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François et la Doctrine sociale de l’Église : l’oubli d’un trésor ?

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Douze ans de pontificat, deux encycliques sociales, mais une question lancinante demeure : la Doctrine sociale de l’Église a-t-elle été éclipsée sous François ?


Si les thèmes de l’écologie et de l’inclusion ont dominé, beaucoup s’interrogent sur la perte de repères philosophiques et théologiques qui soutenaient jusqu’alors l’engagement des catholiques dans la cité.
Le pontificat du pape François restera, à n’en pas douter, l’un des plus singuliers de l’histoire contemporaine de l’Église. Inlassable défenseur des pauvres, voix forte contre les injustices économiques et chantre d’une écologie intégrale, François a marqué son époque. Pourtant, un constat s’impose aujourd’hui chez de nombreux observateurs : la Doctrine sociale de l’Église, longtemps pilier de la présence catholique dans le monde, semble avoir été reléguée à l’arrière-plan.

La critique ne porte pas tant sur le silence du pape que sur le changement de langage et de fondement. Là où ses prédécesseurs, de Léon XIII à Benoît XVI, articulaient les enseignements sociaux à partir d’un cadre philosophique enraciné dans la nature humaine et ouvert à la grâce, François a préféré une approche plus existentielle et immédiate, souvent détachée des principes du droit naturel.

Ainsi, si Laudato si’ et Fratelli tutti sont reconnues comme les deux grandes encycliques sociales du pontificat, elles s’éloignent du corpus classique de la Doctrine sociale. La première, centrée sur la crise écologique, intègre volontiers les diagnostics du monde scientifique et les appels à une conversion écologique. Mais elle le fait en empruntant parfois les accents de l’écologie politique contemporaine, au point de susciter dans certaines conférences épiscopales un « zèle vert » parfois peu discerné. La seconde, Fratelli tutti, appelle à la fraternité universelle, mais sans s’appuyer sur les fondements classiques de la nature humaine créée et rachetée : la fraternité y devient plus une expérience partagée qu’un appel fondé sur une réalité anthropologique et théologique.

Surtout, plusieurs voix soulignent l’effacement, dans les textes récents, des principes non négociables (vie, famille, liberté religieuse) pourtant chers à Jean-Paul II et Benoît XVI. La place centrale de la famille, cellule de base de la société, semble s’être estompée derrière des approches plus ouvertes, comme la reconnaissance implicite de certaines unions civiles ou la bénédiction de couples de même sexe dans certains contextes. Ces choix, en rupture avec la cohérence classique de la Doctrine sociale, ont suscité une réelle perplexité chez de nombreux fidèles.

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Ce changement de paradigme n’est pas sans conséquences : là où la Doctrine sociale proposait une boussole claire pour guider les catholiques dans l’action sociale et politique, le discours actuel invite plutôt au discernement individuel, à l’écoute, à l’accompagnement. Mais sans fondements solides, ce discernement se retrouve souvent désarmé face aux grands débats contemporains, qu’il s’agisse de la bioéthique, de la justice sociale ou de la souveraineté nationale.

Il ne s’agit pas de nier les intentions du pape François, ni son souci sincère d’une Église proche des blessés de la vie. Mais en mettant de côté certains fondements traditionnels, il a fragilisé ce que la Doctrine sociale avait patiemment construit : une vision intégrale de l’homme et de la société, capable d’unir foi, raison et action.

À l’heure du conclave, alors que l’Église s’interroge sur sa mission dans un monde en mutation, nombreux sont ceux qui appellent de leurs vœux un retour à une Doctrine sociale enracinée, audacieuse et prophétique. Non pas pour revenir au passé, mais pour retrouver ce lien vital entre l’Évangile et la cité.

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