Depuis 2000 ans

Faut-il changer le prêtre ou raviver la foi ? Réflexion sur une nouvelle utopie jésuite

Sous des airs de lucidité sociologique, cette approche révèle une vieille tentation : diluer la foi dans les catégories du monde, au risque de trahir la nature même de l’Église

Une fois encore, voilà publiée dans La Croix une forme de pensée expérimentale dont les jésuites ont le secret : l’art subtil de poser toutes les questions, sauf celles qui dérangent vraiment, et de redessiner l’Église au gré des courbes de la sociologie. Une Église fluide, mouvante, à clergé variable, communautaire mais désinstitutionnalisée, ouverte mais déliée, pieuse mais sans dogmes trop rigides. Une Église rêvée peut-être, mais qui, curieusement, ne suscite ni conversions, ni vocations, ni ferveur. On dirait presque une école de pensée… ignatienne, version postmoderne.

Car enfin, faut-il vraiment, sous prétexte que l’Église devient minoritaire, renoncer à ce qui l’a toujours structurée ?

Faut-il abandonner la nature sacramentelle du sacerdoce pour satisfaire aux humeurs changeantes de sociétés qui ont désappris la transcendance ? Ce n’est pas parce que les vocations se raréfient qu’il faudrait rendre le sacerdoce flou, communautaire, flexible, démocratique ou partiel. L’histoire de l’Église enseigne au contraire que les périodes de minorité ont souvent été les plus fécondes : l’Église des catacombes, l’évangélisation de l’Europe païenne, les missionnaires partis seuls au bout du monde n’avaient ni majorité sociologique, ni soutien médiatique. Ils avaient la foi, l’adoration, la doctrine, et la croix.

Le père Delhez part pourtant d’un constat chiffré réel : les ordinations sont en baisse. Mais il en tire une conclusion bancale : si le prêtre attire moins, c’est qu’il faudrait changer son modèle. Or les faits contredisent cette logique. Là où la liturgie est vécue avec fidélité, là où la prédication n’a pas peur d’enseigner la vérité, là où le prêtre est présenté comme un homme donné entièrement au service de Dieu et des âmes, les vocations surgissent encore. Ce n’est pas une question d’adaptation au monde, mais de cohérence intérieure.

Les jeunes ne cherchent pas un compromis, ils cherchent une réponse vraie

Lire aussi

Mais la logique du jésuite belge n’est pas celle de la Tradition de l’Eglise. Elle est celle d’un bricolage pastoral : deux clergés, l’un communautaire, marié, issu du peuple, l’autre itinérant, possiblement célibataire. Un ministère partagé, fragmenté, adapté aux contraintes sociales, pensé pour des communautés électives et horizontales. Le modèle même de la pensée floue, dans laquelle l’eucharistie peut être présidée par un homme marié désigné par sa communauté, et où l’on laisse en suspens la question de l’ordination des femmes, comme si le magistère ne s’était jamais prononcé.Mais Jean-Paul II l’a rappelé sans équivoque dans Ordinatio Sacerdotalis : l’Église n’a aucun pouvoir d’ordonner des femmes. Et Paul VI, avant lui, avait confirmé que le célibat sacerdotal, dans l’Église latine, n’était pas une simple discipline, mais une grâce profondément conforme à la nature du sacerdoce du Christ. Revenir sur ces points, c’est affaiblir la cohérence du sacerdoce et ouvrir la porte à une désagrégation lente mais certaine.

À la fin, le diagnostic est simple. Ce n’est pas le modèle du prêtre qui est à revoir, c’est la foi du peuple chrétien qui est à ranimer. Ce n’est pas en remplaçant les prêtres par des figures hybrides, semi-laïques et demi-consacrées, que les vocations reviendront. C’est en prêchant la croix, en adorant le Saint-Sacrement, en redécouvrant la liturgie comme mystère reçu de Dieu, et non comme outil d’animation communautaire, que l’Église retrouvera son souffle.

Ce n’est pas une réforme des structures qu’il faut, c’est une conversion des cœurs

Et si l’on veut vraiment poser toutes les questions, alors posons aussi celle-ci : pourquoi tant de propositions de réforme viennent-elles toujours des mêmes milieux, avec les mêmes recettes, les mêmes justifications sociologiques, et les mêmes échecs pastoraux ? L’audace véritable, aujourd’hui, n’est pas de déconstruire le sacerdoce, mais de l’embrasser pleinement. Voilà ce qui attire encore des jeunes, même dans une Église minoritaire. Parce qu’à l’heure du doute, le monde n’attend pas une Église qui se cherche, mais une Église qui croit et qui témoigne.

Recevez chaque jour notre newsletter !