Depuis 2000 ans

Un nouveau pape déjà fragilisé par les affaires ?

Léon XIV - DR
Léon XIV - DR
Certains membres du Collège des cardinaux relativisent ces accusations, estimant qu’en 2025, peu d’évêques échappent à la critique sur leur gestion passée

À peine élu, Léon XIV, ancien cardinal Robert Francis Prevost, se retrouve au cœur de « certaines affaires » . Tandis que l’Église espère retrouver la paix et la réconciliation, des zones d’ombre entachent déjà son pontificat naissant.

« Peut-on confier les clés de l’Église à un homme soupçonné d’avoir gardé le silence face à la souffrance des victimes ? » La question, posée à la veille du conclave, n’a pas cessé d’agiter Rome depuis l’annonce de l’élection du nouveau pape. Le cardinal américain Robert Francis Prevost, 69 ans, a été élu après seulement quatre scrutins sous le nom de Léon XIV, suscitant à la fois l’étonnement et une certaine inquiétude…

Préfet du Dicastère pour les évêques depuis 2023, son profil séduit : un parcours entre l’Amérique du Nord et l’Amérique latine, une connaissance du Sud global, une méthode de gouvernement inspirée du monde anglo-saxon. Deux soutiens influents auraient plaidé pour son élection : le cardinal Christophe Pierre, nonce aux États-Unis, et le cardinal Oscar Maradiaga, proche du pape François et déjà artisan discret de l’élection de 2013. L’appui de Maradiaga, également impliqué dans la promotion du controversé cardinal Blase Cupich, en dit long sur la ligne envisagée : continuité assumée avec le pontificat précédent, dans un esprit de dialogue, d’inclusion et de réforme.

Mais à mesure que ces réseaux activaient leurs relais, des voix se sont élevées avec gravité. Trois religieuses du diocèse de Chiclayo, au Pérou, diocèse que le cardinal Prevost a dirigé jusqu’en 2020, l’accusent d’avoir ignoré en 2022 leurs signalements d’abus sexuels commis par un prêtre. Selon elles, aucune enquête canonique sérieuse n’a été engagée, et les documents transmis à Rome auraient été volontairement tronqués. Le diocèse affirme que le cardinal a rencontré les plaignantes et les a orientées vers la justice civile, mais ces dernières contestent formellement cette version. Elles affirment n’avoir jamais été contactées par un enquêteur, ni vu aucun décret officiel d’ouverture de procédure. L’une d’elles va jusqu’à déclarer que le prêtre incriminé aurait avoué les faits directement au cardinal Prevost.

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Cette affaire n’est pas isolée. À Chicago, en 2000, alors qu’il était supérieur provincial des Augustins, Robert Prevost a autorisé le père James Ray, accusé d’abus sexuels sur mineurs, à s’installer dans un couvent situé à quelques mètres d’une école catholique. Le prêtre, pourtant restreint dans son ministère depuis 1991, avait reconnu avoir fait dormir un garçon dans son lit et s’être livré à des gestes déplacés. Ni les responsables scolaires, ni les paroissiens n’avaient été informés de sa présence. Aucune surveillance, aucune mesure de précaution. Une négligence grave, à laquelle le cardinal n’a jamais répondu publiquement.

À Rome, les défenseurs des victimes tirent la sonnette d’alarme : un pontificat entaché de soupçons dès le départ affaiblirait considérablement la crédibilité de l’Église, surtout après les années douloureuses où la figure du pape François a été éclaboussée par la gestion controversée de certains abus. Le SNAP (Survivors Network of those Abused by Priests) a adressé le 25 mars une lettre à plusieurs responsables du Vatican, dont le cardinal Parolin, dénonçant l’inaction persistante dans ces affaires. À ce jour, aucun éclaircissement officiel n’a été apporté par le nouveau pape lui-même.

Certains membres du Collège des cardinaux relativisent ces accusations, estimant qu’en 2025, peu d’évêques échappent à la critique sur leur gestion passée. D’autres soupçonnent une instrumentalisation idéologique. Mais les associations de victimes, elles, ne réclament ni revanche ni procès d’intention : seulement la vérité, la justice, la reconnaissance.

Il semble que Léon XIV ne sera pas seulement jugé sur ses premières décisions, mais aussi sur ce qu’il aura laissé faire. Le dossier explosif qui entoure Léon XIV pourrait le placer d’emblée dans une position de fragilité morale et de vulnérabilité médiatique, à l’heure où l’Église catholique a plus que jamais besoin de cohérence, de clarté et de réparation.Le premier test sera sa capacité à gérer les dossiers laissés ouverts par son prédécesseur, à commencer par celui du père Marko Rupnik. À lui maintenant de montrer s’il est l’homme de Vérité qu’attend toute l’Église blessée et divisée.

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