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Film Sacré-Cœur : réponse à la critique d’Ophélie Arcilla-Borraz Yoshida dans La Croix

Sacré-Cœur de Jésus entouré d’anges, vers 1775 – Jose de (Joseph) Paez, Musée Soumaya, Mexico. - DR
Sacré-Cœur de Jésus entouré d’anges, vers 1775 – Jose de (Joseph) Paez, Musée Soumaya, Mexico. - DR
C’est une évidence, le film Sacré-Cœur n’a pas plu à La Croix. Alors, fidèle à sa nouvelle forme de « critique théologique », le quotidien a fait appel à une « théologienne », jésuite évidemment, pour démonter, au nom d’une lecture savante et soupçonneuse de la piété populaire, ce que des milliers de fidèles ont simplement reconnu comme un souffle d’amour divin

Par Robert Nontéisujé*

Ophélie Arcilla-Borraz Yoshida, doctorante aux Facultés Loyola, croit déceler dans le film une dévotion « réduite » et non conforme au magistère. En réalité, c’est sa propre lecture qui se révèle réductrice, celle d’une foi qui ne supporte plus d’être vécue.

La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, loin d’être une sensibilité marginale ou une simple émotion mystique, demeure l’un des piliers les plus profonds de la foi catholique. Elle est l’expression la plus pure du mystère de l’Incarnation et du salut. Qu’elle retrouve aujourd’hui un écho populaire, grâce notamment au film Sacré-Cœur des époux Gunnell, devrait réjouir tout croyant conscient de la crise spirituelle qui traverse le monde occidental. Pourtant, certains, comme Mme Ophélie Arcilla-Borraz Yoshida, doctorante aux Facultés Loyola, s’inquiètent d’une supposée « réduction » de cette dévotion à une expérience subjective, non conforme à la théologie trinitaire et au Magistère. Cette critique, bien que cultivée, repose sur un malentendu théologique fondamental.

La première erreur consiste à prétendre que la dévotion au Sacré-Cœur serait « réductrice » si elle ne manifeste pas explicitement la structure trinitaire. Mais le Christ est Lui-même la porte du mystère trinitaire, « Nul ne vient au Père que par moi » (Jn 14,6). Adorer le Cœur de Jésus, c’est déjà adorer le Verbe incarné, Fils du Père, animé par l’Esprit Saint. La contemplation du Cœur du Christ conduit nécessairement à l’amour du Père et à la vie de l’Esprit, car c’est dans ce Cœur que les trois Personnes divines se communiquent à l’humanité.Saint Jean-Paul II le rappelait : « Dans le Cœur du Christ bat le cœur même de Dieu » (Message pour le centenaire de la Consécration du genre humain au Sacré-Cœur, 1999). Cette affirmation exclut toute vision réductrice, la dévotion au Cœur du Christ est déjà, par sa nature, une entrée dans la vie trinitaire. Elle est, pour ainsi dire, le chemin le plus concret vers le mystère du Dieu vivant. En critiquant le film au motif qu’il ne « représente pas » cette perspective, on confond image et réalité théologique. Le cinéma n’est pas un traité de dogmatique, mais une médiation sensible. L’expérience des fidèles à Paray-le-Monial n’a jamais été une démonstration conceptuelle, mais une immersion dans l’amour incarné du Fils de Dieu.

La deuxième critique touche à la représentation du « cœur » de Jésus. Mme Arcilla-Borraz rappelle, à juste titre, que la dévotion ne vise pas un organe séparé de la personne du Christ. Mais c’est précisément ce que le film met en lumière, un Christ total, divin et humain, dont le cœur transpercé devient le symbole vivant de l’amour rédempteur. Depuis sainte Marguerite-Marie, l’Église n’a cessé d’enseigner que « le Cœur de Jésus est le signe et le gage de l’amour du Sauveur » (Pie XII, Haurietis aquas, 1956). Pie XII ajoutait : « Dans le culte rendu au Cœur de Jésus, c’est la personne même du Verbe incarné qui est honorée sous le signe sensible de son amour. »

L’image n’est donc pas une réduction, mais une pédagogie de l’amour divin. Elle traduit dans le langage des symboles ce que la théologie exprime dans le langage des concepts. Le film, en soulignant l’expérience mystique de sainte Marguerite-Marie, ne dévie pas du Magistère, il en fait une relecture contemporaine, fidèle à la tradition spirituelle et au message de Paray-le-Monial.

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La critique d’un déséquilibre entre la piété personnelle et la dimension communautaire passe à côté du cœur même du film. Sacré-Cœur montre une communauté unie dans la prière, la louange, la confession et la charité. Cette expérience ne nie pas la dimension ecclésiale, elle la manifeste sous une forme renouvelée. Sainte Marguerite-Marie elle-même fut envoyée par le Christ pour demander la consécration de la France et l’institution d’une fête liturgique universelle, son expérience intime avait donc une vocation éminemment publique et ecclésiale.Jean-Paul II soulignait cette articulation essentielle : « Le culte du Cœur de Jésus garde toujours sa valeur, surtout lorsqu’il nous conduit à la réparation, à la conversion et à la charité fraternelle » (Audience générale, 20 juin 1979). Le film témoigne justement de cette dimension réparatrice et missionnaire, la dévotion n’y est pas fermée sur l’émotion personnelle, mais ouverte à la transformation des cœurs et à la sanctification du monde.

Une certaine théologie contemporaine, influencée par Karl Rahner, tend à intellectualiser le mystère du Christ jusqu’à en diluer la dimension incarnée et affective. Mais l’Église ne sépare pas la raison et le cœur, elle les ordonne dans la vérité de la Révélation. La dévotion au Sacré-Cœur n’est pas un sentimentalisme naïf, c’est une théologie vécue, qui exprime de manière sensible ce que la foi professe, Dieu s’est fait homme pour aimer l’homme jusqu’à la blessure.Pie XI, dans Miserentissimus Redemptor (1928), l’exprimait avec force : « Ce culte du Sacré-Cœur est la synthèse de toute la religion et la norme d’une vie plus parfaite. » En réduisant cette dévotion à une simple « expérience », on méconnaît sa portée doctrinale, elle est une école de sainteté, de réparation et d’union à la volonté divine.

Le renouveau du culte du Sacré-Cœur, loin d’être une nostalgie ou un folklore, répond à une urgence spirituelle. Dans une époque de fragmentation, de rationalisme et d’indifférence religieuse, l’appel du Cœur de Jésus résonne comme un remède à la froideur du monde.

Le film Sacré-Cœur touche tant de fidèles parce qu’il ne propose pas une idée abstraite de Dieu, mais une rencontre personnelle avec le Christ vivant. C’est exactement ce que saint Léon XIII voulait en consacrant le genre humain au Sacré-Cœur : « Ce culte est le moyen le plus efficace pour ramener les hommes au Christ et à l’amour de Dieu » (Annum Sacrum, 1899).Hier vendredi 31 octobre , le pape Léon XIV a rappelé que « le Cœur de Jésus reste la source de toute mission, parce qu’il est le lieu de la miséricorde et de la vérité ». Cette continuité doctrinale est la meilleure réponse à ceux qui opposent expérience et théologie, dans le christianisme, l’expérience de l’amour du Christ est la porte d’entrée de la connaissance de Dieu.

Le film Sacré-Cœur n’appauvrit pas la dévotion, il la rend à sa vérité la plus originelle, la foi vécue comme rencontre, conversion et offrande. L’Église n’a jamais craint les élans du cœur quand ils sont ordonnés à la vérité du Christ. C’est au contraire lorsque la théologie se coupe de la vie spirituelle qu’elle devient stérile.Le Cœur de Jésus n’est pas un thème sentimental, il est le centre de la Révélation. C’est là que se rejoignent la Trinité, l’Incarnation et la Rédemption. C’est là que les saints ont puisé leur force. C’est là encore que le monde moderne, blessé et inquiet, peut retrouver la paix.

  • Pseudo d’un Docteur en théologie

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