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[ FOCUS] Vers l’éradication des chrétiens en Turquie

« Nous existons et en même temps nous n’existons pas »

A une semaine d’élections importantes en Turquie ( Le 14 mai ) , arrêtons-nous sur la situation des Chrétiens dans ce pays.Il y a une véritable volonté politique en Turquie d’éradiquer les chrétiens, bien qu’ils soient présents dans cette région depuis bien avant l’arrivée des Turcs.

Cette région est l’un des berceaux du christianisme, comme en témoignent les nombreux sites archéologiques et édifices religieux, tels qu’Antioche-sur-l’Oronte, premier siège apostolique établi par Saint Pierre, Tarse, ville natale de Saint Paul, et Éphèse, où la Vierge Marie a séjourné après la Pentecôte et où s’est déroulé en 431 le troisième concile œcuménique. Les six premiers conciles de l’histoire de l’Église ont eu lieu en Anatolie, à Nicée (325 et 787), Constantinople (381 et 680) et Chalcédoine (451), où les premières définitions dogmatiques ont été fixées, en particulier celles concernant la Trinité et la christologie. L’Asie Mineure est également la terre d’origine de nombreux Pères et docteurs de l’Église, tels que les saints Grégoire de Nazianze, Grégoire de Nysse et Irénée, et saint Basile de Césarée y a organisé un monachisme florissant, notamment en Cappadoce. Des martyrs, tels que Saint Polycarpe, évêque de Smyrne, ont offert leur vie par fidélité à Jésus-Christ. Enfin, les sept Églises du livre de l’Apocalypse sont situées en Anatolie.

Cependant, la présence chrétienne en Turquie est aujourd’hui extrêmement réduite. Selon le chercheur Joseph Yacoub, elle ne représente plus que moins de 0,2% de la population totale, soit environ 100 000 personnes sur 84 millions d’habitants. Le statut des communautés chrétiennes est généralement présenté comme fixé par le traité de Lausanne de 1923, acte international de reconnaissance de la Turquie post-ottomane. Ce document garantit aux minorités « non-musulmanes » qualifiées de « protégées » « l’égalité devant la loi et le même traitement que celui qui s’applique aux ressortissants musulmans en matière de droits civils, politiques, culturels et religieux », ainsi que la protection des églises, synagogues, cimetières et autres établissements religieux des minorités non-musulmanes et assure que toutes facilités et autorisations seront données aux fondations pieuses et aux établissements religieux et charitables des minorités.


Les « Occidentaux » (latins et protestants), au nombre de 25 000, ne peuvent justifier leur présence en Turquie que par les lettres que le gouvernement turc a adressées aux autorités françaises, italiennes et britanniques lors du traité de Lausanne, garantissant le maintien de leurs œuvres éducatives et hospitalières fondées par des missionnaires européens plusieurs siècles auparavant. Toutefois, privés de toute personnalité juridique, ils ne sont plus que des gestionnaires de ces œuvres et ne peuvent ni acquérir de biens immobiliers, ni employer du personnel, ni ester en justice. Pour ces actes, ils doivent recourir à des fidèles laïcs agissant en leur nom propre.

La dernière église construite en Turquie a été Saint-Antoine à Istanbul en 1906, sous le règne du sultan-calife Abdülhamid II. Il n’y a d’ailleurs aucune église à Ankara, la capitale du pays. Dans certains sanctuaires (Saint-Paul à Tarse, la Maison de Marie à Éphèse) transformés en musées payants sous Atatürk, la célébration de messes est soumise à autorisation de l’administration. En 2011 et 2013, deux anciennes églises grecques-orthodoxes dédiées à sainte Sophie, l’une à Trébizonde, l’autre à Nicée, qui avaient été converties en mosquées sous les Ottomans puis en musées sous Atatürk, ont été rouvertes au culte musulman.

« Nous existons et en même temps nous n’existons pas »

, constatait Mgr Luigi Padovese, vicaire apostolique d’Alexandrette, en 2010 peu avant son assassinat. Aucune des démarches entreprises par les papes depuis l’établissement de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la Turquie en 1960 n’a permis de réparer ces injustices. Dans un contexte où l’islamisme se conjugue avec le nationalisme exacerbé, il n’est pas surprenant que cela ait conduit au développement d’un climat anti-chrétien, qui s’est manifesté par une série d’humiliations, de pillages, d’agressions et d’assassinats, y compris contre des prêtres et des pasteurs, durant la première décennie du XXIe siècle.

Source La Nef.

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