Depuis 2000 ans

Le journal La Croix démasqué : Quand la foi devient un jeu de poker avec l’Histoire

DR - poire vide

L’affaire est vieille. Le lapin a été déterré en France par Dom Prosper Guéranger O. S. B., l’ami des papes, au milieu du XIXe s. Il s’appelle le naturalisme. Pour satisfaire le public, c’est-à- dire les lecteurs croyants, le naturalisme et ses adeptes invoquent une Providence divine mais vague et lointaine.

Ce qui compte à leurs yeux, historiquement, ce sont les conditionnements les plus tangibles. Ce sont eux qu’on inventorie sans relâche sur le terrain, dans les bas-fonds, avec de nombreux moyens : interviews, statistiques, influenceurs.

Quand les résultats demeurent absents, c’est qu’il faut conscientiser le peuple chrétien pas encore éduqué, il faut le faire mûrir, le réveiller de sa léthargie. Le mieux est de retrousser les manches pour provoquer ces nouveaux conditionnements. Si l’on subit une défaite déterminante (cf. Déclaration du pape François sur CBS, 21 mai 2024) avec une porte qui se ferme, on va chercher immédiatement comment pénétrer par la fenêtre.

Or toute assemblée est par essence manipulable, et l’Église, assemblée divino-humaine par nature, conserve une bien réelle dimension humaine, fragile. Sa partie humaine demeure malléable surtout si elle n’a peu à faire comme actuellement en Algérie ou ailleurs sous le joug de l’islam.

On l’a vu dans les mémoires de dom Giuseppe Dossetti, conseiller du cardinal Giacomo Lercaro à Vatican II, comment il a réussi à faire passer certaines choses telles que la restauration du Diaconat permanent, sans le célibat antique des diacres, voulue par le cardinal Julius Döpfner, un maître progressiste. L’école de Bologne, dans la ligne de Dossetti, avec Giuseppe Alberigo (†2007) présente le Concile comme une « transition épocale » (Il Mulino, 2009), une nouvelle orientation radicale en rupture absolue.

L’Histoire du Concile Vatican II est lue de manière dialectique : une lutte entre une majorité et une minorité. Il suffirait de gommer tous les éléments traditionnels  : les ajouts relevant de l’époque de Paul VI – et on arriverait au vrai Concile  : l’inspiration débutée par Jean XXIII – en rupture avec le passé et ses 20 conciles œcuméniques précédents.

Il faudrait l’homologuer avec un futur Vatican III (B. Sesbouë s. j. †). En cas de défaite, l’essentiel est de reprendre aussitôt la lutte. L’historien Alberto Melloni adopte une vision assez proche de la précédente mais avec une idéologie anti-intellectuelle en plus.

Il se contente d’une louange exaltée prédisposant à revenir au Concile comme norme interprétative de tout discours ecclésial : que ce soit le passé, le présent, le futur (Il Mulino, 1997). Ce serait l’année zéro d’un nouveau départ dans une sorte d’involution pré-dogmatique, ein Schritt zurück (un pas en arrière). Non au dogmatisme, sur le modèle d’Emmanuel Kant ! S’il existe des arguments dogmatiques pour que les femmes ne soient pas admises au sacrement de l’Ordre, il suffirait de les gommer.

En sens inverse, le très remarquable cardinal Giacomo Biffi (†2015), dans la même ville de Bologne, notait les capacités néfastes de la puissance idéologique : « L’idéologie ne se rend jamais, quelle que soit l’évidence de la réalité effective qui la dément » (Mémoires et Digressions, 2007).

Les papes ont un courage fou à affronter toutes ces personnes outrecuidantes, à la limite de la démence. La Gaulmyna, qui se croit inspirée en toute bonne foi, écrit que « les grandes mutations viennent rarement de la tête ».

Elle pense que son parti, le bord « “progressiste” est naïf, à croire que le pape va nécessairement aller “dans le sens de l’histoire”, réformer pour suivre les évolutions de la société ». Il faut pour y arriver mettre la main à la pâte, retrousser ses manches, en bas de la hiérarchie.

Le « Comité de la Jupe » a adopté la même ambition, pas trop haut cependant pour garder contact avec les frères musulmans, et sans tomber dans l’islamo-gauchisme radical. Cette lecture horizontale de l’histoire croit donc aux limites, aux périphéries, aux petits moyens naturels de « l’aile marchante » (Sesbouë) du peuple de Dieu.

La majorité ecclésiale qui ne marche pas vers les abysses de la mondanité, mais qui s’élève, approfondit sa contemplation de la volonté de Dieu à partir de l’Écriture (cf. 2 Jn 9). Les martyrs, par exemple, croient au Christ et à l’assistance du Saint-Esprit qui repose sur eux (cf. Mc 13, 11) et sur celui qui conduit les croyants, saint Pierre et ses successeurs :

« Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église, et que les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle » (Mt 16, 18).

Le pasteur Dietrich Bonhoeffer, qu’on ne soupçonnera pas de favoriser l’Église catholique, propose en réaction à la tentation de rester aux périphéries, de « parler de Dieu non aux limites, écrit-il, mais dans la force, non donc en relation avec la mort et la faute, mais dans la vie et dans le bien de l’homme » (1944).

Riche de cette détermination, il en est mort lui-même, mais son âme a atteint, on l’espère, le Ciel ! Pour actualiser en 2024 « la faute » que dénonce Bonhoeffer, il convient de désigner la révolte du féminisme de Simone de Beauvoir (Le Deuxième sexe, 1949) dont les rhizomes profondément pénétrants se prolongent jusque dans la société contemporaine et que le puissant désherbant Bergolio ne suffit même pas à juguler.

L’appel de La Croix par la plume de la Gaulmyna promet d’âpres luttes dont l’inspiration ne peut pas venir de la parole de Dieu, mais de l’idéologie :

« Autre enjeu pour [les femmes], déconstruire le système de pouvoir. Car là réside le nœud de la résistance à l’ordination des femmes. »

À l’inverse, saint Paul exhorte à maintenir la sainte Tradition :

« Au reste, si quelqu’un se plaît à ergoter, tel n’est pas notre usage, ni celui des Églises de Dieu » (1 Co 11, 16).

Rev. Padre Rolando di Peravuota OSCO (Roma), dottore in teologia (cum habilitationsschrifft).


Recevez chaque jour notre newsletter !