Depuis 2000 ans

Léon XIV et Donald Trump : deux Américains pour diriger le monde

Donald Trump et le Pape Léon XIV
Donald Trump et le Pape Léon XIV
Quand le successeur de Pierre et le président des États-Unis partagent leurs racines, mais pas toujours les mêmes combats

Un pape venu de Chicago, un président réélu à Washington : entre honneur national et divergences sur la charité, la peine capitale et l’immigration, l’Amérique pèse plus que jamais sur l’Église.L’histoire retiendra l’élection du cardinal Robert Francis Prevost, né à Chicago, comme le premier pape américain. À 69 ans, Léon XIV succède à François, dans un contexte marqué par de grandes fractures culturelles et morales au sein de l’Église comme de la société. À la Maison Blanche, Donald Trump, réélu jusqu’en 2028, n’a pas tardé à saluer cette élection comme « un grand honneur ».

Deux figures puissantes, deux styles, une même patrie : l’Amérique pèsera plus que jamais dans la vie de l’Église.

« Avoir un pape venu d’Amérique est un grand honneur », a déclaré Trump devant les journalistes, avant de publier sur Truth Social : « Félicitations au cardinal Robert Francis Prevost, tout juste nommé pape. C’est un immense honneur de savoir qu’il est le premier pontife américain. J’ai hâte de rencontrer le pape Léon XIV. Ce sera un moment très significatif. »

Vice-président et converti au catholicisme en 2019, JD Vance a renchéri : « Félicitations à Léon XIV, le premier pape américain, pour son élection ! Je suis certain que des millions de catholiques américains et d’autres chrétiens prieront pour le succès de son pontificat. Que Dieu le bénisse ! »

Les félicitations ont afflué de tous bords : Joe Biden a tweeté un « Habemus papam – Que Dieu bénisse le pape Léon XIV de l’Illinois », tandis que Barack Obama écrivait : « Michelle et moi adressons nos félicitations à un compatriote de Chicago, Sa Sainteté le pape Léon XIV. C’est un jour historique pour les États-Unis. » George W. Bush, quant à lui, a salué « un moment porteur d’espérance pour les catholiques d’Amérique et les fidèles du monde entier ». Même le secrétaire d’État Marco Rubio, catholique pratiquant, a évoqué « un moment de profonde signification pour l’Église » en cette année jubilaire.

Le profil de Léon XIV suscite des attentes considérables, notamment parmi les conservateurs. Selon Charlie Kirk, fondateur de Turning Point USA, « notre équipe a retrouvé l’historique électoral de Léon XIV : il était enregistré comme républicain, opposé à l’avortement, et a voté aux primaires républicaines lorsqu’il résidait encore aux États-Unis. » Des données confirmées jusqu’à août 2023, date à laquelle il aurait encore voté à la présidentielle de 2024.De son côté, Gabe Guidarini, analyste politique républicain de Chicago – la ville natale de Prevost – affirme : « Il est plutôt conservateur sur les questions sociales liées au mariage et à la famille, même s’il est plus modéré sur l’immigration. »

L’Amérique catholique représente un poids très important : 53 millions de fidèles, soit 20 % de la population, majoritairement issue des communautés irlandaise, italienne ou hispanique. Longtemps orientés vers le Parti démocrate, les catholiques ont glissé à droite à mesure que ce parti rejetait la cause pro-vie. Lors de la dernière présidentielle, 56 % des catholiques ont voté pour Donald Trump.

L’influence des États-Unis sur l’Église ne s’arrête pas aux urnes : ils sont les premiers donateurs de l’Obole de Saint-Pierre, avec 107 millions de dollars versés, soit 28 % du total mondial. À cela s’ajoutent les 14 millions de dollars donnés personnellement par Donald Trump au Vatican lors des funérailles du pape François. Une somme considérable en période de crise financière, même si « 14 millions ne font pas un pape », comme le rappelait un commentateur italien.

Mais tout n’est pas harmonie. Léon XIV, même s’il partage des convictions fortes sur les questions éthiques, s’est opposé, parfois de manière indirecte, à certaines politiques de l’administration Trump. Sur les réseaux sociaux, un compte à son nom, actif depuis 2011, a republié un article du National Catholic Reporter critiquant JD Vance :

« JD Vance se trompe : Jésus ne demande pas de classer notre amour pour les autres. »

Le même compte a repartagé une tribune dénonçant l’expulsion vers le Salvador d’un résident accusé d’appartenir au gang MS-13, alors même que la Cour suprême plaidait pour son maintien sur le sol américain. Si ces partages n’ont pas été formellement confirmés par le Vatican, ils traduisent une sensibilité pastorale différente, plus proche des préoccupations sociales latino-américaines.

Lire aussi

Dans une interview accordée en espagnol au quotidien péruvien La Republica alors qu’il était évêque à Chiclayo, Monseigneur Prevost s’était dit fermement opposé à la peine de mort, « en toute circonstance ».

Un autre point de friction concerne les coupes budgétaires de l’USAID, qui ont durement frappé Catholic Relief Services (CRS), la branche caritative de la Conférence épiscopale des États-Unis. La moitié de son budget de 1,5 milliard de dollars provenait de l’USAID. L’ONG italienne AVSI a également été touchée : 17 millions d’euros, soit 15 % de son budget, venaient de l’agence américaine.Le 20 février dernier, la Conférence des évêques américains a intenté un procès contre l’administration Trump, dénonçant la suspension « illégale » de 65 millions de dollars destinés à l’accueil des réfugiés. Ils rappellent que cette coopération avec le Département d’État dure depuis près d’un demi-siècle et a permis à « environ un million de personnes de trouver sécurité et avenir aux États-Unis ».

À Chicago, la fierté est palpable. Le maire Brandon Johnson a tweeté : « Tout ce qui est grand vient de Chicago, y compris le pape ! Félicitations à Léon XIV, premier pape américain. Nous espérons vous accueillir à nouveau chez vous très bientôt. » Le gouverneur de l’Illinois, JB Pritzker, a qualifié ce moment d’historique, soulignant que « le pape Léon XIV ouvre un nouveau chapitre au moment où nous avons besoin de compassion, d’unité et de paix ».

C’est donc deux Américains, deux figures mondiales, deux styles pour incarner une nouvelle ère.L’un manie les leviers politiques de Washington, l’autre, les clés du royaume des cieux depuis Rome. Léon XIV et Donald Trump incarneront-ils un dialogue fécond entre foi et puissance ? Ou les contradictions de deux visions opposées d’un même monde occidental ? La Providence a peut-être voulu que la plus grande puissance de ce monde et le cœur du pouvoir spirituel parlent, pour un temps, la même langue.

Recevez chaque jour notre newsletter !