Le cardinal Gerhard Müller, prédécesseur du cardinal Fernández au sein de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a répondu aux questions du magazine américain First Things, il dénonce la Déclaration sortie du Dicastère pour la Doctrine de la Foi le 18 décembre dernier ( Fiducia Supplicans) , portant la signature du pape François.
Le cardinal Muller affirme que cette Déclaration contredit une vérité intimement liée aux dogmes contenus dans la Révélation et nécessaire pour préserver le dépôt de la foi, et donc favorise l’hérésie. Il revendique le devoir de refuser de telles bénédictions par amour pour la foi catholique.
« En effet, bénir ces personnes en tant que couples de même sexe revient à approuver leurs unions, même si elles ne sont pas équivalentes au mariage. Il s’agit donc d’une doctrine contraire à l’enseignement de l’Église catholique, car son acceptation, même si elle n’est pas directement hérétique, conduit logiquement à l’hérésie.«
L’article de l’ancien préfet de la CDF réfute point par point la défense tentée par le cardinal Fernández le 4 janvier dernier.
Le cardinal Müller pointe d’abord du doigt la grande blessure de ce pontificat, à savoir la prétention selon laquelle la discipline peut être changée de quelque manière que ce soit, créant ainsi une nette séparation entre doctrine et pratique. Dans le cas de FS, il s’agit de l’hypothèse selon laquelle, en autorisant les bénédictions aux couples vivant maritalement ou de même sexe, la doctrine sur le mariage et la sexualité ne changerait pas.
Le prélat indique que selon le principe solide lex orandi, lex credendi (la loi de la prière est la loi de la croyance), l’enseignement catholique peut cependant finir par être contredit « dans la pratique, même si pas dans les mots ». Ce principe est clair pour quiconque connaît ne serait-ce que sommairement l’histoire de l’Église : parmi les disputes les plus ferventes des premiers siècles, on trouve celle concernant la pratique de rebaptiser ou de ne pas rebaptiser ceux qui avaient reçu le premier sacrement des mains d’hérétiques et de schismatiques ; ou encore la nécessité de baptiser les enfants. Ces « pratiques » sont clairement en étroite relation avec la doctrine.
« Il existe en effet des disciplines catholiques qui ne peuvent être modifiées sans rejeter la doctrine catholique », poursuit le cardinal, rappelant le principe présent dans la théologie de saint Thomas d’Aquin, selon lequel il est malheureusement possible d’introduire la fausseté dans les signes sacramentels, même si théoriquement on accepte la doctrine.
Le cardinal Müller aborde ensuite les piliers de la Déclaration, à savoir la distinction revendiquée entre bénédictions liturgiques et bénédictions pastorales, celle entre bénédiction de l’union et bénédiction du couple, et enfin l’affirmation selon laquelle la bénédiction s’adresserait au bien présent dans la relation, et non au désordre sexuel.
Sur le premier point, le cardinal rappelle que la nature liturgique des bénédictions ne dépend pas de la présence ou non d’un rituel, mais du fait qu’elles sont dispensées par un prêtre :
« le fait qu’un prêtre, qui représente le Christ, donne cette ‘bénédiction pastorale’ en fait un acte liturgique dans lequel l’autorité du Christ et de l’Église est en jeu ».
Ainsi, les « bénédictions pastorales » sont des bénédictions liturgiques à tous égards et il est donc nécessaire que ce qui est béni soit conforme à l’ordre de la création. « Par conséquent, étant donné l’impossibilité de distinguer entre bénédictions liturgiques et pastorales, on doit conclure que Fiducia Supplicans est doctrinalement problématique, bien qu’elle affirme verbalement la doctrine catholique.
On ne peut donc pas dire que la question est simplement pratique et dépend de la sensibilité des différentes régions. Nous sommes confrontés à une question qui touche à la fois le droit naturel et l’affirmation évangélique de la sainteté du corps, qui ne diffèrent pas entre le Malawi et l’Allemagne ».
Sur la deuxième distinction (bénédiction de l’union vs bénédiction du couple), défendue à plusieurs reprises également par le Pape, Le cardinal Müller montre qu’il s’agit d’une subtilité sophistique fumeuse :
« si l’on bénit le couple en tant que tel, c’est-à-dire en tant qu’unis par une relation sexuelle différente du mariage, alors on approuve cette union, car c’est l’union qui les constitue en tant que tels ». « Couple » dans Fiducia Supplicans n’est en aucun cas synonyme de « paire »,
en témoigne le fait que le document entend précisément traiter de la bénédiction de couples irréguliers ou de même sexe, tous deux caractérisés non pas par le fait de faire leurs courses ensemble, mais par le type de relation sexuelle qu’ils vivent, en dehors du mariage.
Pour cette raison, la troisième justification tombe également :
Le fait qu’il y ait aussi des aspects positifs dans ces couples « ne change pas le fait que le couple est béni en tant que couple uni par des relations sexuelles en dehors du mariage. En effet, ce qui continue à constituer le couple en tant que tel, c’est la relation sexuelle qui les unit.
Les autres aspects de leur vie de couple ne sont pas ce qui les constitue en tant que couple, et tous ces aspects ne parviennent pas à compenser le style de vie sexuelle qui les rend couple, comme déjà affirmé par le Responsum 2021 de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi ».
Le Cardinal conclut que Fiducia Supplicans « viole au moins le deuxième paragraphe de la Profession de foi, car, comme nous l’avons vu, bénir ces personnes en tant que couples de même sexe signifie approuver leurs unions, même si elles ne sont pas équivalentes au mariage ».