Le 12 mars dernier, la Papouasie-Nouvelle-Guinée a franchi un pas historique en adoptant un amendement constitutionnel déclarant officiellement le pays comme une nation chrétienne. Cette décision, saluée par de nombreux citoyens et responsables politiques, suscite cependant certaines inquiétudes au sein de la communauté catholique, qui se demande si cette mesure pourra véritablement répondre aux défis sociaux du pays. Pourtant, au-delà des réserves, cette annonce marque un tournant dans l’engagement de la nation envers ses valeurs chrétiennes, offrant des perspectives intéressantes pour son avenir.
La Papouasie-Nouvelle-Guinée, un pays où plus de 90 % des 11,8 millions d’habitants se déclare chrétienne, fait aujourd’hui le choix d’officialiser cette identité dans sa constitution. Un geste symbolique puissant, qui renforce l’ancrage de la foi chrétienne dans la vie publique et institutionnelle du pays. Ce mouvement, qui trouve écho dans les aspirations d’une population en demande de progrès moral et social, représente un message fort : la foi chrétienne est au cœur du projet national.
Par 80 voix contre 4, le parlement a donc voté la modification du préambule de la Constitution du pays :
« [Nous, le peuple de Papouasie-Nouvelle-Guinée] reconnaissons et déclarons Dieu, le Père, Jésus-Christ, le Fils, et le Saint-Esprit, comme notre Créateur et le soutien de l’univers tout entier et la source de nos pouvoirs et autorités, délégués au peuple et à toutes les personnes relevant de la juridiction géographique de la Papouasie-Nouvelle-Guinée »
la Bible est désormais reconnue comme symbole national officiel et le Premier ministre James Marape, fervent défenseur de cette réforme, voit en elle un levier pour transformer la Papouasie-Nouvelle-Guinée en la « nation chrétienne noire la plus riche de la planète ».
Cette vision ambitieuse d’un pays où la prospérité s’accompagne de valeurs chrétiennes est perçue positivement par une partie de la population, notamment ceux qui croient que la foi peut contribuer à une société plus juste et plus prospère. Pour James Marape, il ne s’agit pas seulement d’une déclaration religieuse, mais d’un projet sociétal global visant à allier foi et progrès. Avec un PIB estimé à 23,6 milliards de dollars en 2022,l’économie reste vulnérable soumise aux fluctuations des prix des matières premières. Malgré ses ressources abondantes, le pays est confronté à de graves défis socio-économiques. Environ 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, et la corruption demeure un problème majeur.
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Cette réforme n’est donc pas sans susciter des réserves. Les leaders catholiques du pays, bien que majoritairement en accord avec l’idée d’un pays chrétien, jugent cette déclaration quelque peu superflue. Le Père Miguel de La Kale, qui a assisté le Pape François lors de sa visite à Vanimo en septembre dernier, déclare que la Papouasie-Nouvelle-Guinée est déjà chrétienne par sa culture et son histoire. Il ajoute que l’on n’a pas besoin d’un amendement constitutionnel pour en faire la preuve. Pour lui, la foi chrétienne fait déjà partie intégrante de la mentalité nationale, et cette déclaration n’ajoute rien de substantiel.
Les évêques du pays partagent cette inquiétude, soulignant que cette réforme pourrait nourrir une vision sectaire et divisive. Ils expriment également des craintes concernant la marginalisation des minorités religieuses, notamment les petites communautés qui ne se reconnaissent pas dans le christianisme majoritaire. Il est également souligné que les problèmes réels de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, tels que la corruption et l’inégalité sociale, nécessitent des solutions concrètes, bien au-delà de ce type de déclaration symbolique.Au-delà de ces critiques, il est indéniable que cette déclaration constitue un premier pas important vers une société plus moralement consciente. Le simple fait d’officialiser la foi chrétienne dans la constitution est un acte de reconnaissance de l’importance de la religion dans la vie publique et dans le processus de gouvernance. Mais il est essentiel de ne pas se laisser berner par la seule symbolique de cette réforme : la véritable transformation du pays passe par une gouvernance éclairée et une mise en œuvre sérieuse des réformes nécessaires à la lutte contre la corruption et à la réduction des inégalités.
La véritable réussite de cet engagement dépendra de la capacité du pays à intégrer ces valeurs dans des actions concrètes pour le bien-être de tous ses citoyens. Les papous, porteurs de cet héritage chrétien, devront veiller à ce que la véritable transformation s’opère, en plaçant la dignité humaine et la solidarité au cœur de leur avenir.