À l’occasion de la solennité de la Toussaint et du Jubilé du monde éducatif, le pape Léon XIV a proclamé saint John Henry Newman “Docteur de l’Église” et co-patron du monde éducatif, aux côtés de saint Thomas d’Aquin. Dans une homélie donnée place Saint-Pierre, le Saint-Père a rappelé la vocation chrétienne de l’éducation et réaffirmé la primauté du Christ, “Maître par excellence”, au cœur de toute recherche de vérité.Dans une homélie dense, le Saint-Père a articulé trois axes : la vocation de l’éducation à être un lieu de lumière, la centralité du Christ comme unique maître, et la dignité de chaque personne comme sujet de connaissance et de sainteté.La phrase centrale du discours – « De la même manière, le Seigneur Jésus n’est pas un maître parmi tant d’autres, il est le Maître par excellence » – résume toute la perspective chrétienne de l’éducation.
En plaçant le Christ au cœur de l’acte d’enseigner, le pape Léon XIV rappelle que la vérité ne se transmet pas seulement par la raison, mais par la vie. Les Béatitudes, commente-t-il, ne sont pas « un enseignement parmi d’autres : elles sont l’enseignement par excellence ». C’est là que se fonde l’idée d’une éducation chrétienne authentique : apprendre à vivre selon la logique du Royaume, à reconnaître dans les pauvres, les artisans de paix ou les persécutés des maîtres d’humanité. Cette vision s’oppose implicitement à la tentation relativiste de notre époque, où l’éducation se réduit souvent à une accumulation de compétences dépourvues de sens moral ou spirituel.
Le pape Léon XIV a longuement médité sur l’hymne de Newman Lead, Kindly Light – « Guide-moi, douce lumière » –, qu’il relie à la mission de l’école et de l’université. L’éducation, explique-t-il, doit offrir cette lumière douce « à ceux qui, sans cela, pourraient rester prisonniers des ombres du pessimisme et de la peur ». Dans un monde marqué par la désorientation morale et l’incertitude, le Saint-Père invite les éducateurs à « désarmer les fausses raisons de la résignation » et à faire circuler « les grandes raisons de l’espérance ». Il rejoint ici la conviction profonde de Newman selon laquelle toute connaissance, pour être vraie, doit s’ouvrir à la lumière de la foi. Dans un contexte culturel dominé par ce que Léon XIV appelle « le nihilisme, mal le plus dangereux de la culture contemporaine », l’éducation chrétienne devient un acte prophétique.
Reprenant une méditation célèbre de saint John Henry Newman – « Dieu m’a créé pour lui rendre un service précis… J’ai une mission » –, le pape souligne que chaque être humain est appelé à une vocation unique. L’éducation, dès lors, n’est pas un processus anonyme de formation d’élites, mais un accompagnement personnalisé vers la découverte de soi devant Dieu. « La vie ne s’illumine pas parce que nous sommes riches, beaux ou puissants », rappelle-t-il, « mais lorsque nous découvrons en nous cette vérité : je suis appelé par Dieu, j’ai une mission ». Dans cette perspective, les institutions éducatives doivent résister à la logique utilitariste de l’économie moderne pour redevenir des lieux où la personne prime sur la performance.Le pape Léon XIV a également rappelé que l’éducation est appelée à faire resplendir la dignité de tous, en particulier des plus faibles, selon la vision évangélique du Royaume. Citant le Livre de l’Apocalypse, il a invité les éducateurs à reconnaître dans la multitude humaine « ceux qui viennent de la grande tribulation », c’est-à-dire tous ceux dont la dignité est méconnue ou blessée. « Les faibles n’ont-ils pas la même dignité que nous ? », interroge-t-il, ajoutant que la réponse donnée à cette question « détermine la valeur de nos sociétés et donc notre avenir ».
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Enfin, Léon XIV a relié cette vision à l’appel universel à la sainteté. Citant Benoît XVI, il rappelle que « ce que Dieu désire plus que tout pour chacun de vous, c’est que vous deveniez saints ». Pour le pape actuel, l’éducation chrétienne n’a pas d’autre finalité : « aider chacun à devenir saint ».
Cette conception donne à la vocation éducative une dimension transcendante et communautaire : former des personnes capables de vérité, de charité et de service, « afin qu’elles brillent comme des étoiles dans le monde ».Le Saint-Père a donc cité saint Augustin, que Newman affectionnait particulièrement : « Nous sommes des compagnons d’étude qui n’avons qu’un seul Maître, dont l’école est sur terre et la chaire au ciel ». En plaçant l’éducation sous le patronage conjoint de saint Thomas d’Aquin et de saint John Henry Newman, le pape Léon XIV inscrit son pontificat dans une tradition intellectuelle exigeante, mais pleinement orientée vers la sanctification de l’esprit et du cœur.
« Les Béatitudes, toutefois, ne sont pas un enseignement parmi d’autres : elles sont l’enseignement par excellence. De la même manière, le Seigneur Jésus n’est pas un maître parmi tant d’autres, il est le Maître par excellence. Plus encore, il est l’Éducateur par excellence. Nous, ses disciples, nous sommes à son école, en apprenant à découvrir dans sa vie, c’est-à-dire dans le chemin qu’il a parcouru, un horizon de sens capable d’illuminer toutes les formes de connaissance. Puissent nos écoles et nos universités être toujours des lieux d’écoute et de pratique de l’Évangile ! »
Souhaitant que les éducateurs soient des « étoiles dans le monde », Léon XIV ancre l’acte d’enseigner dans une mission spirituelle : témoigner que toute vraie connaissance mène à la Lumière, et que cette Lumière a un nom – Jésus-Christ.
MESSE ET PROCLAMATION À « DOCTEUR DE L’ÉGLISE » DE SAINT JOHN HENRY NEWMAN
HOMÉLIE DU PAPE LÉON XIV
Place Saint-Pierre
Solennité de la Toussaint – Samedi 1er novembre 2025
« En cette solennité de la Toussaint, c’est une grande joie d’inscrire saint John Henry Newman parmi les docteurs de l’Église et, en même temps, à l’occasion du Jubilé du monde éducatif, de le nommer co-patron, avec saint Thomas d’Aquin, de tous ceux qui participent au processus éducatif. L’imposante stature culturelle et spirituelle de Newman servira d’inspiration aux nouvelles générations au cœur assoiffé d’infini, disposées à réaliser, par la recherche et la connaissance, ce voyage qui, comme le disaient les anciens, nous fait passer per aspera ad astra, c’est-à-dire à travers les difficultés jusqu’aux étoiles.
La vie des saints nous témoigne, en effet, qu’il est possible de vivre avec passion au milieu de la complexité du présent, sans laisser de côté le mandat apostolique : « Brillez comme des étoiles dans le monde » (Phil 2, 15). En cette occasion solennelle, je souhaite répéter aux éducateurs et aux institutions éducatives : « Brillez aujourd’hui comme des étoiles dans le monde », grâce à l’authenticité de votre engagement dans la recherche commune de la vérité, dans son partage cohérent et généreux à travers le service aux jeunes, en particulier aux pauvres, et dans l’expérience quotidienne que « l’amour chrétien est prophétique ; il accomplit des miracles » (cf. Exhort. apost. Dilexi te, 120).
Le Jubilé est un pèlerinage dans l’espérance et vous tous, dans le vaste domaine de l’éducation, vous savez bien à quel point l’espérance est une semence indispensable ! Quand je pense aux écoles et aux universités, je les considère comme des laboratoires de prophétie, où l’espérance est vécue, continuellement racontée et reproposée.
C’est aussi le sens de l’Évangile des Béatitudes proclamé aujourd’hui. Les Béatitudes apportent une nouvelle interprétation de la réalité. Elles sont le chemin et le message de Jésus éducateur. À première vue, il semble impossible de déclarer bienheureux les pauvres, ceux qui ont faim et soif de justice, les persécutés ou les artisans de paix. Mais ce qui semble inconcevable dans la grammaire du monde prend tout son sens et toute sa lumière dans la proximité du Royaume de Dieu. Chez les saints, nous voyons ce royaume s’approcher et se réaliser parmi nous. Saint Matthieu présente à juste titre les Béatitudes comme un enseignement, représentant Jésus comme un Maître qui transmet une nouvelle vision des choses et dont la perspective coïncide avec son cheminement. Les Béatitudes, toutefois, ne sont pas un enseignement parmi d’autres : elles sont l’enseignement par excellence. De la même manière, le Seigneur Jésus n’est pas un maître parmi tant d’autres, il est le Maître par excellence. Plus encore, il est l’Éducateur par excellence. Nous, ses disciples, nous sommes à son école, en apprenant à découvrir dans sa vie, c’est-à-dire dans le chemin qu’il a parcouru, un horizon de sens capable d’illuminer toutes les formes de connaissance. Puissent nos écoles et nos universités être toujours des lieux d’écoute et de pratique de l’Évangile !
Les défis actuels parfois semblent dépasser nos capacités, mais ce n’est pas le cas. Ne permettons pas au pessimisme de nous vaincre ! Je me souviens de ce que mon bien-aimé prédécesseur, le pape François, a souligné dans son discours à la Première Assemblée plénière du Dicastère pour la Culture et l’Éducation : c’est à dire que nous devons travailler ensemble pour libérer l’humanité de l’obscurité du nihilisme qui l’entoure, lequel est sans doute le mal le plus dangereux de la culture contemporaine, car il menace « de faire disparaître » l’espérance [1]. La référence à l’obscurité qui nous entoure nous renvoie à l’un des textes les plus connus de Saint John Henry, l’hymne Lead, kindly light (« Guide-moi, douce lumière »). Dans cette très belle prière, nous nous rendons compte que nous sommes loin de la maison, que nos pas sont chancelants, que nous ne parvenons pas à distinguer clairement l’horizon. Mais rien de tout cela ne nous arrête parce que nous avons trouvé le Guide : « Guide-moi, douce Lumière, dans les ténèbres qui m’enveloppent, Guides moi encore ! – Lead, kindly Light. The night is dark and I am far from home. Lead Thou me on! ».
C’est le rôle de l’éducation d’offrir cette Douce Lumière à ceux qui, sans cela, pourraient rester prisonniers des ombres particulièrement insidieuses du pessimisme et de la peur. C’est pourquoi je voudrais vous dire : désarmons les fausses raisons de la résignation et de l’impuissance, et faisons circuler dans le monde contemporain les grandes raisons de l’espérance. Contemplons et indiquons les constellations qui transmettent lumière et repères dans ce présent obscurci par tant d’injustices et d’incertitudes. C’est pourquoi je vous encourage à faire des écoles, des universités et de toutes les réalités éducatives, y compris informelles et de terrain, autant de seuils d’une civilisation de dialogue et de paix. À travers vos vies, laissez transparaître cette « multitude immense », dont nous parle aujourd’hui dans la liturgie le Livre de l’Apocalypse, une multitude « que personne ne pouvait compter, de toutes nations, tribus, peuples et langues », et qui « se tenait debout devant l’Agneau » (7,9).
Dans le texte biblique, un ancien, observant la multitude, demande : « Ceux-ci, […] qui sont-ils et d’où viennent-ils ? » (Ap 7,13). À ce propos, dans le domaine éducatif, le regard chrétien se pose également sur « ceux qui viennent de la grande tribulation » (v. 14) et y reconnaît les visages de tant de frères et sœurs de toutes langues et de toutes cultures qui, par la porte étroite de Jésus, sont entrés dans la vie en plénitude. Alors, une fois encore, nous devons nous demander : « les moins pourvus ne sont-ils pas des personnes humaines ? Les faibles n’ont-ils pas la même dignité que nous ? Ceux qui sont nés avec moins de possibilités ont-ils moins de valeur en tant qu’êtres humains, doivent-ils se contenter de survivre ? La réponse que nous apportons à ces questions détermine la valeur de nos sociétés et donc notre avenir. » (Exhort. apost. Dilexi te, 95). Et ajoutons que la qualité évangélique de notre éducation dépend également de cette réponse.
Parmi les héritages durables de saint John Henry, on trouve, à ce propos, quelques contributions très significatives à la théorie et à la pratique de l’éducation. « Dieu, écrivait-il, m’a créé pour lui rendre un service précis. Il m’a confié une tâche qu’il n’a confiée à personne d’autre. J’ai une mission : peut-être ne la connaîtrai-je pas dans cette vie, mais elle me sera révélée dans la prochaine » (Meditations and Devotions, III, I, 2). Ces mots expriment magnifiquement le mystère de la dignité de chaque personne humaine et celui de la diversité des dons distribués par Dieu.
La vie ne s’illumine pas parce que nous sommes riches, beaux ou puissants. Elle s’illumine lorsque nous découvrons en nous cette vérité : je suis appelé par Dieu, j’ai une vocation, j’ai une mission, ma vie sert à quelque chose de plus grand que moi ! Chaque créature a un rôle à jouer. La contribution que chacun a à offrir est unique, et la tâche des communautés éducatives est d’encourager et de valoriser cette contribution. N’oublions pas : au centre des parcours éducatifs, il ne doit pas y avoir des individus abstraits, mais des personnes en chair et en os, en particulier celles qui semblent ne pas être en mesure de rendre, selon les paramètres d’une économie qui exclut et tue. Nous sommes appelés à former des personnes, afin qu’elles brillent comme des étoiles dans leur pleine dignité.
Nous pouvons donc dire que l’éducation, dans la perspective chrétienne, aide chacun à devenir saint. Rien de moins. Lors de son voyage apostolique en Grande-Bretagne en septembre 2010, au cours duquel il a béatifié John Henry Newman, le Pape Benoît XVI a invité les jeunes à devenir saints en ces termes : « Ce que Dieu désire plus que tout pour chacun d’entre vous, c’est que vous deveniez saints. Il vous aime bien plus que vous ne pouvez l’imaginer et il veut le meilleur pour vous [2] ». C’est l’appel universel à la sainteté que le Concile Vatican II a inscrit comme élément essentiel de son message (cf. Lumen gentium, chap. V). Et la sainteté est proposée à tous, sans exception, comme un cheminement personnel et communautaire tracé par les Béatitudes.
Je prie pour que l’éducation catholique aide chacun à découvrir sa vocation à la sainteté. Saint Augustin, que saint John Henry Newman appréciait tant, a dit un jour que nous sommes des compagnons d’étude qui n’avons qu’un seul Maître, dont l’école est sur terre et la chaire au ciel (cf. Sermon 292,1).
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[1] François, Discours aux participants à la première Assemblée plénière du Dicastère pour la Culture et l’Éducation (21 novembre 2024).
[2] Benoît XVI, Discours aux élèves, Twickenham – Royaume-Uni, 17 septembre 2010. » Source Vatican


