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La Sainte Vierge dans la Constitution corse : quand à Corte, la foi catholique est devenue le fondement de la nation corse

Vue de Corte où la constitution Corse fut proclamée en 1735 - DR
Vue de Corte où la constitution Corse fut proclamée en 1735 - DR
« Aujourd’hui, samedi 30 janvier 1735, sous l’invocation de la Très Sainte Trinité, du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie… »

En Corse, la foi catholique n’est pas une simple « tradition culturelle » : elle fait partie de l’âme du peuple au même titre que la beauté de ses montagnes ou la force de son vent. Dans l’île, la religion ne se vit pas comme un simple « héritage culturel  » mais comme une respiration.Depuis des siècles elle imprègne la langue, les chants, les gestes et jusqu’à la mémoire politique d’un peuple qui s’est voulu libre sous le regard de Dieu et le 8 décembre prochain, alors que le monde catholique célébrera la fête de l’Immaculée Conception, la Corse fêtera A Festa di a Nazione ( la fête de la nation ). Une date vécue peut-être plus intensément ici que nulle part ailleurs, car elle unit foi, identité et liberté dans un même élan. Ce jour-là, le peuple corse se souviendra que son indépendance fut proclamée en 1735, non dans la révolte ou la vengeance, mais dans une prière.C’est à Corte, capitale historique de l’île, que fut promulguée la première Constitution corse, rédigée par l’avocat Sébastien Costa et adoptée le 30 janvier 1735 par la Cunsulta d’Orezza. Ce texte fondateur, d’une portée politique et spirituelle inédite, débute par une invocation religieuse d’une intensité rare :

« Aujourd’hui, samedi 30 janvier 1735, sous l’invocation de la Très Sainte Trinité, du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie… »

L’article premier scelle la vocation spirituelle de la Corse : « Il est décidé que doit être choisie, et nous choisissons, pour protectrice de la Patrie et du Royaume tout entier, l’Immaculée Conception de la Vierge Marie. » Ce texte, proclamé à Corte, fit de la foi catholique la pierre angulaire du destin national corse. L’image de l’Immaculée devait figurer sur les armoiries et les drapeaux, et la fête du 8 décembre, jour de l’Immaculée Conception, devint fête nationale. C’était une alliance entre la terre et le Ciel, entre le peuple et sa protectrice.Bien avant que le pape Pie IX ne définisse le dogme de l’Immaculée Conception, la Corse l’avait déjà gravé dans son droit. Comme le note l’historienne Marie-Thérèse Avon-Soletti, cette ferveur s’expliquait par la forte influence des franciscains, dont la prédication avait enraciné la dévotion mariale dans les consciences. Mais au-delà du contexte religieux, cette Constitution exprimait une vérité plus vaste : en Corse, la foi ne se séparait pas de la vie publique, elle en était la lumière.

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Le chant Dio vi salvi Regina, devenu hymne national, illustrait cette unité entre la foi et la patrie. La liberté n’était pas conçue contre Dieu, mais avec Lui. Et c’est cette fidélité à la transcendance qui confère encore aujourd’hui à la Corse son visage spirituel si singulier.

Dans ce contexte, on comprend pourquoi le récent scandale d’une laïcité qui outrepasse ses droits a profondément révolté de nombreux Corses. Car comment un peuple qui plaça sa Constitution sous la protection de la Vierge Marie pourrait-il accepter que la croix, signe de cette même foi, soit bannie de son paysage ? L’affaire de Quasquara, petit village de Corse-du-Sud, en est une illustration frappante. Le 10 octobre dernier, le tribunal administratif de Bastia a ordonné le retrait d’une croix érigée en 2022 à l’entrée du village, jugeant qu’elle contrevenait au principe de neutralité religieuse sur le domaine public. À l’origine de la plainte, une habitante invoquant la loi de 1905.Mais la réaction fut immédiate et unanime : banderoles sur les façades, messes de soutien, déclaration ferme du maire refusant de céder à ce qu’il a appelé « une laïcité dévoyée qui efface notre culture ». À Quasquara, la croix n’est pas un symbole d’exclusion, mais un signe de fidélité à l’histoire et à la foi d’un peuple. « Ici, la croix, c’est la mémoire de nos anciens, c’est notre repère », confie un habitant.

Ce que d’aucuns voient comme une entorse au droit, les Corses le perçoivent comme un acte de continuité spirituelle. La croix de Quasquara n’est pas un défi à la République, mais un rappel du lien ancien entre la foi et l’identité. Elle s’inscrit dans la même logique que la Constitution de Corte : celle d’une nation qui a toujours reconnu que la liberté sans Dieu devient vite vide de sens.Ainsi, du 30 janvier 1735 au 10 octobre 2025, un fil invisible relie Corte à Quasquara. D’un côté, la naissance d’une nation sous le regard de la Vierge Marie ; de l’autre, la résistance d’un village refusant qu’on lui arrache son symbole de foi. Trois siècles ont passé, mais la même conviction demeure : la Corse ne renonce pas à son âme.

Et peut-être est-ce là sa véritable grandeur, d’avoir compris avant les autres que la beauté d’un peuple ne réside pas seulement dans sa terre, mais dans sa fidélité à ce qui la dépasse :que la Mère Immaculée garde encore la Corse, son peuple et sa foi.

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