À Tribune Chrétienne, il est connu que nous ne sommes pas des « fans absolus » du pape François. Mais en tant que successeur de Pierre, nous reconnaissons son autorité morale et spirituelle. Et si son pontificat de treize ans a été, sur le plan doctrinal, jalonné d’errances préoccupantes, sa mort n’en demeure pas moins celle du Saint-Père. À ce titre, la France, fille aînée de l’Église, ne peut ignorer son départ sans renier ce qu’elle est.
Le 21 avril 2025, le pape François rend son dernier souffle. En quelques heures, les grandes figures politiques du monde entier expriment leur tristesse. À Toulouse, le maire Jean-Luc Moudenc décide, comme d’autres maires de France, de mettre les drapeaux de l’hôtel de ville en berne et d’éteindre la façade du Capitole. Il annonce également l’ouverture d’un registre de condoléances à disposition des Toulousains. Un geste simple, digne, profondément républicain. Et pourtant, une frange de la gauche municipale crie au scandale.
Le chef de file écologiste Régis Godec s’insurge : « c’est contraire aux principes de laïcité […] Le Capitole est un bâtiment public, c’est l’hôtel de ville et doit rester neutre. » Une déclaration qui n’a rien de nouveau : elle réactive une vieille rhétorique, déjà entendue vingt ans plus tôt, lors de la mort de Jean-Paul II.
Un air de déjà-vu : retour sur 2005
En avril 2005, la France rendait hommage au pape Jean-Paul II. Le président Jacques Chirac avait ordonné la mise en berne des drapeaux français. Immédiatement, des élus de gauche, accompagnés de quelques centristes, dénonçaient un soi-disant « abus de pouvoir ». Le sénateur Jean-Luc Mélenchon parlait d’un « engrenage », appelant à « une laïcité sans ombre ». François Bayrou, alors président de l’UDF, affirmait : « Je n’aurais certainement pas pris une telle décision ».Le gouvernement Raffarin avait pourtant rappelé que ce geste s’inscrivait dans le cadre des usages républicains : le drapeau peut être mis en berne à la mort d’un chef d’État, surtout si ce dernier incarne des valeurs universelles. Ce fut le cas pour Jean-Paul II, comme ce le fut pour Ronald Reagan, la reine Élisabeth II ou encore les victimes des attentats du 11 septembre 2001.
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Aujourd’hui, le même débat absurde ressurgit, comme si la République devait systématiquement s’excuser d’avoir une mémoire, une culture, une histoire. Pourtant, comme le rappelait le maire de Toulouse dans un communiqué sobre et respectueux :
« Le pape François s’engagea pour une Église plus proche des plus vulnérables […]. Son départ nous invite à poursuivre ce chemin de solidarité. »
Le pape est un chef d’État souverain, et la France entretient avec le Saint-Siège des relations diplomatiques officielles. À ce titre, l’abaissement du drapeau tricolore n’a rien d’un geste religieux. C’est un hommage protocolaire, républicain, diplomatique.
Mais au-delà de cette fonction, François fut une voix morale mondiale. Son pontificat a été marqué par l’attention aux plus pauvres, la défense de la Création, la recherche de la paix, le dialogue avec les autres religions. Qu’on soit ou non en accord avec toutes ses positions, nul ne peut nier qu’il a porté une voix humaine et fraternelle dans un monde fracturé.À Lourdes, comme partout dans le monde, des messes sont célébrées pour lui. Le 26 avril, les obsèques pontificales auront lieu à Rome. D’ici là, les drapeaux du Capitole resteront en berne et la façade s’éteindra à nouveau ce jour-là.
La laïcité n’est pas l’amnésie
Ceux qui s’insurgent oublient ce que signifie réellement la laïcité. Ce principe n’a jamais été une croisade contre la religion, mais un cadre d’équilibre entre les convictions. Il ne s’agit pas d’effacer les croyances, mais de les respecter toutes. Et ce respect inclut celui de l’histoire chrétienne de notre pays, de ses figures majeures, de ses symboles.Refuser la mise en berne pour le pape François, c’est ne pas comprendre que la République n’est pas née d’un vide, mais d’un héritage. Héritage dont l’Église catholique est l’un des piliers, qu’on le veuille ou non.
Il ne s’agit pas ici d’adorer un pape, mais d’honorer un homme qui a marqué son époque, et dont la France, fille aînée de l’Église, ne peut faire semblant d’ignorer l’importance. Le drapeau abaissé ne dit pas : « Je crois ». Il dit : « Je me souviens. »