Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz, a remis une lettre au pape François lors de leur rencontre à Rome, ce lundi 10 février, dans laquelle il propose une « rencontre pour la fraternité » entre chrétiens et musulmans d’Europe en 2025. L’objectif affiché : marquer « l’amitié » entre les deux communautés et favoriser un dialogue sous le « haut patronage » du souverain pontife.
Cette initiative s’inscrirait dans la continuité des rencontres interreligieuses initiées par Jean-Paul II à Assise en 1986 et pourrait se tenir « à Paris dès cette année 2025 ». Chems-eddine Hafiz souhaite que cette rencontre se réfère « au nom de saint Augustin, figure de convergence entre les terres d’Orient et d’Occident ». Une référence qui ne manquera pas d’interroger, tant l’évêque d’Hippone s’est surtout illustré par sa défense intransigeante de la foi chrétienne face aux hérésies et aux erreurs doctrinales de son temps.
Si l’intention semble louable, le recteur n’a pas caché son inquiétude face à ce qu’il perçoit comme une montée des « extrémismes de tous bords ». « Il nous incombe de travailler ensemble à une Europe fidèle à son héritage humaniste », a-t-il déclaré, déplorant que « la fraternité entre chrétiens et musulmans » soit « menacée par l’indifférence, la déshumanisation, la crainte de l’autre et du lendemain ».
Mais quelle fraternité réelle peut-il exister lorsque les églises européennes sont progressivement désertées, quand des pays autrefois catholiques s’islamisent sous l’effet d’une immigration massive, et quand, dans de nombreux pays musulmans, les chrétiens sont persécutés au quotidien ? La réciprocité du dialogue interreligieux est un enjeu central : on peine à imaginer une grande rencontre interconfessionnelle organisée à Riyad ou au Caire avec le même enthousiasme.
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Chems-eddine Hafiz salue néanmoins « le travail exceptionnel des catholiques et de leurs représentants » mais déplore qu’« en Occident, l’islam est perçu à travers le prisme déformant du terrorisme et de la violence », ce qui, selon lui, « alimente les discours hostiles aux musulmans, qui font face à une stigmatisation croissante ». Or, ce n’est pas la perception médiatique qui est en cause, mais bien la réalité : des attentats islamistes ont meurtri l’Europe ces dernières années, et nombre de pays occidentaux doivent composer avec une montée de l’islamisme politique et communautaire.
La question se pose donc : cet appel à la fraternité est-il un dialogue sincère ou une tentative d’imposer une lecture victimiste de la situation des musulmans en Occident, sans remettre en cause les persécutions que subissent les chrétiens dans les pays islamiques ?
Si la volonté du pape François de promouvoir la paix et le dialogue est incontestable, il serait cependant nécessaire d’aborder ces rencontres avec lucidité et vérité, en veillant à ne pas sacrifier la vérité de la foi sur l’autel d’un irénisme aveugle. L’avenir dira si cette « rencontre pour la fraternité » aboutira à un dialogue véritablement équilibré ou à une nouvelle démonstration de la soumission du catholicisme aux dogmes du vivre-ensemble.