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Les évêques de France font étape dans une abbaye mixte en Terre Sainte

Photo page Facebook Eglise de France
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L’abbaye bénédictine mixte d’Abu Gosh rappelle par son jardin commémoratif la mémoire du cardinal Jean-Marie Lustiger, figure majeure du dialogue judéo-chrétien

Du 16 au 20 août, la Présidence de la Conférence des évêques de France effectue un voyage en Israël, marqué par des temps de prière, des rencontres avec les communautés chrétiennes locales et des visites de lieux symboliques. Dans un contexte marqué par la guerre et les blessures, ce déplacement se veut un signe de solidarité, de fraternité et d’espérance.C’est à l’abbaye Sainte-Marie-de-la-Résurrection d’Abu Gosh, à l’ouest de Jérusalem, que les évêques ont choisi d’entamer leur pèlerinage. Haut lieu spirituel, historique et patrimonial, l’abbaye incarne à la fois la mémoire chrétienne des croisés, la fidélité monastique bénédictine et le dialogue interreligieux.

Le village d’Abu Gosh, situé dans les monts de Judée, est mentionné dans la Bible comme ville frontière entre les tribus de Juda et Benjamin. Les archéologues y ont relevé une présence humaine très ancienne, remontant à l’époque néolithique, et les Romains y ont laissé des bassins d’eau.Au XIIᵉ siècle, les croisés, et plus précisément l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, identifient le lieu comme l’Emmaüs de l’Évangile, à « deux heures de marche de Jérusalem » (Lc 24, 13). Ils y construisent en 1143 une église romane sobre et solide, dont les fresques byzantines, réalisées entre 1150 et 1175, demeurent encore visibles malgré des dégradations iconoclastes. Après la chute du royaume de Jérusalem en 1187, l’édifice est abandonné et utilisé comme grange par les habitants.En 1873, l’Empire ottoman confie le site à la France. En 1900, des bénédictins de l’abbaye de Belloc y établissent un monastère, remplacés en 1953 par les pères lazaristes. En 1976, trois moines bénédictins du Bec-Hellouin, rejoints l’année suivante par trois moniales, restaurent la vie monastique. En 1999, la communauté devient abbaye autonome. De 2005 jusqu’à sa mort en 2019, le père Charles Galichet en est l’abbé, avant de passer le relais au père Louis-Marie Coudray.

La France a financé au début des années 2000 d’importants travaux de restauration : fresques, toiture et murs d’enceinte

L’église abbatiale, héritée des croisés, se distingue par ses trois nefs égales, chacune terminée par une abside. Ses fresques de style byzantin, bien que très endommagées, témoignent de l’art sacré de l’époque. La crypte, vaste et voûtée, conserve un bassin alimenté par une source, autour duquel se sont greffés des lieux de prière.La communauté d’Abu Gosh est atypique : mixte, elle réunit moines et moniales vivant séparément mais se retrouvant ensemble pour l’office divin. Fidèles à la règle de saint Benoît, ils rythment leurs journées entre silence, travail et accueil, tout en entretenant des liens fraternels avec la population musulmane du village.Le père Louis-Marie Coudray, ancien supérieur de la communauté, rappelait : « Ici, nous ne sommes pas venus pour convertir, mais pour témoigner de la présence du Christ ressuscité au cœur de la vie ordinaire. C’est par la prière et l’amitié que nous construisons des ponts avec nos voisins. »Une moniale ajoutait : « Vivre à Abu Gosh, c’est apprendre chaque jour que la paix commence dans les relations simples, dans le respect et l’écoute. La liturgie, chantée ici depuis des siècles, est notre manière de dire au monde que l’espérance n’est jamais éteinte. »

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En octobre 2013, un mémorial en hommage au cardinal Jean-Marie Lustiger, archevêque de Paris de 1981 à 2005, a été inauguré dans les jardins de l’abbaye à l’initiative du Conseil représentatif des institutions juives de France. Le président du CRIF Richard Prasquier, le grand rabbin René-Samuel Sirat et le cardinal André Vingt-Trois y participèrent, soulignant « la volonté des juifs d’honorer le cardinal » et son rôle de bâtisseur de ponts entre les traditions.En choisissant de commencer leur pèlerinage par Abu Gosh, les évêques de France ont voulu souligner l’importance du témoignage monastique dans une région meurtrie. « Notre présence est un signe de fraternité et d’encouragement pour ceux qui travaillent à la paix », ont-ils confié.Les prochains jours du voyage seront marqués par d’autres rencontres avec les communautés chrétiennes locales et des temps de prière, dans la perspective de nourrir l’espérance et de renforcer le dialogue entre les peuples.

On ne peut que se réjouir que les évêques aient commencé leur pèlerinage par un haut lieu de prière et d’histoire, où la mémoire du cardinal Lustiger unit au-delà des clivages. Reste à espérer que la mixité de l’abbaye ,qui a ici un sens strictement monastique et liturgique, n’inspire pas d’autres expérimentations plus aventureuses à Mgr Jean-Marc Aveline, jamais à court d’idées, les meilleures comme les moins bonnes.

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