L’Espagne, terre marquée par une profonde tradition catholique, est aujourd’hui le théâtre d’une tension aiguë au sein de son Église. Entre les pressions idéologiques de la société contemporaine et l’appel à la fidélité au Christ et à la doctrine de l’Église, deux voix se sont récemment fait entendre, révélant une fracture préoccupante.À l’occasion de l’Assemblée du Réseau Mondial des Catholiques Arc-en-ciel (GNRC), qui s’est tenue à Madrid du 21 au 25 août, la capitale espagnole a été présentée comme un nouveau centre de ralliement pour les militants chrétiens LGBTQI+. Dans ce contexte, le cardinal José Cobo Cano, archevêque métropolitain de Madrid depuis 2023, a adressé un message de soutien aux participants, insistant sur une Église « accueillante et fraternelle », ouverte au respect et à la compassion.
Ses propos, largement relayés par la presse proche des associations chrétiennes LGBTQI+, ont été interprétés comme une volonté de rompre avec une attitude perçue comme rigide et de promouvoir de « nouveaux chemins pastoraux ». Le cardinal Cobo a d’ailleurs salué, dès le mois de juillet, les initiatives de dialogue avec certains groupes militants, renforçant l’impression d’un glissement vers une conception de l’inclusion qui ne fait pas l’unanimité.Pour beaucoup de fidèles, ces gestes s’inscrivent dans la continuité d’un courant ecclésial marqué par Fiducia supplicans, document qui, depuis sa publication, suscite incompréhension et divisions. Cette ouverture semble répondre à la logique d’un dialogue permanent avec le monde, mais elle pose une question essentielle : jusqu’où peut aller l’inclusion sans trahir la vérité de l’Évangile ?
Face à ce discours jugé accommodant, Monseigneur José Ignacio Munilla Aguirre, évêque d’Orihuela-Alicante, a pris la parole le 28 août sur la chaîne catholique internationale EWTN. S’appuyant sur le Catéchisme de l’Église catholique, il a rappelé la distinction fondamentale entre l’accueil des personnes et le rejet d’une idéologie. Reprenant la phrase du pape François , « Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? » ,Mgr Munilla a précisé que ces mots doivent se lire à la lumière de la doctrine, qui distingue clairement l’orientation personnelle d’un militantisme idéologique cherchant à imposer une vision contraire au dessein de Dieu.
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Il a dénoncé l’existence d’une « lobby gay » qui, selon lui, cherche à imposer une pensée unique et à limiter la liberté de l’Église à proclamer l’enseignement moral. L’évêque a ensuite rappelé les paragraphes 2357, 2358 et 2359 du Catéchisme de l’Église catholique indiquant qu’un nombre non négligeable d’hommes et de femmes présentent des tendances homosexuelles foncières et que cette » propension, objectivement désordonnée, constitue pour la plupart d’entre eux une épreuve ».
Ces deux prises de position, radicalement opposées dans leur approche, traduisent une confusion grandissante. Le cardinal Cobo, figure en vue d’un catholicisme ouvert à l’agenda progressiste, incarne une volonté d’accommodement avec le monde sécularisé Ouvert à toutes les ideologies . À l’inverse, Monseigneur Munilla rappelle fermement la fidélité au magistère, insistant sur la vérité non négociable de l’Évangile.
Cette fracture interne s’explique aussi par le climat créé depuis plusieurs années, marqué par des initiatives pastorales perçues comme ambiguës et par les textes issus du Dicastère pour la Doctrine de la Foi, aujourd’hui dirigé par le cardinal Víctor Manuel Fernández. Les fidèles espagnols se retrouvent ainsi devant une Église qui, à leurs yeux, hésite entre le témoignage clair du Christ et la recherche d’un compromis avec des idéologies contraires à l’anthropologie chrétienne.La situation espagnole n’est pas isolée. L’Allemagne vit déjà une profonde division entre une partie de son épiscopat favorable à une réforme doctrinale et les voix fidèles au magistère. L’Espagne semble désormais emprunter un chemin similaire, au risque de voir le peuple de Dieu désorienté ou s’éloigner de la pratique.
La question fondamentale demeure : l’Église espagnole choisira-t-elle d’être témoin de la vérité du Christ, même à contre-courant des modes idéologiques, ou se laissera-t-elle entraîner dans un processus de dilution de sa mission évangélique ?Dans ce contexte, l’avenir de l’Église en Espagne dépendra de sa capacité à affirmer avec clarté que la véritable compassion ne consiste pas à valider des choix contraires à l’ordre voulu par Dieu, mais à accompagner chaque personne dans la conversion et la sainteté.