Lors de sa première rencontre avec la Commission théologique internationale, le pape Léon XIV a fixé les grandes orientations intellectuelles et spirituelles de son pontificat. En s’appuyant sur Vatican II et sur l’appel au dialogue entre les savoirs, il propose une théologie enracinée dans la vérité révélée et attentive aux défis contemporains.L’audience accordée par le pape Léon XIV à la Commission théologique internationale le 26 novembre 2025 a livré un aperçu net de l’orientation doctrinale de son pontificat. Dès l’ouverture, il a replacé cette rencontre dans la continuité du ministère reçu, rappelant qu’il a été appelé à succéder à Pierre « dans le ministère d’unité de toutes les Églises ». Il a exprimé sa gratitude pour le travail de la Commission, créée en 1969, et a rappelé que saint Jean-Paul II avait souligné qu’elle avait exercé son service « avec grande diligence et prudence ».
Le pape a ensuite salué la publication du document préparé pour le 1700ᵉ anniversaire du concile de Nicée, intitulé Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur. Il l’a décrit comme « un texte faisant autorité, qui sera certainement une source d’inspiration pour de nouvelles études et pour le progrès du dialogue œcuménique ». Il a lié cette publication à son propre voyage, dès le lendemain, à İznik, l’ancienne Nicée, où il se rendra pour commémorer le premier concile œcuménique et demander l’unité de l’Église.Abordant ensuite la mission des théologiens, Léon XIV a affirmé que l’Église doit annoncer l’Évangile « avec une fidélité créative », car la Bonne Nouvelle, selon l’Épître aux Hébreux, a été donnée « une fois pour toutes ». Il a insisté sur l’action de l’Esprit Saint, décrit dans l’Évangile selon saint Jean comme Celui qui donne « sans mesure », pour rappeler que la foi est sans cesse ravivée par sa lumière. Il a cité Donum veritatis pour rappeler que les théologiens contribuent, « en vertu de leur propre charisme », « à l’édification du Corps du Christ dans l’unité et la vérité ».
Au cœur de son discours, le pape a identifié trois ressources fondamentales pour le travail de la Commission. La première est la catholicité de la foi, car, a-t-il souligné avec Jean-Paul II, venant de nations diverses et affrontant des cultures variées, les membres de la Commission peuvent reconnaître « les nouveaux problèmes qui sont comme le visage nouveau de problèmes anciens » et percevoir plus clairement « les aspirations et les mentalités des hommes d’aujourd’hui ». La deuxième ressource est le dialogue interdisciplinaire et transdisciplinaire, dans l’esprit de Veritatis gaudium, qui invite à favoriser « la mise en relation et la fermentation de tous les savoirs dans l’espace de Lumière et de Vie offert par la Sagesse émanant de la Révélation de Dieu ». La troisième est l’union entre l’étude théologique et la vie spirituelle, car, selon les mots du pape, « l’intelligence de la Révélation ne peut se réduire au commentaire des formules de foi ».
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Léon XIV a ensuite cité le pape François, qui affirmait que « la théologie accomplit un travail caché et humble, pour que jaillisse la lumière du Christ et de son Évangile ». Il a rappelé que Jésus-Christ est « la lumière du monde », selon l’Évangile de Jean, et que, comme l’enseignait Vatican II, Il est « la clé, le centre et le but de toute l’histoire humaine » et que « toutes choses trouvent leur fondement ultime dans le Christ, qui est toujours le même, hier, aujourd’hui et pour les siècles ».
Le pape a également cité Benoît XVI, qui mettait en garde contre « l’excessive sectorisation du savoir », la fermeture de certaines sciences humaines à la métaphysique et les difficultés du dialogue entre sciences et théologie, y voyant un obstacle non seulement pour « le développement du savoir, mais aussi pour le développement des peuples ». Le Saint Père a ensuite repris les paroles du pape François concernant la contribution de la raison, des sentiments, de la volonté et des décisions à la formation des cultures. C’est dans ce cadre global qu’il a affirmé qu’« il n’existe aucune faculté que la foi n’illumine » et « aucune science que la théologie puisse ignorer ».Ce discours apparaît comme un texte d’orientation majeur du nouveau pontificat. Léon XIV y exprime une continuité nette avec Vatican II et avec ses prédécesseurs, alliant fidélité au dépôt de la foi et attention aux défis culturels et scientifiques contemporains. En confiant finalement les membres de la Commission théologique internationale à la Vierge Marie, Sedes Sapientiae, il a conclu en rappelant que la théologie reste avant tout un service de la lumière du Christ dans l’histoire.
Audience aux membres de la Commission Théologique Internationale
Traduction Tribune Chrétienne
« Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
La paix soit avec vous.
Éminence,
Excellences,
chers membres de la Commission Théologique Internationale,
je suis heureux de vous rencontrer pour la première fois, même si beaucoup me sont connus, depuis que le Seigneur Jésus m’a appelé à succéder au bienheureux apôtre Pierre sur la chaire de l’Église de Rome dans le ministère d’unité de toutes les Églises.
Votre session plénière annuelle est une circonstance propice pour vous remercier tous, ainsi que ceux qui vous ont précédés dans ce service. L’organisme dont vous faites partie est né en accueillant les requêtes de renouveau formulées par le Concile œcuménique Vatican II. Instituée en 1969 par saint Paul VI, la Commission Théologique Internationale a accompli son travail « avec grande diligence et prudence », comme le soulignait saint Jean-Paul II en 1982, en lui conférant une forme stable et définitive (cf. M.p. Tredecim anni). En renouvelant cette appréciation, je vous remercie en particulier pour la publication rapide du document que vous avez offert à l’Église à l’occasion du 1700e anniversaire du premier Concile œcuménique de Nicée : “Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur”. Il s’agit d’un texte autoritatif, qui sera certainement source d’inspiration pour de nouvelles études et pour le progrès du dialogue œcuménique. Dès demain, j’entreprendrai mon premier voyage apostolique en Türkiye et au Liban, au cours duquel je me rendrai en pèlerinage à İznik, l’ancienne Nicée, pour commémorer cet événement historique et demander au Seigneur le don de l’unité et de la paix pour son Église.
Avec pleine confiance dans votre engagement généreux, je souhaite vous encourager à poursuivre la mission qui vous a été confiée par le Siège apostolique. Comme mes vénérés prédécesseurs ont parcouru avec ténacité et clairvoyance le sillon tracé par Vatican II, de même le discernement des « res novae » qui marquent le chemin de la famille humaine et des thèmes doctrinaux, « spécialement ceux qui présentent des aspects nouveaux » (Tredecim anni) dans la vie de l’Église, me tient aussi particulièrement à cœur. Ce sont des réalités qui nous interpellent avec urgence comme Peuple de Dieu, afin que nous annoncions avec une fidélité créative la Bonne Nouvelle donnée au monde « une fois pour toutes » (cf. He 9,12) par Dieu notre Père, par le Seigneur Jésus-Christ. Il est l’Évangile vivant du salut. Le témoignage que nous lui rendons à chaque époque est constamment renouvelé par l’effusion « sans mesure » de l’Esprit Saint (cf. Jn 3,34). En effet, c’est le Paraclet qui illumine les esprits et enflamme de charité nos cœurs, de manière à transformer l’histoire selon la volonté aimante de Dieu. Dans cette perspective, la Commission Théologique Internationale a pour tâche d’offrir approfondissements, herméneutiques et orientations au Dicastère pour la Doctrine de la Foi et au Collège épiscopal que je préside, coopérant à l’intelligence commune de la vérité salvifique révélée dans le Christ Jésus. Selon le ministère propre des théologiens, qui « en vertu de leur propre charisme » participent « à l’édification du Corps du Christ dans l’unité et dans la vérité » (cf. Instr. Donum veritatis ; 1 Tm 6,20 ; 2 Tm 1,12-14), vos contributions peuvent ainsi orienter la mission de l’Église dans la fidélité au dépôt de la foi.
Dans cet esprit, je vous exhorte à mettre à profit, outre l’indispensable rigueur de la méthode théologique, trois ressources spécifiques.
Je me réfère, en premier lieu, à la catholicité de notre foi. Comme le relevait saint Jean-Paul II, « provenant de diverses nations et devant traiter avec les cultures de différents peuples », les membres de la Commission Théologique Internationale « connaissent mieux les nouveaux problèmes, qui sont comme le visage nouveau de problèmes anciens, et peuvent par conséquent aussi saisir plus profondément les aspirations et les mentalités des hommes d’aujourd’hui » (Tredecim anni). En conséquence, je souhaite que vos réflexions s’enrichissent grâce aux multiples expériences des Églises locales.
En second lieu, je veux souligner l’importance, aujourd’hui encore plus évidente qu’hier, du dialogue interdisciplinaire et transdisciplinaire avec les différents savoirs et compétences. C’est là aussi une tâche exigeante et prometteuse de la Commission Théologique Internationale : promouvoir, comme le souhaite la Constitution apostolique Veritatis gaudium, la « mise en relation et la fermentation de tous les savoirs dans l’espace de Lumière et de Vie offert par la Sagesse qui émane de la Révélation de Dieu » (n. 4c). Votre engagement s’avère à cet égard non seulement utile mais nécessaire pour poursuivre avec authenticité et efficacité l’évangélisation des peuples et des cultures.
En troisième lieu, je vous invite à imiter la sagesse passionnée de Docteurs de l’Église tels que saint Augustin, saint Bonaventure, saint Thomas d’Aquin, sainte Thérèse de Lisieux, saint John Henry Newman. En eux, l’étude théologique fut toujours liée à la prière et à l’expérience spirituelle, conditions indispensables pour cultiver l’intelligence de la Révélation, laquelle ne peut se réduire au commentaire des formules de foi. Ce n’est que dans une vie conforme à l’Évangile que se réalise l’adhésion à la vérité divine que nous professons, rendant crédibles notre témoignage et la mission de l’Église.
Comme l’affirmait le pape François, « quand je pense à la théologie, me vient à l’esprit la lumière […]. La théologie fait un travail caché et humble, pour que surgisse la lumière du Christ et de son Évangile » (Discours aux participants au Congrès international sur l’avenir de la théologie, 9 décembre 2024). La lumière du Christ, la lumière qui est le Christ lui-même (cf. Jn 8,12). Oui, Jésus-Christ est la lumière du monde (cf. Jn 8,12). Comme l’enseigne le Concile Vatican II, il est « la clé, le centre et le but de toute l’histoire humaine », c’est pourquoi l’Église continue d’annoncer que toutes choses « trouvent leur fondement ultime dans le Christ, qui est toujours le même, hier, aujourd’hui et pour les siècles » (Gaudium et spes, 10). En tant que scientia fidei, la théologie a avant tout la tâche d’admirer, puis de réfléchir et de diffuser la lumière permanente et agissante du Christ dans le rythme changeant de notre histoire.
Aujourd’hui, précisait le pape Benoît XVI, « l’excessive sectorisation du savoir, la fermeture des sciences humaines à la métaphysique, les difficultés du dialogue entre les sciences et la théologie nuisent non seulement au développement du savoir, mais aussi au développement des peuples, car lorsque cela se produit, la vision de l’ensemble du bien de l’homme, dans les diverses dimensions qui le caractérisent, est entravée » (Lettre encyclique Caritas in veritate, 31). Parmi celles-ci se trouve certainement la raison, mais aussi « nos sentiments, notre volonté et nos décisions » (François, Discours aux participants au Congrès international sur l’avenir de la théologie, 9 décembre 2024), qui ensemble concourent à l’élaboration des différentes cultures. Très chers, comme il n’y a aucune faculté que la foi n’éclaire, il n’y a aucune science que la théologie puisse ignorer. À travers une étude intégrale, vous êtes donc appelés à offrir votre précieuse contribution au discernement et à la solution des défis qui interpellent aussi bien l’Église que l’humanité entière.
Merci donc pour le dévouement généreux avec lequel vous poursuivez votre précieux service. En vous confiant à la Bienheureuse Vierge Marie, Sedes Sapientiae, j’impartis à vous tous ma Bénédiction.
Merci. »
Source Vatican


