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Photo by Ágatha Depiné

le Pape peut être considéré comme criminel s’il ne respecte pas la loi…

Dans une récente interview accordée au site Cardinalis, le Cardinal Brand Müller, président émérite du Comité pontifical des sciences historiques, aborde notamment  la question du conclave pour l’élection d’un Souverain Pontife.

Le prélat évoque également l’Église et la papauté, en tant qu’entités à la fois humaines, terrestres, transcendantes et divines, qui ne peuvent être pleinement comprises en se basant uniquement sur des catégories terrestres et humaines. Elles doivent être interprétées par analogie et évaluées selon des critères adaptés. C’est dans cette perspective qu’il faut examiner la relation entre la primauté de Rome et l’Église universelle, entre le centre et la périphérie.

Il est essentiel de reconnaître que le Pape, en tant que chef visible de l’Église, n’est pas au-dessus ni en avance sur celle-ci. Il demeure un membre de l’Église, ayant des devoirs en tant que Servus servorum, ou serviteur suprême.

Cela implique que le Pape ne peut régner en tant que monarque absolu. Ses actions sont contraintes non seulement par le ius naturale et le ius divinum révélés, mais aussi par le ius canonicum.

Le Pape n’est absolument pas au-dessus des canons.

Cardinal Brandmüller

Ses actions sont limitées lorsqu’il s’agit du “generalis status ecclesiae”, qui est le fondement de la doctrine et de la constitution de l’Église. C’est le standard pour toute législation ecclésiastique, exprimant le continuum de la vérité révélée et obligatoire pour tout chrétien.

Le cardinal Brandmüller évoque également la législation et l’exercice du ministère pastoral dans l’Église .

Selon le Decretum Gratiani, qui s’inspire de la deuxième épître aux Corinthiens de Paul, l’exercice du ministère dans l’Église a ses limites. Les droits légitimement acquis par des tiers ne peuvent être violés par le Pape, gardien suprême de la loi.

En résumé, le Pape peut être considéré comme criminel s’il ne respecte pas la loi. Cependant, il ne peut être poursuivi en justice, car la règle “Prima Sedes a nemine iudicatur” prévaut depuis le IVe siècle.

Néanmoins, le droit et le devoir de correctio fraterna restent. L’abus de pouvoir d’un Pape ne justifie pas l’obéissance aveugle.

Malgré sa plenitudo potestatis, le Pape n’est pas un princeps legibus solutus. Si le Pape agit contrairement à la loi, il doit avoir une justification valable. Cela implique une obéissance graduée des membres de l’Église, qui doivent ultimement répondre à leur conscience.

Le culte du Pape qui s’est développé après l’exil de Pie VI doit être considéré dans ce contexte. Ce phénomène a marqué le début de l’ultramontanisme en France et en Europe. Les livres “Le Triomphe du Saint-Siège et de l’Église” de Mauro Capellari et “Le Pape” de Maistre, ainsi que la personnalité des papes successifs, ont alimenté cet enthousiasme ultramontain.

Les controverses du Concile Vatican I ont également influencé la perception du rôle du Pape. Les réserves de l’opposition conciliaire concernant les dogmes pontificaux doivent être reconsidérées à la lumière des expériences actuelles.

Il incombe à la théologie de trouver l’harmonie entre le ius divinum de la primauté pétrinienne et celui de l’épiscopat. Cependant, la difficulté de cette tâche découle du caractère mystérieux de l’Église.

Dans l’interprétation du Pastor aeternus, il est essentiel de prendre en compte le contexte ecclésiologique global. La nomination d’un évêque par le Pape concerne uniquement son diocèse, et non l’octroi du pouvoir d’enseignement et de pastorale.

L’augmentation des révocations d’évêques par le Pape doit être vue dans cette optique. Même les papes peuvent abuser de leur pouvoir.

Ces vérités soulignent la nécessité d’éviter un culte excessif du Pape tout en respectant son autorité suprême comme maître et pasteur de l’Église universelle.

Ces réflexions sont cruciales en prévision d’un prochain conclave. Le choix des candidats doit se faire en tenant compte de ces principes fondamentaux, une tâche facilitée par les consistoires pré-conclaves.

Il revient donc au conclave d’élire un Pape conscient de son mandat apostolique et de ses limites, ainsi que de son devoir de préserver le status generalis ecclesiae.

Source cardinalis

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