Le 9 juillet 2025, le Dicastère pour la Doctrine de la foi a rendu publique une décision importante concernant les événements spirituels survenus à Litmanová, en Slovaquie. Par une lettre adressée à Monseigneur Jonáš Maxim, archevêque gréco-catholique de Prešov, le cardinal Víctor Manuel Fernández a accordé un nihil obstat à la dévotion liée aux présumées apparitions mariales sur la montagne Zvir, tout en précisant que cette reconnaissance n’implique pas l’authenticité surnaturelle des événements.
Les faits remontent au 5 août 1990, lorsque deux fillettes, Iveta Korčáková (11 ans) et Katarína Češelková (12 ans), accompagnées de Mitko (9 ans), affirment avoir vu une « belle Dame » vêtue de blanc alors qu’elles se réfugiaient dans un fenil après avoir entendu des bruits mystérieux dans la forêt. Elles se mettent spontanément à prier : « Marie, notre Mère, cache-nous sous ton manteau », prière qu’elles disent ne jamais avoir apprise. La Dame, identifiée ensuite comme la Vierge Marie sous le nom de « Pureté Immaculée », les aurait accompagnées lors de leur descente vers le village. Arrivées au pied d’un grand crucifix, elle se serait agenouillée et signée.Les apparitions auraient duré jusqu’au 6 août 1995, jour du cinquième anniversaire, devant plus de 100 000 pèlerins. Durant ces années, les jeunes voyantes ont transmis de nombreux messages : appels à la conversion, à la prière du rosaire, au jeûne et à la confiance en Dieu. Le message du 2 décembre 1990 encourageait à boire l’eau de la montagne, prier le rosaire en entier et jeûner deux jours par semaine. Le 30 décembre 1990, la Vierge aurait demandé de faire frapper une médaille avec des symboles de pureté et l’invocation à la « Pureté Immaculée ».
Le dernier message, transmis le 6 août 1995 par Ivetka, fut solennel :
« Mes chers enfants ! Cette apparition ici est la dernière. […] Je reste présente sur cette montagne. […] Restez dans mon cœur pour ce temps, car vous devez être plus simples et vigilants. Un temps vient, il est déjà là. »
Lire aussi
Le site de Zvir a connu plusieurs phénomènes spectaculaires, notamment des « miracles du soleil » observés à plusieurs reprises par des milliers de pèlerins. Le 25 novembre 1990, lors de la bénédiction d’une grande croix, les fidèles virent le soleil tourner, changer de couleur, s’assombrir puis briller de nouveau. D’autres témoignages évoquent des images de croix, d’hosties ou de calices apparaissant dans des bouteilles d’eau.Le feu vert donné par Rome s’inscrit dans le cadre des nouvelles normes publiées en mai 2024, qui permettent une reconnaissance pastorale sans trancher sur le surnaturel. Le cardinal Fernández précise toutefois que certains messages, comme celui affirmant que toute maladie vient du péché ou qu’un peuple entier serait damné, « ne peuvent être considérés comme acceptables ». Il les qualifie d’« expressions limitées et confuses d’une expérience intérieure ».
Malgré cela, le Dicastère note que les fruits spirituels observés à Litmanová depuis plus de trente ans justifient l’approbation du culte public. La montagne de Zvir, déjà sanctuarisée de fait par la prière des fidèles, devient ainsi un lieu de pèlerinage reconnu par l’Église.
INTEGRALITE DU TEXTE DU DICASTÈRE POUR LA DOCTRINE DE LA FOI
3Considérations sur l’expérience spirituelle sur le Mont Zvir (Litmanová)
« Laisse Jésus te libérer »
À Son Excellence Révérendissime
Mgr Jonáš Maxim, M.S.U,
Archevêque de Prešov
pour les catholiques de rite byzantin
Cher frère,
Vous nous avez expliqué que, dans le cadre de la dévotion mariale suscitée par les présumées apparitions de la Vierge Marie à Litmanová – entre 1990 et 1995 – « les confessions sincères et profondes en ce lieu sont innombrables et les conversions ne manquent pas non plus ». Vous avez également déclaré qu’au fil des ans le lieu s’est développé en raison de l’augmentation du nombre de pèlerins (votre lettre du 5 février 2025). Vous avez également exprimé que vous appréciez « les nombreux fruits spirituels obtenus par les pèlerins qui ne cessent de fréquenter le lieu, bien que les ‘apparitions’ aient pris fin il y a 30 ans », et vous avez proposé le jugement de nihil obstat « pour accompagner pastoralement le phénomène en question » (votre lettre du 27 mai 2025).
L’analyse des présumés messages nous permet de saisir de précieux appels à la conversion, assortis d’une promesse de bonheur et de liberté intérieure, comme œuvre du Christ en nos cœurs :
« Laissez Jésus vous libérer. Laissez Jésus vous rendre libres. Et ne permettez pas que votre Ennemi limite votre liberté pour laquelle Jésus a versé tant de sang. Une âme libre est une âme d’enfant » (5 décembre 1993).
La Sainte Vierge elle-même, pleine de grâce, se présente comme heureuse : « Je suis heureuse » (5 décembre 1993). Et elle le répète comme une invitation à trouver le vrai chemin du bonheur qui commence par la reconnaissance de l’amour inconditionnel :
« Je vous aime comme vous êtes. […] Je vous aime ! Je vous aime ! Je veux que vous soyez heureux, mais ce monde ne vous rendra jamais heureux » (7 août 1994).
Les invitations dans les différents messages essaient d’encourager les personnes en leur montrant que le chemin de l’Évangile n’est pas compliqué. Au contraire, il rend la vie plus simple, comme lorsque, dans le silence du cœur, le Christ nous fait renaître et simplifie notre existence :
« Je voudrais vous demander, en tant que Mère, de commencer à vivre de manière simple, à penser de manière simple et à agir de manière simple. Cherchez le silence pour que l’Esprit du Christ puisse renaître en vous » (5 juin 1994). « Il veut toujours que vous soyez plus simples » (8 mars 1992).
Mais cette simplicité ne doit pas être confondue avec la superficialité, car la simplicité du chemin évangélique nous conduit aux profondeurs de la vie et aux richesses inépuisables de l’amour divin :
« Chers enfants, vous vivez les choses très superficiellement et justement parce que vous n’allez pas en profondeur, vous ne pouvez pas expérimenter la paix et la joie » (4 juin 1995).
En trouvant la joie et la paix dans le Seigneur, nous devenons nous-mêmes « paix » pour les autres : « que vous deveniez vous-mêmes paix » (9 juillet 1995), « pour pouvoir ensuite répandre la paix » (6 septembre 1992). Cet appel au vrai bonheur, conséquence du fait de se savoir aimé de Dieu, réapparaît comme un chemin d’évangélisation :
« Sois heureux parce que Dieu t’aime et que, pour Lui, tu es très important, et transmets cette joie aux autres afin qu’ils croient, eux aussi, par ta joie, que Dieu nous aime » (9 octobre 1994).
L’expression « pour Lui, tu es très important » nous aide à comprendre comment la lumière de l’amour divin nous fait reconnaître notre dignité. À un autre moment, la Vierge dit : « Quand je vous regarde, je vois Dieu en chacun de vous. Vous êtes un grand reflet de Dieu » (9 juillet 1995). L’invitation à accepter l’amour de Dieu est constant : « Ne t’oppose jamais à la grâce de ton Seigneur qui t’aime follement » (8 août 1993).
Cela implique aussi un appel à s’engager pleinement dans un chemin de réponse à l’initiative du Seigneur. En premier lieu, il convient d’accueillir librement l’amour du Seigneur : « Accepte les grâces qui sont préparées aujourd’hui pour toi » (8 août 1993). Ensuite, il faut entamer un chemin de transformation : « Au nom du Dieu Saint, je vous le demande : changez vos vies, donnez vos anciennes vies à mon cœur et commencez à apprendre de mon Fils » (5 septembre 1993). En fin de compte, il s’agit d’imiter le Christ qui se donne par amour : « Jésus s’est sacrifié pour le peuple, pour que les personnes ne se sacrifient pas elles-mêmes comme Jésus l’a fait il y a tant d’années [ ? ] Les personnes ont beaucoup de choses, tout ce qu’elles veulent, et elles s’entretueraient juste pour en avoir encore plus. Jésus lui-même nous a enseigné que nous devons nous aimer les uns les autres et nous pardonner » (18 novembre 1990).
Aimer nos frères devient la synthèse de notre réponse et de notre accomplissement :
« Je me réjouis immensément pour chacun de vos sacrifices offerts par amour pour les autres […] La mission de chacun de vous est d’aimer, parce que la vie est faite pour cela et parce que seul l’amour peut donner plénitude à vos vies » (5 février 1995).
En même temps, nous trouvons dans ces présumés messages quelques ambiguïtés et quelques aspects peu clairs, mais ce fait doit être discerné en tenant compte de ce que la Commission doctrinale a bien expliqué, dans son rapport du 20 avril 2011 : « Les [présumés voyants] témoignent qu’au cours d’une rencontre Marie leur a donné un message [qu’ils] ont ensuite interprété publiquement » et que « la communication a eu lieu à travers un mode interne particulier », que la destinataire « n’a même pas su nommer et donc l’expression verbale finale des messages est une [stylisation] et une interprétation de la [voyante] ». En effet, lorsqu’on lui a demandé dans quelle langue elle communiquait avec la Vierge, Ivetka a répondu : « Nous n’utilisons aucune langue lorsque nous parlons » (8 août 1993).
Ce fait permet d’accepter la valeur générale des présumés messages, tout en exigeant des éclaircissements pour certains d’entre eux (peu nombreux), comme le message faisant référence à la possibilité qu’une personne concrète ne soit pas pardonnée ou que, dans une région du monde, presque toutes les personnes soient damnées (24 février 1991), ou que « la cause de toute maladie est le péché » (2 décembre 1990), qui ne peuvent pas être considérés comme acceptables et donc pas adaptés pour être publiés. Mais, à supposer qu’ils ne soient que l’expression limitée et confuse d’une expérience intérieure, ils pourraient être correctement compris s’ils étaient placés dans le contexte général des autres messages : si trouver l’amour du Christ nous rend heureux, se fermer à son amour ruine notre existence, en fait un échec et une source de souffrance.
Ces considérations permettent au Dicastère pour la Doctrine de la Foi d’accepter votre proposition de procéder à la déclaration de nihil obstat concernant la dévotion mariale née sur le Mont Zvir. Cette déclaration, bien qu’elle n’implique pas la reconnaissance de l’authenticité surnaturelle des présumées apparitions, nous permet néanmoins d’approuver le culte public et d’informer les fidèles que, s’ils le souhaitent, ils peuvent s’approcher sans risque de cette proposition spirituelle, outre le fait que les contenus fondamentaux des présumés messages peuvent être utiles pour vivre l’Évangile du Christ. En même temps, nous confions à Votre Excellence la publication d’un recueil des messages qui exclue les quelques affirmations qui peuvent prêter à confusion et troubler la foi des simples.
Avec beaucoup d’affection et de reconnaissance dans le Seigneur et la Très Sainte Vierge Marie,
Víctor Manuel Card. Fernández
Préfet«