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Les évêques européens appellent à une intervention urgente de l’Union Européenne face à la crise en République Démocratique du Congo

Monseigneur  Mariano Crociata - DR
Monseigneur Mariano Crociata - DR
« Les intérêts économiques ne doivent pas remettre en question l’engagement de l’UE envers la dignité humaine, le droit international et la justice »

À l’approche de la séance du Parlement Européen prévue pour la fin de cette semaine, qui votera une résolution concernant la République Démocratique du Congo (RDC), Monseigneur Mariano Crociata, président de la Commission des Conférences Épiscopales de l’Union Européenne (COMECE), a publié un communiqué exprimant sa profonde tristesse et sa préoccupation face à la détérioration de la situation humanitaire à Goma.

Ce communiqué intervient après une rencontre avec Monseigneur Willy Ngumbi Ngengele, évêque de Goma, qui a récemment visité la COMECE pour partager ses témoignages de première main concernant la crise en cours.

Les rebelles du M23, un groupe armé formé principalement de Tutsis congolais et d’anciens membres du Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP), ont plongé la ville de Goma dans le chaos. Ce groupe, qui a émergé après l’échec de l’accord de paix de 2009, a été accusé de commettre de graves violations des droits humains, y compris des massacres, des viols et des déplacements forcés de civils. Soutenus par des acteurs extérieurs, notamment le Rwanda, bien que ce dernier nie toute implication, les rebelles du M23 ont causé près de 3 000 morts et le déplacement de plus d’un million de personnes au cours des dernières semaines, selon les chiffres de l’ONU.

Des civils, y compris des nouveau-nés tués dans des bombardements d’hôpitaux, sont devenus les principales victimes d’une violence généralisée. Des milliers de personnes cherchent refuge dans des églises, des écoles et des camps improvisés, alors que les pénuries alimentaires, d’eau et de fournitures médicales se font de plus en plus pressantes.

Monseigneur Crociata appelle à des efforts plus vigoureux pour garantir la protection des civils et leur accès à l’aide. Il exhorte également les autorités locales et la communauté internationale à « faire tout ce qui est en leur pouvoir pour résoudre ce conflit par des moyens pacifiques. »

« La participation d’armées et de milices étrangères, en particulier le soutien présumé du Rwanda au M23, constitue une grave violation du droit international. […] L’UE et la communauté internationale doivent faire pression sur ces acteurs pour qu’ils cessent leur soutien au M23, qu’ils négocient de bonne foi, respectent l’intégrité territoriale et la souveraineté de la RDC, et mettent fin à l’exploitation de ses ressources naturelles », peut-on lire dans le communiqué.

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Avant le vote du Parlement Européen sur la résolution concernant l’« Escalade de violence dans l’est de la République Démocratique du Congo », prévu pour le jeudi 13 février, le président des évêques européens, Monseigneur Mariano Crociata, a appelé les eurodéputés à adopter des sanctions spécifiques et à réévaluer la coopération économique.

Il a également fermement dénoncé les responsables de la violence et des abus des droits humains à l’encontre des civils, appelant à exercer une pression diplomatique pour garantir le respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la République Démocratique du Congo.« Les intérêts économiques ne doivent pas remettre en question l’engagement de l’UE envers la dignité humaine, le droit international et la justice », a souligné Mgr Crociata. Il a aussi assuré aux évêques de la RDC les prières continues et le soutien de la COMECE pour une paix juste et durable.

Intégralité de la Déclaration de Mgr Mariano Crociata, Président de la Commission des Conférences Episcopales de l’Union Européenne (COMECE) sur la crise humanitaire, sécuritaire et politique en République Démocratique du Congo (RDC)

« Lorsque un membre souffre, tout le corps souffre » (1 Co 12, 26)

« En tant que Président de la Commission des Conférences Episcopales de l’Union Européenne (COMECE), je tiens à exprimer ma profonde tristesse et ma vive inquiétude face à la situation catastrophique à Goma et dans les régions environnantes de la République Démocratique du Congo (RDC). Profondément touché par les circonstances horribles partagées par Son Excellence Mgr Willy Ngumbi Ngengele M. Afr., Évêque de Goma, lors d’une récente visite au Secrétariat de la COMECE, j’exhorte l’Union Européenne et la communauté internationale à prendre des mesures immédiates pour garantir la cessation des hostilités ainsi qu’un respect absolu de la dignité humaine et du droit international.

La ville de Goma, un carrefour humanitaire, économique et de transport vital dans l’est de la RDC, voisine du Rwanda, a été plongée dans le chaos après avoir été saisie par les rebelles du M23 et leurs alliés. Selon les derniers chiffres des Nations Unies, près de 3000 personnes sont mortes et plus d’un million ont été déplacées ces dernières semaines, des milliers se réfugiant dans des églises, des écoles et des camps improvisés, dans un contexte de pénurie de nourriture, d’eau et de fournitures médicales. Les hôpitaux, y compris les établissements gérés par l’Église comme l’Hôpital Général Charité Maternelle, ont été bombardés, tuant tragiquement des nouveau-nés et blessant gravement des civils. Les agences catholiques font état de conditions désastreuses, avec des hôpitaux débordés et une violence sexuelle omniprésente.

Rejoignant l’appel du Pape François aux « autorités locales et à la communauté internationale pour faire tout ce qui est en leur pouvoir pour résoudre le conflit par des moyens pacifiques », la COMECE se félicite de l’allocation récente de 60 millions d’euros d’aide humanitaire par l’Union Européenne et appelle à davantage d’efforts pour garantir que l’aide parvienne aux plus vulnérables. Un accès humanitaire sans restrictions aux zones de conflit et la protection des civils, en particulier des femmes et des enfants, contre la violence et l’exploitation doivent être assurés. Le soutien à l’éducation, à la santé et à l’hébergement, par le biais de partenariats avec les réseaux ecclésiaux locaux, qui restent un pilier pour les personnes déplacées, doit se poursuivre.

Les causes profondes de cette crise – des décennies d’exploitation des ressources, d’ingérence étrangère et de violences cycliques – exigent du courage politique et un dialogue diplomatique. Nous accueillons favorablement l’appel à un « Pacte Social pour la Paix et la Coexistence en République Démocratique du Congo (RDC) et dans la région des Grands Lacs », une feuille de route des Églises catholique et protestante pour mettre fin à la violence et promouvoir la coexistence pacifique et la cohésion sociale.

Tout en encourageant un processus de paix inclusif avec la participation des Églises et de la société civile, la COMECE incite l’UE à soutenir également les efforts de médiation internationaux et régionaux, y compris les mesures de stabilisation récemment convenues lors du Sommet conjoint entre la Communauté de l’Afrique de l’Est et la Communauté de Développement de l’Afrique Australe.

L’implication des armées et des milices étrangères, en particulier le soutien présumé du Rwanda au M23, constitue une grave violation du droit international. L’annonce par les rebelles du M23 qu’ils prévoient d’étendre le conflit pour atteindre la capitale et contrôler le pays représente un défi majeur pour la RDC et la région. L’UE et la communauté internationale doivent exercer des pressions sur ces acteurs pour qu’ils cessent leur soutien au M23, qu’ils négocient de bonne foi, qu’ils respectent l’intégrité territoriale et la souveraineté de la RDC, et qu’ils mettent un terme à l’exploitation de ses ressources naturelles. Les considérations économiques ne doivent pas compromettre l’engagement de l’UE envers ses valeurs et principes fondamentaux.

Nous appelons le Parlement européen à soutenir les appels pour l’adoption de sanctions ciblées et pour la réévaluation des conditions de coopération économique, y compris le « Mémorandum d’entente sur les chaînes de valeur des matières premières durables », avec ceux qui sont responsables des violations des droits de l’homme et du droit international.

De plus, tout en condamnant le pillage des ressources naturelles, nous appelons à une plus grande transparence dans les pratiques minières qui alimentent le conflit, y compris l’application des cadres de diligence raisonnable sur les chaînes d’approvisionnement liées aux minerais congolais (par exemple, le cobalt, le coltan et l’or).

Je tiens à assurer les évêques de la RDC de nos prières continues pour la population souffrante dans l’espoir d’une paix juste et durable. La COMECE suivra de près la situation sur le terrain et restera disponible pour transmettre aux institutions de l’UE toute préoccupation, perspective et initiative de l’Église locale. »

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