L’affaire des abus sexuels commis au sein de Notre-Dame-de-Bétharram, établissement catholique des Pyrénées-Atlantiques, prend un nouveau tournant. Alors que François Bayrou, actuel Premier ministre, assure n’avoir « jamais été informé de quoi que ce soit » concernant ces violences, un ancien juge d’instruction, Christian Mirande, affirme le contraire. Selon lui, l’homme politique aurait été averti dès 1998.
L’établissement Notre-Dame-de-Bétharram, situé près de Pau, est sous le feu des projecteurs depuis l’ouverture, en février 2024, d’une enquête sur des violences physiques et sexuelles commises principalement entre les années 1970 et 1990. Le procureur de la République de Pau a recensé 112 plaintes, impliquant 22 adultes, dont des prêtres et surveillants, ainsi qu’un mineur au moment des faits.
L’enquête révèle l’existence d’un « système profondément enraciné », selon les mots d’Alain Esquerre, ancien élève devenu porte-parole des victimes. Ces violences, longtemps ignorées ou minimisées, auraient pu être stoppées si des signalements avaient été pris en compte plus tôt.
Dans un témoignage accordé à BFMTV, Christian Mirande, ancien juge d’instruction, revient sur une conversation qu’il aurait eue avec François Bayrou en 1998, alors que ce dernier était député et président du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques.
« Il n’arrivait pas à le croire », affirme le magistrat, décrivant la réaction de François Bayrou lorsqu’il lui aurait fait part des accusations d’abus à Notre-Dame-de-Bétharram et de l’existence d’une instruction en cours.L’ancien juge précise également que François Bayrou avait un lien personnel avec l’établissement : « Il était inquiet parce qu’il avait l’un de ses enfants qui était élève à Bétharram. »
Selon lui, ces révélations n’auraient pas dû être une surprise pour le futur Premier ministre, car « tout le monde en parlait, les journaux locaux… Il n’a rien appris en venant me voir qui n’ait été publié auparavant dans les médias. »
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Face aux accusations, François Bayrou a maintenu sa ligne de défense. Devant l’Assemblée nationale, le 11 février, il a déclaré : « Je n’ai jamais été informé de quoi que ce soit de violences ou de violences a fortiori sexuelles. »Le lendemain, il a réaffirmé sa position : « Jamais je n’ai été, à cette époque, averti (…) des faits qui ont donné lieu à des plaintes ou à des signalements. » Il a également dénoncé « des polémiques artificielles », annonçant son intention de porter plainte pour diffamation contre ceux qui remettent en cause sa parole.
Cependant, les documents publiés par Mediapart viennent semer le doute. Le journal d’investigation a dévoilé un courrier envoyé en mars 2024 par une victime des années 1950, resté sans réponse. Plus troublant encore, une photo d’archive de 1998 semble contredire les affirmations du Premier ministre.L’opposition, notamment La France Insoumise (LFI) et le Parti socialiste (PS), exige des explications. Paul Vannier, député LFI, a accusé François Bayrou de « mensonge » et a appelé à sa démission.
De son côté, la congrégation du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram s’est engagée à accompagner les victimes et à faire toute la lumière sur ces événements. Le père Jean-Dominique Delgue, vicaire général de la congrégation, a réaffirmé le soutien de l’institution envers les personnes ayant subi ces violences.
Alain Esquerre, porte-parole des victimes, rappelle que ces violences étaient connues de tous à l’époque, dans un climat de « surdité » et d’omerta et croit à la version de Francois Bayrou. Cependant, Il regrette l’absence de mesures fortes de la part du gouvernement et souligne l’urgence d’un engagement politique pour soutenir la justice et les victimes. Pendant ce temps, l’opposition de gauche met en cause François Bayrou pour non-dénonciation, exige des explications sur l’inaction des autorités et demande l’ouverture d’une commission d’enquête. L’affaire Bétharram ne cesse d’alimenter les tensions politiques et soulève des questions cruciales sur la gestion des violences dans les établissements sous contrat avec l’État.
L’affaire de Notre-Dame-de-Bétharram met donc en lumière les responsabilités politiques et ecclésiales dans la gestion des abus sexuels dans les institutions catholiques. Alors que la pression s’intensifie sur François Bayrou, la question demeure : était-il informé et, si oui, pourquoi n’a-t-il pas agi ?