À peine vingt-sept jours après sa nomination, Sébastien Lecornu a présenté sa démission de Matignon. Cet épisode, le plus bref de la Ve République, dépasse la simple actualité politique : il révèle la crise morale d’une société qui a perdu le sens du service et de la cohérence intérieure. Dans ce contexte, les paroles récentes du pape Léon XIV adressées aux élus politiques français reçus en audience résonnent comme un avertissement. Dans son discours du 28 août 2025, le pape Léon XIV a rappelé avec une grande clarté que « le christianisme ne peut se réduire à une simple dévotion privée, car il implique une manière de vivre en société empreinte d’amour de Dieu et du prochain ».
Ce rappel est essentiel : la foi chrétienne n’est pas une opinion intime mais une lumière qui éclaire la vie publique. En refusant de laisser Dieu orienter ses choix, la politique s’enferme dans une logique d’efficacité sans horizon, où l’homme devient son propre centre. La crise politique française, plus morale que gouvernementale, en est le symptôme évident.
Le Saint-Père a longuement insisté sur la vocation sociale et politique de la charité, citant le Compendium de la Doctrine sociale de l’Église : « La charité devient charité sociale et politique : elle nous fait aimer le bien commun et conduit à chercher efficacement le bien de tous. » Cette phrase résume la mission du responsable public selon l’Évangile. Gouverner, c’est servir. Ce service suppose un enracinement dans le bien commun, et non dans l’intérêt partisan. Le pape Léon XIV explique encore : « Le responsable chrétien est fort de la vertu de Charité qui l’habite depuis son baptême. Celle-ci est un don de Dieu, une force capable de susciter de nouvelles voies pour affronter les problèmes du monde d’aujourd’hui. »
À la lumière de ces paroles, la succession rapide des gouvernements et la démission de Sébastien Lecornu révèlent un vide spirituel : l’absence de cette charité politique qui seule donne sens et stabilité à la vie publique.
Le pape Léon XIV a également évoqué les pressions idéologiques et partisanes auxquelles les responsables publics sont soumis, et il a invité à un courage enraciné dans la foi : « Il leur faut du courage : le courage de dire parfois “non, je ne peux pas !” lorsque la vérité est en jeu. » Ce passage rejoint les débats politiques actuels : sans une conscience droite et formée, le pouvoir se plie à la logique des intérêts ou des sondages. Le Saint-Père met en garde contre cette faiblesse morale et rappelle que seule l’union au Christ donne la force de résister : « Il ne faut donc pas s’étonner que la promotion de “valeurs”, pour évangéliques qu’elles soient, mais “vidées” du Christ qui en est l’auteur, soient impuissantes à changer le monde. » Ces mots trouvent un écho frappant dans la vie politique française, souvent enfermée dans un discours de “valeurs” abstraites, coupées de leur source spirituelle.
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Enfin, le pape Léon XIV a livré ce passage d’une force rare, qui devrait être gravé dans la conscience de tout élu :
« Il n’y a pas de séparation dans la personnalité d’une personne publique : il n’y a pas d’un côté l’homme politique, de l’autre le chrétien. Mais il y a l’homme politique qui, sous le regard de Dieu et de sa conscience, vit chrétiennement ses engagements et ses responsabilités ! »
Cette unité intérieure est la clé d’une politique véritablement humaine. Lorsque le responsable public sépare sa foi de son action, il se divise lui-même et fragilise la société tout entière. Le pape rappelle que la doctrine sociale de l’Église « est en accord avec la nature humaine, la loi naturelle que tous peuvent reconnaître, même les non croyants ». L’engagement politique n’est donc pas réservé aux croyants, mais il trouve dans la foi une lumière qui éclaire toute raison. La France, héritière d’une tradition chrétienne séculaire, a certainement besoin de retrouver cette cohérence morale et spirituelle pour espérer une véritable stabilité.
Dans sa conclusion, Léon XIV appelait les élus à persévérer dans la foi, à ne pas craindre de témoigner, à garder l’espérance : « Gardez la certitude qu’unis au Christ, vos efforts porteront du fruit et obtiendront leur récompense. » Face aux crises politiques successives, cette parole sonne comme une promesse : la vraie réforme commence dans le cœur de l’homme. La France, si elle veut se relever, doit d’abord retrouver le sens du service, du courage et de la vérité.
Discours intégral du pape Léon XIV
À une délégation d’élus et de personnalités civiles du Val-de-Marne (Diocèse de Créteil)
Salle du Consistoire — Jeudi 28 août 2025
« Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. La paix soit avec vous !
I’m sure many of you speak English, no ? I am going to attempt to speak French counting on your benevolence !
Je salue bien cordialement Son Excellence Monseigneur Dominique Blanchet, et je souhaite la bienvenue à vous tous, élus et personnalités civiles du Diocèse de Créteil, en pèlerinage à Rome.
Je suis heureux de vous accueillir dans votre démarche de foi : vous retournerez à vos engagements quotidiens fortifiés dans l’espérance, mieux affermis pour œuvrer à la construction d’un monde plus juste, plus humain, plus fraternel, qui ne peut être rien d’autre qu’un monde davantage imprégné de l’Évangile. Devant les dérives de toutes sortes que connaissent nos sociétés occidentales, nous ne pouvons pas mieux faire, en tant que chrétiens, que de nous tourner vers le Christ et demander son secours dans l’exercice de nos responsabilités.
C’est pourquoi votre démarche, plus qu’un simple enrichissement personnel, est d’une grande importance et d’une grande utilité pour les hommes et les femmes que vous servez. Et elle est d’autant plus méritoire qu’il n’est pas facile en France, pour un élu, en raison d’une laïcité parfois mal comprise, d’agir et de décider en cohérence avec sa foi dans l’exercice de responsabilités publiques.
Le salut que Jésus a obtenu par sa mort et sa résurrection englobe toutes les dimensions de la vie humaine telles que la culture, l’économie et le travail, la famille et le mariage, le respect de la dignité humaine et de la vie, la santé, en passant par la communication, l’éducation et la politique. Le christianisme ne peut se réduire à une simple dévotion privée, car il implique une manière de vivre en société empreinte d’amour de Dieu et du prochain qui, dans le Christ, n’est plus un ennemi mais un frère.
Votre région, lieu de vos engagements, est affrontée à de grandes questions de société comme la violence dans certains quartiers, l’insécurité, la précarité, les réseaux de drogue, le chômage, la disparition de la convivialité… Pour y faire face, le responsable chrétien est fort de la vertu de Charité qui l’habite depuis son baptême. Celle-ci est un don de Dieu, une « force capable de susciter de nouvelles voies pour affronter les problèmes du monde d’aujourd’hui et pour renouveler profondément de l’intérieur les structures, les organisations sociales, les normes juridiques. Dans cette perspective, la charité devient charité sociale et politique : elle nous fait aimer le bien commun et conduit à chercher efficacement le bien de tous » (Compendium de la Doctrine sociale de l’Église, n. 207). Voilà pourquoi le responsable chrétien est mieux préparé pour affronter les défis du monde présent, dans la mesure, bien sûr, où il vit et témoigne de sa foi agissante en lui, de sa relation personnelle au Christ qui l’éclaire et lui donne cette force. Jésus l’a affirmé avec vigueur : « En dehors de moi vous ne pourrez rien faire ! » (Jn 15, 5) ; il ne faut donc pas s’étonner que la promotion de “valeurs”, pour évangéliques qu’elles soient, mais “vidées” du Christ qui en est l’auteur, soient impuissantes à changer le monde.
Alors, Monseigneur Blanchet me demandait des conseils à vous adresser. Le premier – et le seul – que je vous donnerai est celui de vous unir de plus en plus à Jésus, d’en vivre et d’en témoigner. Il n’y a pas de séparation dans la personnalité d’une personne publique : il n’y a pas d’un côté l’homme politique, de l’autre le chrétien. Mais il y a l’homme politique qui, sous le regard de Dieu et de sa conscience, vit chrétiennement ses engagements et ses responsabilités !
Vous êtes donc appelés à vous fortifier dans la foi, à approfondir la doctrine – en particulier la doctrine sociale – que Jésus a enseignée au monde, et à la mettre en œuvre dans l’exercice de vos charges et dans la rédaction des lois. Ses fondements sont foncièrement en accord avec la nature humaine, la loi naturelle que tous peuvent reconnaître, même les non chrétiens, même les non croyants. Il ne faut donc pas craindre de la proposer et de la défendre avec conviction : elle est une doctrine de salut qui vise le bien de tout être humain, l’édification de sociétés pacifiques, harmonieuses, prospères et réconciliées.
J’ai bien conscience que l’engagement ouvertement chrétien d’un responsable public n’est pas facile, particulièrement dans certaines sociétés occidentales où le Christ et son Église sont marginalisés, souvent ignorés, parfois ridiculisés. Je n’ignore pas non plus les pressions, les consignes de parti, les “colonisations idéologiques” – pour reprendre une heureuse expression du Pape François –, auxquelles les hommes politiques sont soumis. Il leur faut du courage : le courage de dire parfois “non, je ne peux pas !”, lorsque la vérité est en jeu. Là encore, seule l’union avec Jésus – Jésus crucifié ! – vous donnera ce courage de souffrir pour son nom. Il l’a dit à ses disciples : « Dans le monde, vous aurez à souffrir, mais gardez courage ! J’ai vaincu le monde » (Jn 16, 33).
Chers amis, je vous remercie de votre visite et je vous assure de mes plus sincères encouragements pour la poursuite de vos activités au service de vos compatriotes. Gardez l’espérance d’un monde meilleur ; gardez la certitude qu’unis au Christ, vos efforts porteront du fruit et obtiendront leur récompense. Je vous confie, ainsi que votre pays, à la protection de Notre-Dame de l’Assomption, et je vous donne de grand cœur la Bénédiction Apostolique. »
Source Vatican