Par Francesco Lepore

Certaines décisions du Pape François et notamment Traditionis custodes ou fiducia Supplicans ont contribué à accroître les mécontentements et à intensifier la division au sein de l’Église. Ces facteurs sont destinés à influencer les dynamiques du futur conclave et des congrégations des cardinaux qui le précèdent.

Les prélats, qui, se plaignant du manque de clarté et de l’approximation dans les travaux de l’assemblée synodale , considèrent désormais le rendez-vous voulu il y a près de soixante ans par Paul VI comme dénaturé dans son essence.

D’une manière ou d’une autre, le déséquilibre en faveur d’aspects secondaires, voire étrangers, au synode au détriment de ce qui en est structurel restera un fait avéré. Alimentée par l’intervention des cardinaux des Dubia et par la réponse du pape, la grande attention portée à l’assemblée “épiscopale” a duré, de ce côté-ci du Tibre, le temps d’une matinée.

La question de l’après- François continue et continuera de préoccuper. Elle est observée des deux côtés après certaines déclarations pontificales, sans pour autant que l’on doive déjà chanter le De Profundis à François.

D’autre part, c’est le même Pape François , qui à quatre-vingt-sept ans est particulièrement loquace depuis deux ans. Evoquant sa santé fluctuante, ses petits maux, les interventions chirurgicales et le désir des autres – ipse dixit – de le voir mort… Tout cela alimente et légitime, malgré lui, le tourbillon continu de conjectures, d’hypothèses, de prévisions.

Il est vrai que dans son livre-entretien avec Francesca Ambrogetti et Sergio Rubin intitulé “Vous n’êtes pas seul :Défis, réponses, espoirs”, le Pape, en répondant à la question “Quel devrait être le profil de votre successeur ?”, a éludé en disant : “Cela sera pris en charge par le Saint-Esprit” (p. 148).

Mais ce ne sont que des mots, qui sonnent aussi prudents que tardifs en réponse à ce qui a été affirmé le 4 septembre 2023 , lors du vol de retour de Mongolie :

“Les voyages au Vietnam ? Eh bien, si je n’y vais pas, alors c’est sûr qu’un JEAN XXIV ira”.

Et d’un successeur immédiat portant ce nom, le Pape en avait déjà parlé au moins trois fois :

1) en mai 2021, à un chef d’État non spécifié

2) le 27 septembre 2021, à l’évêque de Raguse, Giuseppe La Placa, qui l’avait invité dans la ville sicilienne pour le soixante-quinzième anniversaire de la fondation du diocèse

3) le 4 septembre 2022 – date de la diffusion de l’interview accordée à TVI/CNN Portugal – à la journaliste Maria João Avillez, qui lui avait demandé s’il participerait à aux JMJ de Lisbonne (à laquelle il a finalement participé en août dernier).

La plupart des commentateurs ont relégué ces déclarations à de simples boutades et y ont plutôt vu un appel ferme à l’avenir de l’Église, impensable en dehors de l’héritage du concile Vatican II voulu et convoqué par Jean XXIII. Mais ici, l’âne trébuche. Parce que dans cette ligne, même Paul VI, Jean-Paul Ier, Jean-Paul II, Benoît XVI ont toujours dit agir.

Il apparaît donc clairement que la véritable question n’est pas tant la continuité doctrinale avec les enseignements du dernier concile que l’interprétation qui en est donnée.

Si l’on tient compte ensuite des déclarations des cardinaux décédés Francesco Marchisano et Loris Capovilla, selon lesquelles l’archevêque de Buenos Aires aurait initialement voulu prendre le nom du pape Roncalli pour devenir Jean XXIV, il est bien plus que raisonnable de supposer que François , en parlant d’un tel futur pontife, fait référence et souhaite un successeur en ligne avec sa propre lecture personnelle du Vatican II et son activité réformiste.

Mais, au-delà de tout, le successeur de François sera-t-il vraiment un bergoglien, au sens d’un défenseur de sa ligne doctrinale ?

On sait qu’avec le consistoire du 30 septembre 2023 , le nombre total des membres du Sacré Collège est passé à deux cent quarante-deux – deux cent quarante et un, le 10 octobre 2023 , avec la mort du cardinal Telesphore Placidus Toppo – et que cent trente-six d’entre eux sont actuellement électeurs (le cardinal Patrick D’Rozario a en effet atteint quatre-vingts ans le 1er octobre 2023 ).

On a donc une fois de plus dépassé – nombreux sont d’ailleurs les précédents également sous Jean-Paul II et Benoît XVI – le plafond maximum bien connu, fixé à cent vingt par “Romano Pontifici eligendo” de Paul VI (1er octobre 1975). Mais avec l’achèvement progressif des quatre-vingts ans des cardinaux Sandri, Yeom Soo-jung, Zerbo, Cipriani Thorne, ce chiffre est à cent trente-deux depuis le 28 décembre 2023.

Ils sont donc respectivement sept et vingt-huit les cardinaux nommés par Wojtyła et Ratzinger, qui participeraient à un éventuel futur conclave, contre quatre-vingt-seize bergogliens.

Des chiffres qui, de toute façon, signifient peu de choses, si l’on considère que bon nombre des cardinaux créés au cours des années par François sont, à divers titres, redevables envers Jean-Paul II et Benoît XVI.

S’il est également indéniable que le Sacré Collège semble de moins en moins “eurocentrique” et plus universel, on ne peut pas non plus ne pas tenir compte du fait qu’il y a respectivement dix-neuf et vingt-trois cardinaux électeurs originaires des continents africain et asiatique ancrés dans un conservatisme doctrinal et moral.

Enfin, on ne peut passer sous silence le poids des mécontentements croissants au sein de l’Église à cause de l’aggravation de la division avec le monde conservateur et traditionaliste, auquel précisément Le Pape Francois , peut-être oubliant le précieux avertissement de Manzoni : “Avance, avec discernement”.

La question de la succession de François reste donc entière et au Vatican, des mouvements d’opposition ont commencé à se manifester sur fond d’accusations d’autoritarisme et de désaccords concernant des décisions importantes prises par le pape.

Certains observateurs notent une libération de la parole au sein de la Curie, ce qui accentue les critiques envers le pontificat de François et annonce une fin de règne très discutée…

Source et adaptation de linkiesta.it