Alors que plus de 10 000 adultes recevront le baptême à Pâques, l’Église de France affronte un double défi : accueillir cette soif de foi croissante dans un contexte de baisse des ressources. Mais au-delà des enjeux structurels, c’est une certaine conception de l’Église qu’il faut interroger : une Église qui n’est pas d’abord une organisation à rendre efficace, mais un lieu de conversion, de prière et de sanctification.
L’Église de France s’apprête à vivre un moment marquant : plus de 10 000 catéchumènes adultes recevront le baptême lors de la prochaine Vigile pascale. Ce chiffre, en constante augmentation, témoigne d’un éveil spirituel significatif. Pourtant, cette dynamique missionnaire se heurte à une réalité concrète : raréfaction des prêtres, baisse des moyens financiers, épuisement de certaines équipes pastorales.
C’est dans ce contexte que l’émission Je pense donc j’agis, diffusée sur RCF le 8 avril 2025, a donné la parole à plusieurs acteurs de terrain : évêques, prêtres et responsables pastoraux ont partagé leurs observations et les pistes qu’ils expérimentent localement.
Le père Matthieu Thouvenot, vicaire général du diocèse de Lyon, observe : « L’idée, ce n’est pas de changer le nombre, mais de s’adapter avec des fraternités missionnaires et paroissiales. […] Un petit groupe de chrétiens vivant leur vie de foi localement peut compléter cette quête missionnaire. ». Face à la diminution du nombre de prêtres, ces fraternités apparaissent comme des relais fraternels. Mgr Pierre-Antoine Bozo, évêque de Limoges, insiste : « Les catéchumènes sont un des thèmes principaux. Nous essayons de nous adresser aux jeunes catéchumènes. » Il reconnaît que les propositions passées n’étaient pas toujours adaptées.
Mais l’accompagnement ne peut s’arrêter aux sacrements. Le fondateur du réseau Talenthéo, Olivier, met en garde : « Les statistiques montrent que 80 % des néophytes décrochent cinq ans après le baptême. »Le témoignage d’une auditrice, Camille, le confirme : « Au bout de six mois de baptême, j’étais lâchée par ma paroisse. Ça fait cinq ans que je n’ai pas trouvé de paroisse. »
Pour répondre à cela, le père Thouvenot propose une intégration progressive : « Je recommande aux catéchumènes d’intégrer une fraternité un an avant leur baptême. […] Ils prient pour eux et ils les accueillent. »
Si de nombreuses pistes évoquées relèvent de l’organisation, plusieurs intervenants soulignent un point essentiel : l’Église ne peut se réduire à un modèle de gestion. Mgr Bozo le rappelle : « Trop de moyens économiques ne sont pas forcément plus évangéliques et évangélisateurs. » Olivier renchérit : « Être missionnaire ne coûte pas beaucoup d’argent, c’est surtout du cœur. Nos contemporains ont le cœur et soif de Jésus. »
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L’Église n’est pas là pour adapter l’Évangile à des schémas d’efficacité, mais pour permettre à son organisation de se conformer humblement à la Parole de Dieu. Il ne s’agit pas de viser des résultats mesurables comme on le ferait dans une entreprise, mais de répondre à une exigence de conversion des cœurs. Ce sont des fruits invisibles, mais essentiels, qui doivent guider toute réforme.
Toute organisation pastorale ne portera de fruit que si elle est enracinée dans la prière. La liturgie, l’adoration, la confession, ne peuvent être secondaires dans une Église qui se veut missionnaire. Le risque serait grand de se laisser emporter par une logique d’efficience, au détriment du cœur de la vie ecclésiale : le dialogue avec Dieu et la sanctification de son peuple.
Le père Thouvenot le souligne : « C’est dans les rencontres qu’on remplit la mission. » Encore faut-il que ces rencontres soient nourries de prière, de silence, de sacrements, de formation spirituelle. Monseigneur Bozo précise : « On est sur un roc qui est le Christ. Chacun doit se laisser renouveler. Il faut que les pasteurs soient à l’écoute de la créativité de leurs fidèles. », gageons que la » créativité des fidèles » soit toujours en phase avec l’exigence de l’Evangile, cette exigence qui demande un effort , véritable acte d’amour, que beaucoup refusent…
Réorganiser, oui, mais pour mieux prier. Simplifier, oui, mais pour mieux transmettre. L’Église ne vise pas à produire des résultats visibles, mais à faire naître des âmes renouvelées. Sa mission est d’abord de permettre à chacun de rencontrer le Christ, et cela commence toujours par la prière, la célébration eucharistique et l’adoration.Que l’on soit jeune ou moins jeune si la prière n’est pas au centre de tout alors tout le reste n’est qu’animation, bruit sans intérêt et l’Eglise n’est plus un lieu où l’on rencontre Le Seigneur.