Depuis 2000 ans

La finance éthique de l’Église : un pas en avant ou le leurre d’une nouvelle religion ?

Crédit image Boursorama - DR
Crédit image Boursorama - DR
N'idéalisons pas cette finance éthique, dont de nombreux acteurs, écologistes opportunistes et pas vraiment amoureux de la Création, font de l'écologie une nouvelle religion qui sape sournoisement les valeurs chrétiennes.

Le 27 janvier, La Croix nous informe que le Collège des Bernardins a lancé l’Institut des hautes études de finance religieuse, destiné à former les responsables ecclésiaux aux investissements financiers conformes à la doctrine sociale de l’Église. Cette initiative semble marquer un tournant dans la manière dont l’Église aborde ses placements financiers, avec la volonté d’allier rentabilité et éthique. Toutefois, derrière cette démarche louable se cache une question essentielle : la finance dite « éthique » est-elle réellement éthique, ou ne s’agit-il que d’un déguisement pour masquer des pratiques douteuses ?

Selon une étude de 2022 réalisée par la Saïd Business School de l’Université d’Oxford, la finance islamique représente entre 4000 et 5000 milliards d’euros, incluant les pétrodollars et les fonds souverains des Émirats arabes, les plus influents financièrement. Le « capital chrétien », qui englobe les diocèses, congrégations et institutions chrétiennes, est estimé entre 1800 et 2000 milliards d’euros, l’enjeu est donc de taille…

De son coté Jean-Baptiste de Franssu, président du conseil collégial du Collège des Bernardins, explique que l’Institut des hautes études de finance religieuse (IHEFR) vise à former les responsables ecclésiaux à intégrer la doctrine sociale de l’Église dans la gestion de leurs investissements. Il souligne l’importance de la formation pour guider les décisions financières et éthiques des chrétiens, tout en rappelant leur rôle potentiel dans la transformation économique et sociale. Selon lui, une telle approche permet de rendre l’investissement chrétien responsable et aligné avec les valeurs de l’Église.

L’initiative du Collège des Bernardins survient alors que l’Église, à l’échelle mondiale, réfléchit de manière plus formalisée sur l’investissement responsable ou eco-responsable. Cependant, les récents scandales liés à la finance éthique, comme l’illustrent les révélations concernant les lobbies environnementalistes financés par l’Union européenne pour soutenir l’agenda du Green Deal, montrent qu’il existe souvent une dissonance entre les objectifs éthiques affichés et les réalités économiques.

Des exemples d’ »arnaques vertes » bien réelles

La finance éthique et verte est parfois un prétexte pour des pratiques trompeuses. Prenons l’exemple des Green Bonds (obligations vertes), des instruments financiers censés financer des projets écologiques. Cependant, plusieurs études ont révélé que des fonds levés par ces obligations ont été mal utilisés, finançant des projets qui ne respectaient pas les critères environnementaux définis. En 2018, une entreprise de gestion d’actifs a été accusée d’avoir levé des fonds pour des projets énergétiques qui ne respectaient pas les engagements environnementaux affichés. Une illustration parfaite de l’utilisation d’un label « vert » qui ne garantit en rien un réel impact écologique.

Autre exemple notoire : le scandale de Volkswagen et du dieselgate. L’entreprise, tout en se présentant comme un acteur vert et responsable sur le marché automobile, a falsifié les tests d’émissions de ses véhicules. Ce mensonge a été découvert après que des investisseurs, séduits par l’image écologique de la marque, ont vu leur confiance trahie. Encore une fois, une façade éthique utilisée à des fins commerciales, et qui a fait payer aux consommateurs et à l’environnement un prix bien plus lourd que celui initialement annoncé.

Enfin, comme le révèle l’enquête du De Telegraaf, la Commission européenne a financé des lobbies environnementalistes pour faire pression sur les législateurs et promouvoir l’agenda du Green Deal. Ces groupes ont influencé des décisions législatives sous prétexte de défendre l’environnement, mais ont utilisé des fonds publics pour servir des intérêts privés, au détriment de secteurs comme l’agriculture. Cet exemple met en lumière la manière dont des initiatives « vertes » peuvent être manipulées à des fins politiques et économiques, tout en dissimulant des dérives et des conflits d’intérêts.

La finance éthique, un camouflage pour des pratiques douteuses ?

Ces exemples montrent qu’il est crucial de ne pas accepter la finance éthique ou verte sans un examen rigoureux des impacts réels. Si les investissements dits éthiques peuvent sembler séduisants, ils ne garantissent pas nécessairement un respect des valeurs chrétiennes de transparence, de justice sociale et de solidarité. Le danger est que sous un label « vert », des pratiques de manipulation financière, de profit à court terme et de corruption peuvent se cacher, sapant ainsi les idéaux affichés.

Ainsi, l’Église, en cherchant à s’engager dans la finance éthique, doit faire preuve d’une grande vigilance. Les labels ESG ou ISR, bien qu’utiles, ne doivent pas être des critères suffisants pour justifier un investissement. Il est essentiel que l’Église veille à ce que ses placements respectent non seulement des critères environnementaux et sociaux, mais aussi le caractère sacré de la vie,le bien commun et la doctrine sociale de l’Eglise , en rejetant fermement les pratiques douteuses qui se cachent parfois sous la façade de la finance « éthique ». La véritable éthique ne doit pas se limiter à des critères superficiels, mais être guidée par une réflexion profonde sur les conséquences réelles des investissements.

Lire aussi

L’Eglise et la finance Ethique

L’Église souligne que l’économie et la finance doivent servir le bien-être de l’homme et respecter la dignité de chaque individu, en particulier des plus vulnérables. Elle critique fermement la spéculation excessive, l’exploitation des ressources naturelles sans considération pour les générations futures, et l’individualisme dans la gestion des biens. En ce sens, la finance éthique, qui cherche à aligner les investissements avec des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), trouve un écho dans la pensée chrétienne.

Toutefois, l’Église met en garde contre une vision simpliste ou utilitariste de cette éthique, soulignant que l’adhésion à des principes éthiques ne doit pas seulement se limiter à des labels ou à des critères financiers, mais doit être guidée par une vision plus large du bien commun, où la justice sociale et la préservation de la création occupent une place centrale. Ainsi, la finance éthique doit être un outil au service de la justice et de la fraternité, dans le respect des valeurs chrétiennes de solidarité, d’équité et de responsabilité envers l’environnement.

La revendication du « tout éthique » dans la finance peut parfois dissimuler des idéologies qui ne sont pas en accord avec la doctrine de l’Église et qui sont plus nuisibles que certains mauvais investissements. En effet, derrière des labels éthiques et des engagements pour un monde plus responsable, certains acteurs peuvent promouvoir des idéologies qui ne respectent pas véritablement les principes du bien commun, de la dignité humaine et de la solidarité, au cœur de l’enseignement chrétien.

L’éthique, dans ce contexte, peut être instrumentalisée pour justifier des choix financiers qui ne prennent pas en compte les véritables enjeux sociaux et environnementaux, voire qui servent des intérêts privés sous couvert de responsabilité. Par exemple, des investissements dits « responsables » peuvent parfois se concentrer davantage sur des objectifs de rentabilité à court terme ou de lobbying pour des politiques favorisant des groupes puissants, plutôt que de répondre aux besoins réels des populations vulnérables.

Ainsi, la finance éthique ne doit pas être un simple outil de marketing ou un prétexte pour promouvoir des intérêts idéologiques, mais un véritable moyen de contribuer à un monde plus juste et plus solidaire, conformément aux valeurs chrétiennes.

L’Eglise et l’écologie

Le concept d’écologie humaine nous est connu depuis quelques années dans la littérature théologique puisque le pape Jean-Paul II en a fait une référence importante quand il parle de l’écologie à partir des années 1990, en particulier dans Centesimus Annus.L’Église a adopté l’écologie intégrale comme une réponse aux crises contemporaines, affirmant que l’être humain doit comprendre et respecter quatre relations fondamentales : sa relation à Dieu, aux autres, à soi-même, et aux créatures non humaines.

L’Église ne considère pas l’écologie seulement comme une crise, mais comme une transition écologique globale, nécessitant des adaptations profondes.Cet aspect souligne la responsabilité humaine dans la gestion de la nature, un défi reconnu par le pape François. Toutefois, des idéologies écologiques radicales comme le biocentrisme ou l’écocentrisme, parfois en opposition avec les valeurs chrétiennes, réorientent la discussion.

Le pape, dans Laudato Si, critique ces visions extrêmes et appelle à un équilibre, en se basant sur la dignité humaine et la place du chrétien dans la Création. Les réponses chrétiennes, inspirées par la théologie de saint François d’Assise et la spiritualité orthodoxe, cherchent à restaurer l’harmonie entre l’homme et la nature, soulignant que la dignité humaine doit guider l’action écologique.

Alors, n’idéalisons pas cette finance éthique, ces vrais-faux labels verts dont de nombreux acteurs, écologistes opportunistes et pas vraiment amoureux de la Création, fabriquent une nouvelle religion qui sape sournoisement les valeurs chrétiennes.

Recevez chaque jour notre newsletter !