nouveau aux députés, comme à l’ensemble des citoyens français, tout élément utile pour leur permettre d’éclairer leur discernement, concernant ce sujet infiniment grave, complexe voire intimidant, qu’est l’accompagnement de la fin de vie.
Pour ce faire, l’Église catholique se fonde notamment sur l’expérience des 800 aumôniers et 1 500 bénévoles présents au sein des hôpitaux, ainsi que des 5 000 visiteurs à domicile et en EHPAD, mobilisés chaque jour au chevet des malades, auxquels s’ajoutent les milliers de prêtres, diacres, consacrés et laïcs engagés dans l’accompagnement des personnes en deuil à l’occasion des obsèques, dans les 94 diocèses que compte l’Église en France.
Profondément inquiets des conséquences pour la société française et des perspectives alarmantes auxquelles un « droit à mourir » exposerait en particulier les Français les plus vulnérables, les évêques réaffirment leur détermination à porter la voix d’une société juste et fraternelle, qui protège les plus vulnérables ; ils rappellent également que la loi Claeys-Leonetti de 2016 actuellement en vigueur n’est ni assez connue ni assez appliquée, alors que plus de 20 % des départements français dépourvus de soins palliatifs (soit 1/5).
Enfin, la CEF tient à adresser un message de soutien aux nombreux soignants, psychologues, psychiatres et professionnels, médecins, éthiciens, infirmières, bénévoles et tant d’autres acteurs de la société civile, qui s’élèvent quotidiennement pour rappeler qu’une autre voie est légitime et juste : celle du profond respect pour la vie sociale et le modèle de soins français, jusqu’à son achèvement naturel partagé. »